Ce livre, à l’angle original, est le premier d’une série annoncée et consacrée aux erreurs. Christiane Lavaquerie-Klien, Laurence Paix-Rusteroltz sont déjà auteurs de livres et documentaires sur l’art. L’introduction permet de définir, comme il se doit, ce que l’on entend derrière ce mot d’erreurs : elle peut être de « représentation, d’interprétation, synonyme d’anachronismes, ou en rapport avec des symboles ». L’erreur peut être volontaire.

 

Un bel ouvrage

Ce sont 34 peintures qui sont donc revisitées, réexaminées et l’on navigue entre des tableaux très connus et d’autres un peu moins. Il s’agit d’un bel ouvrage dont il faut souligner la qualité des reproductions sur une page, trois quarts de page ou une double page. Les tableaux évoqués couvrent une large période allant du Moyen Age à aujourd’hui. Soulignons un parti pris intéressant qui propose des rapprochements avec d’autres tableaux, une fois un genre d’erreur identifié. Il y a des flashs souvent sur la page de droite et les textes sont assez courts. La définition très large du mot « erreur » permet toutes les interprétations, même si il faut le dire, le sens commun du mot erreur est beaucoup plus restrictif que l’usage qui en est fait ici. Précisons que la rédaction de ce compte-rendu ne correspond pas à l’ordre du livre.

Des erreurs liées à des mélanges

Frans Snyders dans «Fruits et légumes avec un singe, un perroquet et un écureuil » de 1620 n’hésite pas à mélanger les saisons, mais il est plus intéressant de savoir pourquoi. C’est une façon de montrer la richesse, soit du commanditaire, soit de son pays, les Pays-Bas, en général. De même, la présence des animaux permet d’introduire l’idée que toute richesse peut être menacée et donc être fugace. C’est donc une forme de vanité que l’on peut voir ici. L’erreur apparente est ici clairement au service d’un message.
On trouve également un autre type de mélange dans un tableau de Claude Lorrain intitulé « Ulysse remet Chryséis à son père ». Le peintre s’amuse à mélanger les lieux pour créer un port imaginaire. De plus, il y a clairement une impossibilité entre l’époque antique et la représentation du port. On est donc à la frontière avec un autre type d’erreur.

Des erreurs historiques

On retrouve un certain nombre d’incontournables comme le tableau de Jacques Louis David avec «Bonaparte franchissant les Alpes au Grand Saint-Bernard ». La représentation héroïque bien connue montre Napoléon sur son cheval. Les auteures choisissent de mettre en regard un tableau de Delaroche où l’empereur apparaît cette fois sur un âne. Le décalage, on le sait sans doute, s’explique ici par la volonté propagandiste de David.
On rencontre un peu plus loin le tableau de Lionel Royer à propos de la reddition de Vercingétorix. En quelques remarques, on constate combien est grand le décalage entre la vérité et la représentation. Ici, il est intéressant de poursuivre sur ce thème en convoquant un tableau de François Louis Dejuinne consacré au baptême de Clovis. Ainsi, la représentation de l’histoire donne souvent lieu à d’improbables mélanges où l’important est de créer l’émotion.

Des erreurs, vraiment ?

Sur l’analyse d’autres tableaux, on peut être plus sceptique quant à leur présence dans le livre, non que l’œuvre ne soit pas intéressante ou qu’elle n’entre pas dans la catégorie préalablement définie. Cependant, qualifier d’erreur les sept doigts de la toile de Chagall est quelque peu étonnant. Le texte de commentaire dit d’ailleurs « on comprend que cette erreur n’en est pas une….(ils) sont revendiqués comme un symbole ». Dans la même veine, la peinture qui ouvre le livre consacré aux célèbres époux Arnolfini met l’accent sur le fait que la peinture peut être lue de façon profane ou religieuse. On est donc un peu loin du sens commun du mot erreur. De même évoquer Picasso ou Jean Michel Basquiat apparaît un peu étrange, car l’on sait bien par exemple pour le premier que sa représentation des corps s’explique et qu’il n’y a donc pas erreur.

A l’envers, des vertèbres et des carrés

Tout au fil du livre, on peut signaler plusieurs autres oeuvres comme les toiles de Georg Baselitz de 1981 qui nécessitent d’être retournées pour être «comprises » ! La longue dame d’Ingres dans « la grande Odalisque » est restituée en faisant apparaître ses vertèbres supplémentaires. On aime aussi le rapprochement proposé entre Bridget Riley et son « mouvement en carrés » et les œuvres de Georges Pierre Seurat comme « le pont de Courbevoie ».

En 140 pages, et donc plus de trente tableaux, on a agréablement parcouru plusieurs siècles d’histoire de l’art. C’est indéniablement un angle particulier, qui souffre peut-être d’une définition un peu élastique, pour aborder les peintures. Cela permet en tout cas de les voir, ou revoir, sous un angle différent.

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