Gaëlle Audéon nous livre une redécouverte vivante et puissante du pouvoir féminin au Moyen Âge. À travers une période clé de l’histoire médiévale, entre 1137 et 1227, elle retrace le destin de reines, princesses et femmes de pouvoir qui ont profondément marqué la dynastie capétienne. Longtemps reléguées au second plan dans les récits traditionnels, ces femmes apparaissent ici dans toute leur dimension politique, diplomatique et culturelle. Parmi elles se détachent deux figures majeures : Aliénor d’Aquitaine et Blanche de Castille, reines déterminées, mères stratèges et véritables piliers d’une monarchie en construction.
Aliénor d’Aquitaine
Duchesse souveraine et héritière d’un immense domaine, devient tour à tour reine de France puis d’Angleterre. Elle traverse la seconde croisade, défie l’Église et le roi, soutient ses fils — Richard Cœur de Lion et Jean Sans Terre — contre leur père Henri II, et administre ses terres avec efficacité jusqu’à un âge avancé. Son influence ne se limite pas à ses propres actions : sa sœur Pétronille d’Aquitaine et ses filles, Marie de France et Aliénor d’Angleterre, jouent également un rôle de premier plan. Marie, devenue comtesse de Champagne, se distingue comme mécène des lettres et protectrice de l’art courtois, tandis qu’Aliénor d’Angleterre, en épousant le roi de Castille, donne naissance à Blanche de Castille. Ainsi, sur trois générations, le pouvoir et l’intelligence politique se transmettent de mère en fille.
Blanche de Castille
Petite-fille d’Aliénor, devient à son tour reine de France et, à la mort de son époux Louis VIII, régente pour son fils, le futur Saint Louis. Elle gouverne d’une main ferme, fait face aux révoltes féodales, impose des alliances stratégiques et veille à l’autorité du trône. Entourée de femmes tout aussi fortes, comme sa sœur Bérengère de Castille — régente en León — ou sa belle-fille Marguerite de Provence — future reine croisée —, Blanche incarne une continuité de pouvoir féminin pleinement assumé.
De nombreuses femmes issues des grandes maisons féodales européennes
Mais le livre ne s’arrête pas à ces deux figures : Gaëlle AUDEON met en lumière de nombreuses autres femmes issues des grandes maisons féodales européennes. Sœurs, épouses, filles ou alliées, elles influencent les décisions royales, négocient des mariages et des traités, orientent des croisades et façonnent la diplomatie entre la France et l’Angleterre. Nobles, abbesses, comtesses ou reines, elles partagent un même trait : elles sont stratèges, puissantes, parfois combattantes, toujours politiques. À travers elles se dessine un réseau d’influences féminines trop longtemps ignoré par l’historiographie classique.
Un livre qui s’inscrit dans les gender studies
Lire ce livre, c’est non seulement redonner leur place à ces femmes dans l’histoire, mais aussi comprendre combien leur action a façonné les structures du pouvoir monarchique. C’est découvrir que le Moyen Âge, loin d’être un monde exclusivement masculin, fut traversé de logiques de pouvoir partagées, souvent portées par des femmes — dans l’ombre comme en pleine lumière. L’intérêt de l’ouvrage réside aussi dans son appareil critique solide : Gaëlle AUDEON l’accompagne de nombreuses annexes utiles, d’une large bibliographie pour prolonger la lecture, et d’un index détaillé qui permet de s’orienter facilement parmi les personnages, lieux et événements évoqués. Ces outils en font un ouvrage rigoureux, accessible aux passionnés comme aux lecteurs curieux.
En somme, Reines et princesses au temps des Capétiens est un livre aussi érudit que passionnant, où politique, culture, stratégie et transmission se mêlent avec clarté. Une lecture incontournable pour toutes celles et ceux qui veulent comprendre comment le pouvoir, dans les royaumes de France et d’Angleterre, s’est aussi écrit au féminin.