Le troisième opus de l’entreprise Raconter la vie s’intéresse au sort des coursiers et des livreurs. Eve Charrin, journaliste, a suivi ces travailleurs de l’ombre qui permettent aux urbains que nous sommes de recevoir dans notre boîte aux lettres nos commandes réalisées sur internet mais aussi d’approvisionner les magasins où nous allons remplir notre réfrigérateur.

Le développement de la livraison à domicile et la gestion à flux tendus exigent qu’une armée de livreurs (290 000) arpente la ville dans tous les sens pour apporter, en temps limité, des capsules Nespresso, des vaccins, des frites surgelées… Les clients desservis, des particuliers comme des entreprises, par leur incapacité à réceptionner un colis (terrible portrait des gardiennes revêches), compliquent la vie des livreurs, obligés de repasser. Les nouvelles technologies, en permettant de rationnaliser les circuits de distribution, accroissent les contraintes qui pèsent sur la profession. 70 colis à livrer dans une même journée ne laisse aucun loisir. Pour tenir les temps et espérer toucher les primes, il faut presser le pas voire courir entre les clients, posture d’autant plus nécessaire quand on a du garer son camion en double file et qu’on prend le risque d’une amende de 125€ !

Une hiérarchie interne organise la profession. Les salariés des entreprises de transport ont un sort enviable par rapport aux salariés des sous-traitants qui ont tiré sur les prix pour obtenir le marché. La taille du camion rend compte de la place du livreur dans la profession. Le sort des routiers au long cours les apparente à celui des aristocrates. Privilégiés de la profession, ils n’ont souvent qu’une unique destination à livrer et évitent le centre engorgé de Paris. Bien souvent, ce ne sont pas eux qui chargent leur camion mais le client. Ils ont ainsi le temps de nouer des amitiés sur les différents sites. C’est la rançon de la formation, de la détention de permis permettant de conduire des mastodontes.

Le monde de la logistique est désormais au cœur de nos modes de vie. Les coursiers sont par excellence les représentants des invisibles. Le mérite de l’opération Raconter la vie est de braquer les projecteurs sur ceux que l’on ne voit pas mais qu’on entend au petit matin avec leur camion frigorifique et qu’on maudit de nous avoir réveillé !

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes