La série Amours fragiles, publiée pour la première fois en 1997 dans le magazine À SUIVRE, s’impose comme une référence de la BD pour aborder les drames humains liés à la Seconde Guerre mondiale. Cette deuxième intégrale (CR de l’intégrale 1 ici), qui regroupe les tomes 4, 5 et 6, intitulés Katarina, Résistance et L’armée indigne, poursuit le récit du jeune Martin Mahner dans une Europe en pleine mutation, mêlant de manière subtile les trajectoires individuelles et les grands événements historiques. Le scénario de Philippe Richelle et le dessin de Jean-Michel Beuriot continuent d’allier précision historique et sensibilité narrative, enrichis ici d’un dossier de Luc Révillon et d’un entretien avec l’auteur.

Entre destin individuel et grande Histoire

L’intégrale s’ouvre en octobre 1940 avec Martin caserné près de Cologne. En attendant une mutation à Paris, il nourrit l’espoir de retrouver Katarina, son ancienne voisine, désormais réfugiée sous le nom de Catherine. Ce contraste entre la vie quotidienne des personnages et l’ampleur des bouleversements historiques constitue la force de la série. Philippe Richelle illustre avec finesse les dilemmes moraux et les choix intimes dans un contexte de guerre, tout en montrant comment les décisions politiques touchent directement des vies ordinaires. L’exil, l’angoisse, la peur mais aussi les petits moments d’humanité se mêlent pour construire un récit profondément humain.

Une reconstitution historique rigoureuse

Jean-Michel Beuriot poursuit son travail de reconstitution minutieuse des années 1940, offrant des ambiances de Paris occupé, d’Allemagne en guerre ou de guerre d’anéantissement à l’Est d’une grande justesse. Les tomes quatre à six permettent d’aborder plusieurs thématiques historiques essentielles, notamment l’aryanisation de l’économie française et la spoliation des familles juives, illustrées par la situation de l’oncle de Catherine, Pierre. La série met également en lumière le rôle de la police aux Questions juives et du CGQJ, le port de l’étoile en zone occupée, la délation, ainsi que la structuration des réseaux de résistance, leurs liens avec Londres et la traque allemande. À l’Est, elle aborde le rôle des Einsatzgruppen et la guerre raciale menée sans respecter aucune règle conventionnelle. Ces éléments donnent à l’intégrale une dimension pédagogique forte, permettant de visualiser et de comprendre des mécanismes et évènements historiques parfois abstraits ou complexes.

Cette deuxième intégrale d’Amours fragiles confirme la qualité et l’intérêt de la série. Elle offre à la fois une réflexion sur le destin individuel au cœur des bouleversements historiques et un outil pour comprendre la Seconde Guerre mondiale dans ses dimensions politiques, sociales et humaines. Son intérêt pédagogique en fait une ressource précieuse pour les CDI des établissements scolaires, certaines planches pouvant servir de support pédagogique en cours d’histoire au collège comme au lycée.