Un film de Frédéric Rossif : Un mur à Jérusalem, DVD vidéo. Editions Montparnasse

Ce film a été réalisé en 1968, par Frédéric Rossif, le grand maître du documentaire. Opportunément édité en DVD, il est particulièrement adapté dans la DVDthèque d’un cabinet d’histoire ou d’un centre de documentation.

Pour des lycéens, mais aussi pour trop de jeunes professeurs, le conflit israélo-arabe a pris l’apparence de la banalité. A peine évoqué au détour d’un journal télévisé, il a été traité rapidement lors de quelques flashes back à l’occasion du soixantième anniversaire de la création de l’Etat d’Israël. Pourtant, lorsque l’on est confronté dans les classes à des questions d’élèves de culture musulmane, on est souvent confronté à une « histoire » largement mythifiée et pour tout dire totalement inexacte.
De la même façon, les mouvements sionistes surtout présents dans la région parisienne font feu de tout bois pour présenter une vision de cette histoire tout aussi fausse que celle des mouvements islamistes.

Le mérite de ce film de Frédéric Rossif est de retracer la genèse du conflit pendant tout le XXe siècle. Des ghettos d’Europe centrale aux persécutions nazies, le film accompagné de la voix de Georges Descrières amène le spectateur à suivre le destin d’un peuple.

L’invention d’un État

La partie sans doute la plus remarquable est consacrée à la période 1945-1948 lorsque sont frappés les trois coups de ce destin tragique où deux peuples s’affrontent au nom même des principes qui ont été ceux des alliés, victorieux de la barbarie nazie, et notamment le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Sauf que l’un de ces peuples a été, au nom de la mauvaise conscience d’une communauté internationale qui a fermé les yeux pendant le génocide, amené à nier les droits d’un autre peuple.
Le film reprend donc les épisodes les plus dramatiques de cette première guerre israélo-arabe.
Il montre aussi l’enthousiasme de ces colons juifs, organisés pour survivre sur cette terre que d’autres leurs contestent.

Le 9 avril 1948, le massacre de Deir Yassine par un commando de l’Irgoun donne une idée de ce que sera cette guerre, impitoyable. L’enjeu c’est le peuple. La première guerre commence dès la proclamation de l’Etat d’Israël et l’on sait d’ailleurs que la volonté des organisations juives est de terroriser les populations locales.
Le film reste par contre très discret sur les soutiens internationaux dont l’Etat hébreux bénéficie. Les Etats-Unis mais aussi l’URSS qui croit à tort que le départ des anglais de la région aura des effets positifs.

De Nasser à Eichmann

700000 juifs arrivent en Israël peu de temps après l’armistice de Rhodes en 1949. Le nouvel état compte alors 1400000 habitants.
La seconde guerre israélo-arabe est évoquée à partir de l’ascension de Nasser qui a pris le pouvoir en 1954. Le 26 juillet de cette année 1956, le Canal de Suez est nationalisé. On pourra découvrir à la 76e minute du film les talents d’orateurs de Nasser avant que l’offensive israélo-franco-britannique ne réduise son armée.
Cette partie du film sera parfaitement adaptée pour présenter cette année 1956 pendant la guerre froide. Le commentaire reprend quand même largement les thèses israéliennes de l’époque, et cet argumentaire sur le droit venu de la bible des hébreux à occuper cette terre.

Arabes ou Palestiniens ?

On fait le lien d’ailleurs entre épisode et le procès Eichmann organisé bien après 1956, en 1960 après un enlèvement. La vision que les français des années soixante avaient d’Israël était celle d’un peuple capable de fertiliser le désert, avant que le Général de Gaulle ne crée la « politique arabe de la France ».
La guerre des six jours est également présentée comme une agression égyptienne liée à la volonté de Nasser d’asphyxier l’état hébreu. La décision israélienne de frapper en premier est justifiée par le commentaire même si les images rendent bien compte de la supériorité de Tsahal notamment sur le plan aérien.
Toutefois, on évoque en incidence le problème qu’Israël aura à gérer. La présence dans les territoires occupés de près d’un million de palestiniens. (Le commentaire dans le film parle plutôt des arabes.)

Le film s’achève sur une image forte, celle de Moshe Dayan déposant, selon la tradition, un vœu dans les interstices des pierres du mur des lamentations, sanctionnant ainsi la conquête de la totalité de la ville trois fois sainte. Dans ce film, on ne saura pas par exemple que le mur des lamentations cerne ainsi le troisième lieu saint de l’Islam.
Il est évident que ce film à lui tout seul ne pourra pas remplacer un cours sur le conflit israélo-arabe. On pourra par contre et avec profit, montrer de nombreuses séquences permettant de bien faire comprendre le contexte de l’époque et aussi les données du problème fondamental. 40 ans après, le peuple palestinien se voit nier son droit à l’existence et cela le conduit à une radicalisation qui sert de terreau au terrorisme. Le mur de Jérusalem n’est pas simplement celui des lamentations, il est celui de l’incapacité des Etats et des hommes à s’entendre dès lors que le conflit s’entretient de façon permanente depuis tant d’années.

Bruno Modica © Clionautes