Un ouvrage récent qui fait le point sur l’évolution de ces territoires issus de la décomposition de l’URSS mais qui trébuchent sur l’islam et l’autoritarisme.
Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales à la Prépa Ena de l’IEP de Lille,chargé de mission auprès de l’académie polaire d’État de Saint Pétersbourg, rédacteur au CNED.
Situées au cœur de la route de la soie, carrefour entre l’Orient et l’Occident, terres parcourues par les grands conquérants, les cinq républiques d’Asie centrale sont autant de territoires mal connus mais très aprement disputés hier comme aujourd’hui.
Ces territoires qui occupent une position stratégique, au cœur de l’empire des terres, sont dans une situation difficile du point de vue économique. La décomposition de l’État soviétique et des structures d’assistante qu’il apportait, médecine, alphabétisation, a favorisé l’émergence des fondamentalismes et la renaissance des factions tribales qui existaient auraravant mais dont les partis communistes locaux limitaient les affrontements.

Le retour des pratiques autoritaires

Les deux auteurs avancent la thèse selon laquelle ces États ont très rapidement rompu avec l’évolution démocratique qui a suivi leur indépendance et ont très vite renoué avec les pratiques autoritaires qui prévalaient. Cela est renforcé d’ailleurs par le contrôle exercé sur les moyens d’information et la réapparition dans deux des cinq pays d’un culte de la personnalité plus ou moins affirmé. Celui d’Islam Karimov semble plus « modéré » que celui dont s’entoure le président à vie, Turkmenbashi, père de tous les turkmènes, Saparmourad Niazov.
Mais dans les trois autres territoires, et au delà même, comme dans le Caucase avec l’Azerbaïdjan, en Biélorussie très récemment et de façon manifeste en Russie, lesobservateurs parlent d’une forme de national populisme qui vient, avec des méthodes proches, remplacer le soviétisme.
Dans les pays de l’Asie centrale, le facteur religieux avec l’Islam fondamentaliste joue un rôle spécifique. Les explications sont d’ailleurs un peu succintes et on aurait aimé trouver dans cet ouvrage des points plus précis sur la spécificité de cet islam d’Asie centrale qui s’est en partie effacé devant le wahabbisme d’importation, favorisé par le Pakistan et les États-Unis au moment de la guerre
d’Afghanistan.

Népotisme, tribalisme, corruption

Particulièrement étonnante également, malgré une étude sur l’économie synthétique et pertinente, la trop faible prise en compte des facteurs énergétiques et miniers comme élément décisif de l’action des puissances dans la région. La mine d’or de Kantor au Kirghizistan, les gazoducs du Kazakhstan en direction de la Chne ne sont pas assez resitués dans ce contexte global. De la même façon, le subtil « grand jeu » à trois des États-Unis, de la Russie et de la Chine, n’apparait pas vraiment.
Cela aurait pu être facilement corrigé par l’ajout de quelques cartes qui auraient sans doute éclairé l’ensemble. (Tracés des oléoducs, localisation des bases militaires russes et étasuniennes, localisation des matières premières, etc.)
En fait c’est dans la partie touchant aux groupes tribaux, aux explications ethniques dans la formation des pouvoirs actuels que les deux linguistes apportent vraiment des informations et des grilles de compréhension de ces phénomènes qui relèvent bien entendu du népotisme traditionnel que l’on peut observer sous toute sles latitudes mais qui sont spécifiques à cette mosaïque ethnique et tribale.

Autoritarisme, culte de la personnalité, nationalisme

Les deux auteurs ne cachent pas leur pessimisme sur l’évolution de cette région, et on peut difficilement leur donner tort. Les dernières péripéties en Biélorussie, la révolution kirghize et le durcissement de tous les pouvoirs qui s’en est suivi le démontrent aisément. Les régimes d’Asie centrale agitent l’épouvantail d’un Islam fondamentalisme pour justifier leur dérive autoritaire. Les grandes puissances dans leur grand jeu subtil utilisent des pions plus où moins contrôlables et dans le même temps, les populations de ces territoires, à l’exception peut-être du Kazakhstan voient leur niveau de vie s’effondrer.
Cela n’empêche pas les dictateurs locaux de vivre comme des satrapes et de réactiver une histoire magnifiée et souvent fausse pour fonder une unité nationale récente et encore largement artificielle dans un espace marqué par la perméabilité des frontières.