S’il n’est pas inédit, le récit est précis (mais parfois un peu rapide, par exemple sur les circonstances de la création des deux Allemagnes), clair et bien construit. Il est soutenu par des témoignages oraux de membres de la STASI (Hagen Koch qui traça à la peinture la frontière entre les deux blocs à Check Point Charlie, Harald Jäger qui ouvrit le premier point de passage le 9 novembre, Bernholmer Strasse), d’Allemands engagés dans les mouvements réclamant la démocratie (deux pasteurs, un de Berlin et un de Leipzig, un auteur-compositeur célèbre en RDA auprès de la jeunesse, des citoyens est-allemand qui ont manifesté ou se sont enfuis) ou victimes du mur à sa construction (un lycéen de Berlin-Est en visite à l’Ouest et coupé de sa famille en 1961), d’hommes politiques (Hans Dietrich Genscher, qui avait fui la RDA dans les années 1950 et qui était ministre des Affaires étrangères d’Helmut Kohl en 1989 ; Andrei Gratchev, conseiller politique de Gorbatchev en 1989).
Mais le documentaire vaut surtout par la grande richesse et la variété des archives (en noir et blanc et en couleur) en partie inédites, fruit des recherches menées par Marie-Hélène Barbéris auprès de 40 sources privées et publiques dans le monde entier (films de l’armée américaine tournés en 35 mm dans les années 1960, images russes en couleur de la RDA dans les années 1950, documents amateurs, films de la STASI, archives des chaînes de télévision allemandes pour l’automne 1989 et la soirée du 9 novembre). Il faut donc la féliciter, ainsi que le monteur Olivier Zuchuat, pour leur énorme travail. On citera par exemple les images de la révolte de juin 1953, un film américain sur le percement (financé par une chaîne de télévision) d’un tunnel vers Berlin-Est pour une sorte de « grande évasion », les films sur la vie quotidienne en RDA, les films de la STASI et les films d’évasion, particulièrement la spectaculaire ouverture du documentaire sur une évasion en ULM le 25 mai 1989, avec survol du mur à 4h du matin. Un seul petit reproche : si les couleurs sont d’origine (tant mieux !), certaines archives semblent avoir été sonorisées (bruits de défilés, de foules, de combats, d’ailes de colombes…).
Outre le documentaire lui-même (110 mn, divisé sur le dvd en 17 chapitres), le DVD offre plusieurs bonus : une interview de Patrick Rotman (intéressante pour les sources des archives), la présentation des personnages interviewés, une chronologie détaillée de l’histoire des Allemagnes dans la guerre froide de 1945 à 1989, une carte animée de Berlin (les lieux importants évoqués dans le documentaire) et une carte de la fuite des Allemands de l’Est pendant l’été 1989.
Ce documentaire de grande qualité (ne manquez pas sa diffusion télévisée) est particulièrement adapté, dans sa progression, aux programmes de 3e mais surtout de Terminale pour la guerre froide et les modèles, et des Terminales L et ES pour l’étude des démocraties populaires (l’exemple de la RDA). La richesse des films et entretiens proposés est telle qu’on pourra aisément s’en servir pour construire plusieurs cours, bien sûr dans le respect des législations en vigueur. On pourra quand même regretter que le documentaire s’arrête au 9 novembre 1989 : puisqu’il avait débordé son sujet (le Mur) pour évoquer plus largement le destin des deux Allemagnes dans la guerre froide, il aurait pu se poursuivre jusqu’à la réunification, ses suites et ses conséquences, à moins que ce ne soit le sujet du prochain documentaire de Patrick Rotman. Si ce n’est pas le cas, étant donnée la qualité d’Un Mur à Berlin, je me permets d’en faire la suggestion…
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