Sollicitée par les éditions L’Harmattan pour chroniquer sur le site des Clionautes cet ouvrage, j’avais accepté avec enthousiasme en me disant que la lecture de ces articles sur la question régionale me permettrait d’affiner mes connaissances épistémologiques sur cette thématique. Or, me voici confrontée à une difficulté inhabituelle à l’heure de rédiger ce compte-rendu. Comment rendre compte d’un ouvrage abordant certes la question régionale mais contenant également des textes très personnels à la limite du règlement de compte ?
Le ton est donné dès l’introduction puisque les deux directeurs de l’ouvrage reviennent sur les difficultés ayant émaillé sa préparation ayant demandé 4 années avant de pouvoir être édité : absence de moyens matériels, financiers (le colloque prévu n’a pu se tenir) et humains, nécessitant un investissement financier des directeurs ayant conduit à leur faillite personnelle. Par conséquent, ils ont sollicité les auteurs directement afin de réunir des textes montrant que l’étude des régions a encore de l’avenir en géographie. Le recueil comprend le texte rédigé par Paul Claval faisant un point sur l’analyse régionale engagée par Paul Vidal de la Blache mais également sur l’approche territoriale prenant en compte les rapports entre identités et espace dans la lignée de sa vaste Histoire de la géographie française de 1870 à nos jours parue en 1998. Si la majorité des contributions traite de la question régionale à partir d’une réflexion conceptuelle plus ou moins accessible et d’études de cas, le texte d’Edith Mukakayumna est le plus personnel et atypique : Et si « La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre » n’avait servi, d’abord, qu’à l’érection d’un mandarin en herbes au rang de pape ? Le mandarin en herbe et le pape dont il est question dans ce titre est Yves Lacoste. Elle fait un parallèle entre son ascension fulgurante et sa propre descente aux enfers liée à la destinée d’un jeune géographe carriériste : « C’est du moins ce qui ressort clairement du récit d’une vie d’enfer que j’ai subie à l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) à compter de 2005, dont les effets se font encore sentir dans ma vie d’aujourd’hui » (p. 237). Le lecteur français peu aux faits des querelles déchirant l’Université québécoise aurait besoin d’éclaircissement sur l’identité de ce jeune prétendant dont elle tait le nom. Au-delà de cette affaire personnelle, à l’origine de ce texte, sa lecture est particulièrement intéressante puisqu’elle propose une étude des querelles ayant émaillé l’Institut de géographie au cours des années 1970 suite à la parution de La géographie, c’est d’abord à faire la guerre par Yves Lacoste en 1976. Elle met en scène Jean Dresch et le rôle qu’il a joué pour inciter Yves Lacoste à s’intéresser à ce qui se tramait au Nord-Vietnam avec le bombardement des digues du fleuve rouge. Les liens entre Pierre Georges et Yves Lacoste sont analysés dans le cadre de la scission opérée par ce dernier avec la création de l’école française de géopolitique. Le lien avec la thématique de l’ouvrage reste mince dans ce chapitre même si elle analyse le rapport d’Yves Lacoste avec la notion de région et montre ses contradictions puisqu’après en avoir prédit la mort, il publie en 1986 Géopolitiques des régions françaises en 3 tomes.
Par conséquent, face à cet ONI (Ouvrage Non identifié), je suis loin de partager l’expression « coup de cœur » employée par J.B Racine dans la préface.
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes