La collection Mondes Anciens, sous la direction de Joël Cornette, compte aujourd’hui 25 ouvrages caractérisés par la richesse des documents qui y sont proposés, en particulier sur le plan cartographique. Cet Atlas de la Méditerranée ancienne, construit à partir d’une sélection de cartes, croquis et plans issus de la collection, apparaît comme la première synthèse produite sur ce cadre spatio-temporel.
Le propos, divisé en six chapitres, ne suit pas une logique spatiale ni chronologique. Les auteures ont fait le choix d’une approche thématique dont nous allons pouvoir résumer le contenu à grands traits, tout en insistant aussi sur certaines caractéristiques de cet ouvrage.
Le creuset méditerranéen
Ce premier chapitre a pour objectif de nous présenter, de façon globale, cet espace. Cela commence par sa délimitation. Les premières cartes soient physiques. Elles nous présentent à la fois les éléments d’unité et de diversité du bassin méditerranéen ou de ses sous-ensembles (comme par exemple la vallée du Nil) dont l’histoire nous est rapidement présentée en introduction.
Les premières organisations politiques sont ensuite mises en avant selon une logique à la fois spatiale et chronologique. Nous commençons notre périple en Égypte antique. Celle-ci ne nous est pas présentée comme un tout, mais selon les évolutions territoriales qui ont marqué le temps long de cette civilisation, entre le VIe et le Ier millénaire avant notre ère. Les cartes suivantes nous présentent les différentes civilisations qui ont émergé au Moyen-Orient, puis s’intéressent au monde grec qui s’est étendu de l’Espagne au Caucase aux époques archaïque et classique. Enfin cette partie se conclut avec Rome, mais dans une perspective centrée sur la cité et l’Italie.
Cités, empires, royaumes
Ce 2e chapitre insiste plus particulièrement sur l’émergence des différentes entités politiques dans cet espace. La dimension territoriale des différentes civilisations est mise en avant, en particulier pour le Moyen-Orient. Les grands empires nous sont également présentés (comme, par exemple, les empires néo-babylonien, achéménide ou romain).
On peut souligner la qualité des cartes d’Aurélie Boissière, particulièrement claires pour nous présenter parfois une grande diversité d’entités territoriales et de dynamiques. Certaines cartes s’avèrent parfois un peu plus difficiles à appréhender. C’est le cas de la carte présentant le peuplement de la Cisalpine au VIe siècle av. n. è. Le choix de figurés directement liés à la nomenclature rend la lisibilité plus difficile.
À côté de la dimension territoriale, les questions diplomatiques entre ces différentes entités sont également mises en avant, qu’ils s’agissent de rapports d’alliance, d’hostilité ou de domination. La carte présentant le réseau diplomatique Amasis est, à ce propos, très intéressante car elle nous permet d’observer les contacts importants qui existaient entre l’Égypte pharaonique et les cités grecques d’époque classique. Cela nous rappelle que ces civilisations, souvent étudiées séparément, entretiennent des relations importantes.
Par ailleurs, plusieurs cartes sont consacrées à l’organisation interne de certaines de ces entités politiques. C’est le cas de l’Attique, mais aussi de la Macédoine. Parfois, ce sont des villes elles-mêmes, comme Rome à la fin du IIe siècle. La dimension multiscalaire peut être particulièrement mise en avant : cet ouvrage ne se limite pas l’échelle des cités, royaumes et empires, mais introduit des échelles d’analyse diversifiées.
Enfin, certaines productions cartographiques proposent des perspectives originales, comme celles présentant les voyages d’Hadrien. À travers ceux-ci, nous pouvons comprendre de façon concrète comment l’Empereur affirme son pouvoir sur un territoire aussi vaste que l’empire romain.
Guerres et batailles
Il est assez logique de retrouver cette thématique dans l’ouvrage. Les auteurs insistent d’emblée sur l’importance de la guerre dans l’Antiquité. La composition des armées et les tactiques de guerre nous sont également brièvement décrites en introduction.
Ce chapitre nous présente alors un ensemble de cartes traitant à la fois de batailles, mais aussi de grandes campagnes militaires. Enfin, les guerres civiles n’ont pas été oubliées, en particulier pour la période romaine. Là encore, la cartographie est pertinente dans l’étude des conflits guerriers, notamment pour éclairer graphiquement la dimension tactique des batailles. Elle s’avère aussi très utile pour mesurer les recompositions territoriales qui font suite à des affrontements guerriers.
Cependant, le choix d’un atlas à partir de cartes déjà existantes conduit, parfois, à un manque d’explications sur certaines d’entre elles. Celles-ci peuvent alors apparaître obscures lorsqu’on ne maîtrise pas suffisamment les événements auxquels elles se réfèrent. C’est le cas notamment de l’expédition des Dix-Mille. Sur cette carte figurent la date et l’itinéraire de ces mercenaires, mais le sens et les enjeux de cet événement ne nous sont pas précisés.
Économies et circulations
Ce 4e chapitre aborde des thématiques diversifiées et qui, de nouveau, se prêtent bien à la cartographie. On y retrouve, par exemple, la diffusion de la métallurgie, les densités de population, les routes commerciales ou encore les monnaies frappées et utilisées. Certaines cartes originales proposent des thématiques en lien avec l’historiographie environnementale actuelle, comme celle traitant de la gestion de l’eau au Proche-Orient. On peut cependant s’étonner que peu de productions traitent de la dimension agricole, pourtant au cœur des économies antiques.
Dans l’ensemble, le chapitre est centré sur les circulations au sein de l’espace méditerranéen. Celles-ci sont évidemment commerciales, mais aussi liées aux voyages d’exploration et aux migrations. Les cartes proposées sont, en majorité, centrées sur l’Orient. Cependant, il est intéressant de constater qu’elles ne se limitent pas au cadre méditerranéen stricto sensu et nous présentent les échanges vers l’Inde ou la Chine rappelant, de nouveau, l’importance d’une démarche multiscalaire pour embrasser l’ensemble des phénomènes.
Cultures et religions
Ce chapitre nous propose des thématiques assez diverses. La dimension religieuse occupe, bien entendu, une place importante dans cette partie. Il ne s’agit pas seulement de montrer la mosaïque religieuse de l’espace méditerranéen dans le temps et l’espace, mais aussi les enjeux culturels et politiques des interpénétrations et cohabitations religieuses qui se sont produites. On peut noter par ailleurs qu’une grande partie des cartes sont centrées sur l’émergence et la diffusion du christianisme.
Mais d’autres aspects culturels sont aussi développés : les voyages d’Hérodote nous sont présentés. Cela nous permet de mettre son récit en perspective. La question linguistique est traitée également. Par ailleurs, certaines cartes nous présentent aussi le développement d’édifices culturels (théâtres, forums, …) à l’échelle d’une région ou à l’échelle urbaine. Enfin, il est nécessaire de mentionner quelques cartes qui se réapproprient géographiquement certains mythes, comme celui d’Énée dont nous pouvons observer le trajet décrit par Virgile ou Denys d’Halicarnasse.
Monuments et trames urbaine : l’apport de l’archéologie
Ce dernier chapitre se distingue nettement des précédents, car il est centré sur une échelle intra urbaine, voire même parfois sur un quartier urbain. Son objectif est de nous donner un aperçu des apports de l’archéologie sur notre connaissance de l’organisation des villes antiques. Pour les plus connues d’entre elles (Athènes, Rome, …), plusieurs cartes, correspondant à différentes époques, nous sont proposées. Cela est plus particulièrement intéressant pour contextualiser et observer l’évolution de ces ensembles urbains.
Mais ce chapitre ne se limite pas qu’aux villes les plus connues. D’autres ayant fait l’objet de fouilles archéologiques sont également cartographiées. C’est le cas par exemple d’Akrotiri à Santorin, de Pella en Macédoine ou encore Aï Khanoum en actuel Afghanistan.
Dans ce chapitre, le texte introductif nous est particulièrement utiles pour bien appréhender ces cartes. En effet, il nous définit ce qu’est une ville dans l’antiquité et nous présente les caractéristiques communes des ensembles urbains antiques. Ce sont ces éléments que l’on retrouve ensuite dans les différentes cartes : les places, les sanctuaires, les remparts ou encore les nécropoles.
Cet atlas de la Méditerranée s’impose donc une synthèse cartographique originale et bienvenue. L’ouvrage, plaisant à explorer, a le mérite de légitimer la cartographie comme support du récit historique. Cependant, compte tenu du nombre de cartes (environ 300), une bonne compréhension de celles-ci devra parfois s’accompagner de ressources complémentaires.