C’est à Nantes en mai 2012 qu’a été organisée la journée des sciences de l’homme consacrée à la marge. Sous la direction de Philippe Josserand (maître de conférences en histoire du Moyen Age à Nantes) et Françoise Le Jeune (professeure d’histoire et de civilisation nord-américaine et britannique à Nantes), les actes de cette journée sont publiés et permettent ainsi, à défaut d’avoir pu y assister, de prendre connaissance de cette riche journée.

La marge est un mot qui prend le sens de figure du dehors ou de l’entre-deux au XXème siècle. Elle s’inscrit dans la dialectique centre / périphérie. Les articles du volume qui traitent de cette question sont particulièrement variés et couvrent plusieurs domaines des sciences humaines et sociales. Globalement, ils montrent que la marge « devient souvent l’épicentre de mouvements révolutionnaires ou culturels, de dynamiques sociales, politiques, géographiques ou historiques qui déstabilisent le centre ou en révisent la norme » (p. 12).

La diversité l’emporte dans les sujets des contributions publiées ici : de la marge sur la feuille de papier (ou sur les tablettes tactiles) à la place des sanatoriums dans l’espace (excellent article de Stéphane Henry), en passant par la liberté de parole dans les asiles psychiatriques de la RDA ou bien encore par l’analyse des discours des militants anti-OGM. La place des handicapés dans l’espace public (très bonne analyse de Mathilde Mus, doctorante en géographie au Havre) ou la prise en compte par les instances internationales du cas des « petits » Etats, montrent que la marge devienne un centre. L’article de Christian Le Bart, professeur de sciences politiques à Rennes, est lumineux. Il décrypte les stratégies des hommes politiques qui font fréquemment valoir leur position marginale pour se rapprocher du peuple afin que celui-ci se sente plus près d’eux. Cette analyse se fait à partir des autobiographies écrites par les hommes politiques. Si la marginalité des débutants peut se comprendre sans peine (excellente analyse du livre de Bernard Laporte, Un bleu en politique, 2009), cette posture mise en avant par Laurent Fabius ou Alain Juppé dans leurs ouvrages des années 1990 (Fabius, Les blessures de la vérité, 1995 – Alain Juppé, La tentation de Venise, 1993 et Entre nous, 1996) amuse notre politologue et sa lectrice. On trouve une revendication de la marge partout ! Même parmi ceux qui ont rempli de hautes fonctions politiques, une fois leur heure de gloire passée. La posture de victime fait vendre !

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes