Philippe PELLETIER
Atlas du Japon
Une société face à la post-modernité

Editions Autrement, Collection Atlas/Monde, 2008, 79 pages

Compte rendu par Jacques MUNIGA

Philippe Pelletier, géographe français, est incontestablement un spécialiste du Japon. Outre sa thèse de doctorat qui portait déjà sur le Bassin de Nara (Japon), il a également résidé et travaillé pendant sept ans dans l’empire du soleil levant.
Professeur à Lyon II, Philippe Pelletier a écrit de nombreux articles et ouvrages mais ici, il nous offre, dans la collection Atlas/Monde de l’éditeur Autrement, un Atlas du Japon sous-titré « une société face à la post-modernité ».

Au premier abord, la représentation graphique l’emporte largement sur les textes. D’ailleurs le résumé reproduit sur la couverture arrière mentionne « une lecture géographique, et singulièrement cartographique avec plus de 120 cartes créées pour cet atlas […] ».

Mais,

en feuillant l’ouvrage, le lecteur peut se rendre à l’évidence qu’il n’y a pas 120 cartes et que bien souvent, elles sont empruntées, les sources étant naturellement mentionnées. En fait, il semble qu’il y ait confusion entre représentations graphiques (nombreux graphiques et quelques schémas) et cartes. Ceci étant précisé, le nombre important de ces représentations graphiques rend la lecture agréable et comme le souligne le résumé « géographique ».

1) Une présentation agréable, aérée et avec un intérêt pédagogique certain.

En 79 pages seulement, l’auteur nous présente une analyse fouillée des origines préhistoriques du peuplement japonais à l’émergence de la deuxième puissance économique mondiale. Philippe Pelletier aborde tous les aspects du Japon en démêlant l’écheveau des causes qui ont conduit à la réalité d’aujourd’hui : une réalité sociale, avec sa « nouvelle pauvreté » ; une réalité spatiale, avec une nette coupure entre le Japon de l’Ouest et le Japon de l’Est.

L’ouvrage est conçu autour de 7 chapitres selon une logique de progression de compréhension de l’espace japonais.
L’auteur s’intéresse tout d’abord aux origines géohistoriques du Japon. En effet, un des particularismes de cet archipel consiste à mettre en avant son homogénéité ethnique et culturelle. C’est pourquoi, Philippe Pelletier, en six doubles pages représentant autant d’analyses fines, nous retrace les « héritages territoriaux » de l’espace japonais. De la diffusion des populations Jômon dans l’ensemble de l’archipel japonais entre 10000 BP et IVe siècle BC jusqu’aux délimitations des ZEE dans les années 1990, l’auteur nous retrace la singularité du Japon liée à son insularité.

Puis, Philippe Pelletier s’attache à démontrer que les nombreuses contraintes qu’impose le milieu physique (ceinture de feu etc…) peuvent s’avérer, ici, des atouts. Après une démonstration étayée par de nombreux documents, l’auteur conclut toutefois sur un environnement fragilisé aujourd’hui à cause du suréquipement imposé par la période de Haute Croissance (1955-1973).

Ensuite, l’ouvrage traite de la société « composite ». La première page s’ouvre sur « une démographie post-moderne ». Philippe Pelletier mesure la « post-modernité » par rapport à la démographie. Il nous montre, à travers une variété de documents, les aspects démographiques au Japon. Ainsi la pyramide des âges prise en 1950 et en 2005 nous renseigne sur le vieillissement de la population. Mais un vieillissement plus prononcé dans les périphéries rurales d’après une carte proposée que l’on peut recouper avec une autre carte sur la répartition des médecins, plus nombreux lorsque la population est âgée. Enfin, ce qui va sans dire (mais qui va encore mieux en le disant) une carte sur le solde démographique naturel fait apparaître des soldes très négatifs en périphéries lorsque le taux de population âgé est le plus important. Poursuivant, l’auteur analyse les mutations sociodémographiques puis les écarts sociaux cartographiant les « sans domicile fixe » à Tokyo. Enfin, Philippe Pelletier nous livre quelques données intéressantes sur les comportements de la société japonaise. Ainsi, il nous présente une carte de la répartition des suicides accompagnée d’un texte qui précise pourquoi le taux de suicide des personnes de plus de soixante ans est important. Une carte que l’on peut d’ailleurs comparer à celle de la répartition des populations âgées.

Enfin, dans une grande quatrième partie subdivisée en trois chapitres, l’auteur nous dresse une typologie spatiale du Japon. Il distingue la Mégalopole, la ville mondiale Tokyo et les différentes périphéries qui s’opposent au centre. A grand renfort de documents aussi variés que pertinents, Philippe Pelletier nous décrit ces différents espaces. Des pages qui pourront être exploitées par les enseignants dans le cadre des cours dispensés tant au collège qu’au lycée.

Et pour conclure, l’auteur consacre son dernier chapitre à la puissance du Japon. Il met ainsi en avant le commerce extérieur florissant mais aussi la stratégie de conquête des marchés et des mains-d’œuvre autant que l’héritage politique lié à l’arrimage japonais au camp américain. Et Philippe Pelletier termine sur les attributs de la puissance japonaise qui échappe aux « canons habituels ». Il nous explique que la véritable puissance du Japon réside autant « dans son rapport au monde, géo historiquement et géopolitiquement caractérisé par une succession de replis et d’ouvertures » que dans le classique hard power largement compensé par un soft power d’essence culturelle, technologique et médiatique.

2) Une utilisation plus difficile car…

Chaque chapitre est subdivisé en sous-chapitres (entre 3 et 7). Tous les sous-chapitres sont construits autour d’une double page. Cette double page s’ouvre sur une présentation générale de la question dans un encadré aux dimensions toujours identiques. Cette rigueur de mise en page confère une homogénéité certaine à l’ouvrage et a (probablement) contraint l’auteur à une grande concision ce qui est appréciable pour le lecteur.
Suivent ensuite, des documents graphiques expressifs complétés, s’il y a lieu, par des textes originaux pour soutenir la démonstration. Et, dans un petit encadré, un mot japonais se rapportant au sujet avec une explication (en français) sur l’étymologie.

C’est donc un ouvrage qui peut être abordé dans son ensemble ou par des entrées choisies ce qui constitue indubitablement un point fort pour l’utilisation par les enseignants.

Mais,

si globalement cet atlas s’avère être un outil intéressant pour l’enseignement de la géographie, voire des sciences économiques ou même du japonais (cours de langue), il faut toutefois relever quelques maladresses qui limiteront son usage.
On pourrait s’attarder sur quelques « bourdes » graphiques comme la carte des « sous-centres » de Tokyo page 55 qui mentionne en légende des « Autoroutes et voies express » inexistantes !
En revanche, les contorsions des cartes comme aux pages 12/13 pose réellement un problème pour des élèves de lycée, voire de collège. Il faut cependant noter que la flèche nord est indiquée ou, à défaut, la représentation des parallèles et des méridiens. Néanmoins, dans le cadre d’une projection en classe pour soutenir une démonstration, l’adaptation oculaire et intellectuelle de l’élève seraient mis à rudes épreuves.
Par ailleurs, les très nombreux graphiques ne peuvent pas servir à l’enseignant. Ce n’est pas leur pertinence scientifique qui est mis en cause, mais leur rendu graphique. En effet, les 5 graphiques de la page 21 sont présentés sur fond de couleur rose ce qui ne permet pas une reproduction fiable pour une projection ou l’intégration dans un exercice photocopié. Le graphique sur « l’évolution de la production automobile » (page 43) qui pourrait servir aux enseignants du collège ou du lycée est inutilisable. Non seulement son fond oranger perturbe la reproduction, mais les couleurs des « bâtons » se confondent avec la couleur de la page.
Enfin, sur l’ensemble des cartes, la couleur bleue de l’océan et de la mer très prononcée, ne met pas assez en relief l’intérêt des données cartographiées. Prenons l’exemple des cartes pages 60/61 ou 62/63, outre le fait que la lecture de ces cartes dans l’ouvrage est perturbée par la masse du bleu, il est quasiment impossible d’en faire une exploitation pédagogique par projection ou par photocopie.
Ceci étant relevé, il s’agit peut-être d’une volonté de l’éditeur…

En conclusion, cet ouvrage est une mine de renseignements pour l’enseignant, comme pour le non enseignant ou l’enseigné. En peu de pages, avec de nombreux documents variés et pertinents, Philippe Pelletier nous livre de précieux outils. Mais, faut-il le souligner encore, l’utilisation de ces outils s’avère être très difficile et c’est bien dommage.