Rivages : la Camargue, un avenir menacé ? par Jean-Philippe Raud-Dugal

La série Rivages se compose de dix documentaires de 26 minutes, chacun consacré à un site du littoral français représentatif d’une thématique forte : érosion en Camargue, ensablement de la baie de Somme, gestion touristique à Port-Cros, instabilité des côtes guyanaises, développement industriel de l’estuaire de la Seine, etc. Images satellites et prises de vues aériennes montrent la structure et l’organisation de l’espace, mais aussi la beauté des paysages. Grâce à des témoignages de gens de terrain, de scientifiques, de gestionnaires institutionnels et privés, la série met en lumière l’émergence d’une véritable « conscience du littoral ».

L’EMISSION

La Camargue suscite depuis longtemps déjà convoitises et rêveries. Ce cinquième volet de la série nous propose une ballade au cœur du delta du Rhône, en attirant notre attention sur les multiples atteintes faites à sa biodiversité. Cet espace se caractérise aussi par son mode de vie, véritable culture régionale voire locale, toujours très vivante aujourd’hui. Elle fut magnifiée, en son temps, par le célèbre Frédéric mistral, chantre de la Provence. Malgré tout, l’action de l’homme sur ce milieu fragile, depuis une trentaine d’années, menace son équilibre et grève son avenir. Les activités qui y sont liées sont très diverses, rendant difficile tout règlement global de ces menaces malgré les tentatives de mise en place d’un développement durable, respectueux de l’environnement.
Ce documentaire dresse, de manière très complète, l’inventaire des mythes et des réalités de la Camargue d’aujourd’hui. Les informations sont riches, abondantes et fort bien documentées. Les nécessités d’un développement durable sont très clairement exposées.

PISTES A SUIVRE

[Géographie, 6e, 4e, 2de, 1re ; Éducation civique, 6e, 5e]

DES ENJEUX NOMBREUX

À partir de l’approche multiscalaire proposée par le film, localiser la Camargue sur une carte. Cette approche permet de mieux saisir la spécificité de ce milieu et des enjeux inhérents à sa situation. Delta du Rhône, en contact avec la Méditerranée, les images satellites permettent de mesurer l’étendue de cet espace imposant de plus de 150 000 hectares et d’identifier les différentes pressions qui s’y exercent.
Insister sur les tentatives anciennes de protection de la Camargue. Dès 1927, les étangs de la Camargue deviennent réserve nationale. L’enjeu principal est, déjà, de combiner intérêts économiques et environnementaux. La création d’un Parc naturel régional en 1970 répond au défi de l’industrialisation du littoral à Fos-sur-Mer et aux menaces inhérentes à la construction de cette zone industrialo-portuaire mais aussi, avec le plan littoral des années 1960, à la construction des grandes stations balnéaires comme la Grande-Motte. La mission du PNR est d’assurer un développement durable à cet espace.
Remarquer les différentes étapes de l’anthropisation de la Camargue. Connu dès l’Empire romain, le tournant de son exploitation date néanmoins du milieu du XIXe siècle, sous le règne de Napoléon III. Comme pour les Landes, Napoléon III décide d’aménager cet espace encore très largement insalubre. Sa femme, espagnole de naissance, va promouvoir l’excellence du milieu taurin. Cet espace considéré par l’Empereur et sa femme comme une part déterminante du « génie de la France », est magnifié par de nombreux peintres et écrivains comme Frédéric Mistral ou Alphonse Daudet.

UN AVENIR MENACE

Relever les nombreuses activités de l’homme sur cet espace. La production saline, l’agriculture, en particulier la riziculture, les différentes formes de tourisme mais aussi l’industrie à Fos-sur-Mer, exercent de très nombreuses pressions sur le milieu qui se voit ainsi menacé à court terme.
Identifier les différentes menaces industrielles qui pèsent sur ce milieu déjà fragilisé. La présence des industries à Fos-sur-Mer occasionne une importante pollution aérienne et des pluies acides qui s’infiltrent dans les sols. L’annonce de l’ouverture prochaine d’un incinérateur géant est une menace supplémentaire pour la Camargue. La fermeture des installations salines, annoncée peu de temps avant le tournage de ce documentaire, couplée à la montée des eaux, synonyme de salinisation des sols sur plus de 10 % du territoire est un grave danger pour l’avenir de la Camargue.
Étudier plus spécifiquement l’impact du tourisme et de ses spécificités sur la Camargue. Véritable « région mythe », « espace sauvage », ces qualificatifs ont immédiatement suscité une forte attraction sur les populations. Le tourisme de villégiature a été remplacé par un tourisme de masse dans les années 1960 avec l’apparition des grandes stations balnéaires comme la Grande-Motte. Ces constructions ont fortement contribué à la standardisation de l’ouest de la Camargue. La diversification du tourisme, liée à la baisse de l’activité agricole, est passée par la chasse, génératrice de flux financiers importants. Un tiers de son territoire est aujourd’hui utilisé pour cette activité, empêchant l’accès à de vastes espaces et causant des problèmes environnementaux plus sérieux. En effet, l’utilisation massive de plomb occasionne une pollution des sols et des eaux, avec de nombreux problèmes sanitaires, mais aussi une standardisation du paysage qui menace la biodiversité.
Observer l’importance de l’agriculture pour la Camargue. Les ressources agricoles de la Camargue, représentées par le seul élevage des taureaux au début du XXe siècle, ont connu une diversification vers la culture du riz. Pourquoi ? Quel a été le rôle de l’Union Européenne ? Quelles en sont les conséquences ? L’irrigation est une des conséquences de ces mutations. Elle est permise par la dérivation d’une partie des eaux du Rhône et par l’utilisation intensive d’engrais et d’intrants. Ces changements, soutenus par la Politique agricole commune dès les années 1960, ont eu des conséquences nombreuses sur le milieu naturel, occasionnant de multiples pollutions. Aujourd’hui, la culture du riz est menacée, principalement par la concurrence asiatique. Les riziculteurs doivent diversifier leurs sources de revenus. La reconversion passe par une agriculture plus raisonnée et une reconversion touristique plus respectueuse de l’environnement.
Montrer l’importance du Rhône sur cet espace. Il irrigue l’ensemble du territoire camarguais. Son bassin versant est très développé avec de nombreuses industries chimiques qui sont autant de menaces de pollution des sols, difficile à évacuer par le milieu.

LE PARI DU DEVELOPPEMENT DURABLE

Insister sur le rôle du tourisme dans la préservation des paysages et des écosystèmes. Depuis les années 1980, on assiste au développement de l’écotourisme. De nombreuses adaptations sont été faites avec la promotion d’un tourisme intégré, plus respectueux de l’environnement et proposant des itinéraires de découverte, permettant ainsi une « moyennisation » du tourisme en Camargue. La reconversion de nombreux agriculteurs en est la plus parfaite illustration. Le développement durable est déjà au cœur des préoccupations.
Observer les mutations agricoles que connaissent la Camargue. La tradition taurine permet un élevage extensif qui a peu affecté le milieu naturel camarguais. Les paysages ouverts, symboles de ces élevages, permettent la préservation du patrimoine et de la biodiversité de l’espace. Les effluents agricoles locaux, symboles de l’intensivité de la production rizicole, laissent progressivement la place à des techniques plus respectueuses de l’environnement.

POUR EN SAVOIR PLUS

BARON-YELLES Nacima, « Entre le tourisme et la nature, qui perd, qui gagne ? », Les Cahiers du Conservatoire du littoral, n°12, 2000.
BARON-YELLES Nacima, GOELDNER-GIANELLA Lydie, VELUT Sébastien, Le Littoral, Éditions de la Rue d’Ulm, coll. « Regards, pratiques et savoirs », 2002.

Le site du Conservatoire du littoral propose des informations complètes sur la Camargue ainsi que des liens internes très utiles.
www.conservatoire-du-littoral.fr/

Paysage : Fos-sur-Mer. La Sept-Arte, CNDP, 1992. Collection « Côté télé ».

Les autres épisodes de la série Rivages sur France 5, tous libres de droits pour un usage en classe :
Le Mont-Saint-Michel, une baie nourricière, samedi 18 juin, 13 h 40
Port-Cros, un sanctuaire ouvert au public, samedi 25 juin, 13 h 40
La Baie de Somme, rendre la terre à la mer, samedi 2 juillet, 13 h 40
La Camargue, une bataille de l’eau inachevée, samedi 9 juillet, 13 h 40
Guyane, une côte sous influence, samedi 23 juillet, 13 h 40
Le Belon, un petit estuaire en équilibre, samedi 30 juillet , 13 h 40
L’estuaire de la Seine, au chevet du malade, samedi 6 août, 13 h 40
Gruissan, entre tradition et urbanisation, samedi 13 août, 13 h 40
Houat, habiter une île, samedi 20 août, 13 h 40

Jean-Philippe Raud-Dugal, professeur d’histoire et de géographie, Télédoc CNDP