Missionnaire s’inscrit dans une série de carnets de notes dessinés par Joann Sfar, regroupant anecdotes, scènes quotidiennes et envers du décor de son travail.

Dans ce tome, il se représente en ours timide, parcourant le monde. Invité par l’Institut français de Tokyo, il arpente le Japon en touriste, croquant les temples, des scènes du quotidien, les tremblements de terre… « Missionnaire » est le titre mentionné sur son ordre de mission, terme qu’il considère comme un vestige de l’empire colonial. Il ne considère pas comme un ambassadeur, d’autant plus que ses modèles en matière de bande dessinée sont américains. Il cite ainsi Eisner, Kirby et Charles Addams.

La gastronomie lui inspire de nombreuses pages, des aliments à l’art de tenir des baguettes. Il estime qu’il existe une habilité similaire entre les gestes du cuisinier et le tracé du dessinateur.

Croiser une Japonaise en tenue nazie lui fait prendre conscience que la mémoire d’Auschwitz n’est pas la même qu’en Europe. Il goûte dans un premier temps d’un certain apaisement avec l’absence de tensions religieuses : « Que c’est reposant, ce pays sans chrétiens, sans musulmans, sans juifs. J’adore ça, être juste un étranger. Quand ils me voient, ils me prennent pour un Américain. Tous les étrangers sont des Américains. Je me sens léger. Envie de rester là pour toujours, loin des chrétiens, loin des musulmans, loin des juifs. Il faut quitter l’Histoire pour trouver le repos » (p. 37). Il passe ensuite à un certain ennui et traverse un moment qui lui rappelle le film Lost in Translation : « C’est quoi ce Japon ? Y’a pas de Noirs, y’a pas d’Arabes, y’a pas de Juifs, on s’ennuie. ».

Il s’intéresse aux mangas et aux dessinateurs japonais avec une certaine frustration. En effet, les œuvres qui l’intéressent ne sont pas traduites. Or, il ne lit pas le Japonais. De plus, il se représente en ours timide qui n’ose pas aller aborder les dessinateurs japonais.

Les femmes et les rapports hommes/femmes lui inspirent aussi de nombreuses vignettes. Il se réjouit de voir le frotteur du métro attrapé par le contrôleur, oppose les Françaises aux Japonaises, plus effacées.

Le récit reprend deux ans plus tard, fin 2006, avec un voyage aux États-Unis. Joann Sfar dessine les rues de New York, dévore le Comte de Monte Cristo dans l’avion puis à l’hôtel. L’objectif du voyage est de recueillir de la documentation sur les pogrom de Kishinev (qui ont eu lieu en Bessarabie, en 1903 et en 1905). Il se rend ainsi au Yivo Center for Jewish History, avant de poursuivre ses recherches à Paris. Il découvre que la réception de l’événement aux États-Unis a largement dépassé le gouvernement et la communauté juive. Il commémore la Nuit de Cristal à UPenn avec un orchestre Klezmer. Des lectures de poèmes de partisans juifs rappellent la résistance juive.

On lui pose de manière récurrente la question de l’antisémitisme en France. Il affirme que la France n’est pas un pays antisémite et rappelle que le pays abrite à la fois la plus grande communauté juive et musulmane d’Europe. Il explique que les problèmes sont avant tout sociaux. Il tait les incidents et explique ce silence par une forme de honte.

La traversée des États-Unis (Chicago, San Francisco, Miami) s’achève par la description de l’ambiance qui a précédé l’élection de Barack Obama, il repart avec son livre dans l’avion. Les dernières pages décrivent de manière succincte d’autres voyages à Édimbourg et au Maroc, entre scènes locales et moments en famille.