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France 5 : dimanche 21 août, 10 h 30 Libre de droits
Édifiée à l’intérieur des terres sur les hauts plateaux latéritiques de Goiás, Brasília est l’exemple unique d’une capitale décidée par une volonté politique et construite de toutes pièces en un temps record (moins de quatre ans). Sa création s’inscrit dans le cadre d’une mise en valeur du territoire intérieur du Brésil, la conquête coloniale ayant laissé un pays au peuplement essentiellement littoral. Elle est l’œuvre de deux Brésiliens : Lúcio Costa et Oscar Niemeyer. Ce film de la collection « Promenades d’architecte » analyse la charge symbolique de cette ville futuriste et explique sa morphologie, fondée sur une répartition rationnelle des activités urbaines : l’ensemble monumental, qui s’organise selon deux axes qui se coupent, à la forme d’un avion volant vers le sud-est, allie les formes symétriques aux perspectives étudiées. L’architecte Yannis Tsiomis montre l’originalité architecturale et la pureté des lignes des monuments de la ville, dont la beauté classique ne devrait pas vieillir, et fait également état des difficultés. Car Brasília symbolise aussi les problèmes sociaux avec la discrimination criante : tandis qu’elle abrite exclusivement une population de fonctionnaires, les classes populaires qui y travaillent s’entassent dans des bidonvilles autour de la ville. L’État se contente de viabiliser ces espaces que Yannis Tsiomis qualifie de « poubelles »…PISTES A SUIVRE
[Géographie, 2de ; Histoire des Arts, 1re L ; option facultative « Arts », 2de et 1re]
LA GENESE DU PROJET DE BRASILIA: UNE CAPITALE EX-NIHILO, REVE DE FUTUR ET D’EGALITE
Expliquer l’origine politique du projet. Rappeler que l’idée de décongestionner la côte surpeuplée a de tout temps été la préoccupation des empereurs et des présidents du pays, pour faire évoluer l’aménagement du territoire et rééquilibrer les disparités de développement. Relever les éléments qui font état de la détermination du gouvernement de Juscelino Kubitschek : choix symbolique de cette région très pauvre et très peu peuplée du centre, parachutage des premiers bulldozers et sacs de ciment (il n’existait pas de routes), défrichage de milliers de kilomètres carrés, création d’un barrage et d’un lac artificiel, rapidité de la construction (1956-1960)… Comprendre l’enjeu politique du projet (pour le gouvernement socialiste à peine installé, créer une capitale ex nihilo afin de transformer la société brésilienne) et, par là, son caractère symbolique, son rôle de catalyseur du développement international du Brésil.
L’ORGANISATION DE LA VILLE: LUCIO COSTA ET LA SUBORDINATION A LA FORME D’AVION
Dégager l’essence du projet de l’urbaniste Lúcio Costa : le geste primaire (évident et emblématique) de tracer une croix qui constitue ensuite une forme pure, le triangle, dont un des côtés s’infléchit pour s’ancrer dans la topographie. À partir d’un plan avec l’échelle graphique, décrire les éléments de la composition urbaine : symbolisme de la forme d’avion, fuselage constitué par l’« axe monumental » est-ouest (axe routier très large sur lequel se trouvent les bâtiments publics, ministères et institutions, ainsi que les banques et les grandes firmes), ailes symbolisées par l’axe routier courbe nord-sud avec de chaque côté les quartiers d’habitation, tête et queue de l’avion constituées par deux places (dont celle des Trois-Pouvoirs à l’ouest), gare routière à l’intersection des ailes et du fuselage, ambassades au bord du lac artificiel, grands centres commerciaux, hôtels et restaurants regroupés par quartiers… Expliquer le système urbain répétitif des quartiers résidentiels : les superquadras (blocs d’habitations) répétées de part et d’autre de l’axe nord-sud, avec pour chaque unité de voisinage (quatre superquadras), un petit centre commercial, une école et une église. Comparer le plan de Brasília à celui d’une ville aussi importante d’urbanisation ancienne. À l’aide d’une vue du haut de la tour de télévision, relever par comparaison ce qui est frappant à Brasília : les grandes distances et la dispersion des édifices, le zoning (compartimentation) des différents types d’activité (logements, commerces, institutions, loisirs…)… Que peut-on dire de l’échelle du piéton ?
LA REALITE DE LA VIE A BRASILIA : GRANDES DISTANCES,VILLES SATELLITES ET BIDONVILLES
En quoi le projet de Brasília symbolise-t-il le mode de vie du modernisme ? Comprendre que tout a été initialement conçu pour assurer le bien-être des habitants, avec pour ambition la transformation de la société (volonté politique de Juscelino Kubitschek) et des pratiques sociales (volonté de Lúcio Costa) : axes routiers traversant la ville, tracés larges et sans croisements à niveau pour éviter embouteillages et feux de signalisation, chaque bloc résidentiel (prévu pour 3 000 personnes) construit à l’écart du flux des voitures avec un maximum de pelouses ainsi que tous les équipements (commerces et artisans) nécessaires à la vie du bloc. Expliquer et débattre les problèmes rencontrés, de différentes natures, et le melting-pot des classes sociales : il fallut à l’époque payer double les fonctionnaires pour qu’ils acceptent de quitter Rio de Janeiro (ils doivent aujourd’hui assurer quatre ans de présence avant d’y retourner) ; relever la disparition de l’idée de rue (excepté dans les petits commerces des superquadras) ; mettre en évidence la conséquence principale d’un coût de la vie trop élevé et de loyers devenus trop chers (notamment à cause du coût de l’approvisionnement), la relégation des plus pauvres à la périphérie (qui ont rejoint ceux qui survivent dans les cités provisoires réalisées pour les ouvriers du chantier de Brasília) ou dans des bidonvilles. Prévue pour 40 000 habitants, Brasília en compte aujourd’hui plus de 150 000 avec ses villes satellites et leurs extensions. Les mouvements pendulaires des « banlieusards » se cristallisent autour de la gare routière (courtes distances), située à l’intersection des ailes et du fuselage de l’« avion ». Que se passe-t-il dans le centre ville ?
OSCAR NIEMEYER : UNE ARCHITECTURE AUDACIEUSE AU SERVICE D’UN PROJET POLITIQUE
Comprendre qu’il a véritablement assuré l’originalité de la ville : chacun de ses bâtiments publics et monuments possède son audace architecturale propre. Pour ce faire, dégager le principe fondamental qui a guidé l’architecte. Selon lui, « l’architecture n’est pas un simple problème technique d’ingénieur, mais une manifestation de l’esprit, de l’imagination, de la poésie ». Ainsi va-t-il au-delà du principe d’adaptation de la forme à la fonction et aux techniques existantes, pour une utilisation maximale des possibilités des matériaux. Il a recherché l’expression de l’originalité des constructions, mais en tenant compte de leur équilibre personnel et de leur intégration dans l’ensemble. Relever les différents exemples de matérialisation de symboles : par exemple, la couronne d’épines (cathédrale), le thème du portique utilisé dans de nombreux édifices et qui évoque les colonnades grecques… Oscar Niemeyer a eu recours à l’utilisation massive des ruptures de rythmes, de volumes et de niveaux : « J’ai éloigné les colonnes des palais, je les ai faites avec des courbes et des droites, en permettant au public de se promener entre elles, surpris par des points de vue si différents. » Il a réussi à combiner ses sources classiques et son inspiration personnelle en un lyrisme débridé et une force démesurée que lui donnaient l’ampleur du projet et l’enjeu du pari. En quoi la place des Trois-Pouvoirs constitue-t-elle une réussite plastique ? Comprendre qu’Oscar Niemeyer a su exprimer l’intention de Lúcio Costa, urbanisme et architecture étant là extrêmement imbriqués. Pour rester fidèle au dessein de l’urbaniste, proposant que l’axe monumental soit composé comme une échelle hiérarchique des symboles de la nation, l’architecte a adopté pour les ministères un critère unique, sobre et austère. Au terme de cette esplanade, les ministères de la Justice et des Affaires étrangères retrouvent un traitement architectural différent et très original. Relever d’autres exemples.
POUR EN SAVOIR PLUS
PARE Zaven, Brasília : l’urbanisme, l’architecture, le jardinier, Harpo, 1999.
VIDAL Laurent, De Nova Lisboa à Brasília : l’invention d’une capitale : XIX-XXe siècles, Institut des Hautes Études sur l’Amérique Latine, 2002.
Brésil de toutes les couleurs, émission Galilée, série « Pays paysages », n° 7, CNDP, La Cinquième, 1998, réf. 0002K1039.
Un ouvrage sur la ville de Brasília (PDF, 3,2 Mo) paru aux éditions électroniques de l’Institut des hautes études de l’Amérique latine (IHÉAL) de l’université de Paris 3 : Brasília, quarante ans après.
http://www.iheal.univ-paris3.fr/edition/edelectonique/ouvrages/Brasilia_40_ans_apres.pdf
Sur le site Aroots, une page de liens sur la ville de Brasília.
http://www.aroots.org/link/annuaire_architecture_cat_161.html
Élise Vogny, chercheuse en architecture, Télédoc CNDP