Un fleuve au cœur d’une « jungle urbanisée »
Après des opus dédiés au Congo par Roland Pourtier, au Tigre et à l’Euphrate par Marcel Bazin, et à la Volga par Pascal Marchand, les éditions du CRNS enrichissent la collection sur la géohistoire des fleuves par l’Amazone. L’écriture a été confiée à Hervé Théry, auteurs de nombreux ouvrages et articles sur le Brésil, notamment à destination des enseignants souhaitant réactualiser leurs cours.
L’Amazone détient pratiquement tous les records de classification des grands fleuves. Il rejette plus d’eau dans la mer que les 7 plus grands fleuves qui le suivraient, 10 fois plus que le Mississippi, 50 à 60 fois plus que le Nil. Plusieurs de ces tributaires ont plus de 1600 km de longueur. Son bassin versant à la superficie de l’Australie.
Selon une étude récente, la longueur de l’Amazone-Ucayali serait de 6800 km alors que le Nil est de 6695 km. Il est 6 fois plus long que la Loire, le plus long fleuve français et son bassin est 59 fois plus vaste et son débit 235 fois plus puissant. Ce fleuve rejette 20 % de toute l’eau fraîche déversée dans les océans et ce rejet diminue la salinité de l’océan sur une superficie équivalente à celle de la Méditerranée.
L’Amazone est le plus grand fleuve mondial avec un bassin fluvial de près de 7 million de kilomètres carrés sur 5 % des terres émergées, et le plus grand débit (200000 mètres cubes par seconde). Son bassin versant couvre la moitié du Brésil, 16 % du Pérou et 10 % de la Bolivie, en plus de toucher la Colombie, l’Équateur et le Venezuela. Son bassin versant compte plus de 1000 cours d’eau tributaires.
L’Amazone coule d’Ouest en Est vers l’Atlantique. Il s’écoule d’abord dans un vaste bassin sédimentaire avant de s’étrangler entre les boucliers brésiliens et guyanais puis de retrouver un autre bassin sédimentaire jusqu’à l’embouchure. Il est considéré selon les géographes Michel Lamontagne et Thérèse Baribeau comme étant un “grand fleuve”.
Les principaux débats géographiques concernant l’Amazone porte sur le maintien de la biodiversité, le bon usage des ressources naturelles, le sort des Amérindiens et des populations traditionnelles (au Brésil) et concerne donc à la fois le fleuve et les berges de ce fleuve. Ce fleuve est caractérisé par le défrichement de la forêt sur la majorité de son bassin. Des feux de forêt particulièrement présents à l’été 2019 avait amené Emmanuel Macron à déclarer le 22 août 2019 « notre maison brûle point littéralement. l’Amazonie est en feu. C’est une crise internationale. »
« Ce n’est pas l’arbre qui cache la forêt, c’est la forêt qui cache le fleuve Amazone » (H. Théry)
L’Amazone se caractérise par des lacs et des bras actifs ou abandonnés. Le fleuve présente à la fois des eaux noires, des eaux blanches et des eaux claires. Il existe trois couleurs d’eaux pour l’Amazone et ses affluents : les eaux noires : “agua preta”, les eaux blanches : “agua branca” et les eaux claires : “agua clara”.
- Les eaux noires sont d’une couleur marron foncée en raison de la présence d’une grande quantité de matière végétale en décomposition. La visibilité y est bonne. Ce sont des eaux très acides entre 3,5 et 5 de pH, les végétaux y sont donc très rares. La pénétration de la lumière dans l’eau est en fortement atténuée par leur coloration et son acidité préjudiciable à leur développement.
- Les eaux blanches sont caractéristiques des zones alluviales où les eaux se chargent de limon. Leur aspect trouble et leur couleur sont causés par la quantité d’argile en suspension qu’elles contiennent. Dans ce type d’eau, la visibilité est quasi nulle et la pénétration de la lumière encore moins forte que dans les eaux noires.
- Les eaux claires sont généralement limpides et transparentes dont le pH est compris aux alentours de 5.
La synthèse sur ce grand fleuve s’intéresse aux infrastructures de transport, aux villes, l’aménagement, aux formes de protection mais aussi à ses habitants. Dans son livre, Hervé Théry surnomme les habitants de l’Amazonie, les Amazonides. En effet, il considère que le bassin amazonien est occupé par de nombreux groupes humains très différents par leurs effectifs, les langues qu’ils parlent et leur mode de vie. Les populations en Amazonie sont relativement nombreuses, dont les populations autochtones. L’auteur signale la présence des ribeirinhos qui sont des populations traditionnelles des bords du fleuve et de ses affluents, se déplaçant sur des pirogues. Ils ont développé des techniques d’adaptation au creux du fleuve grâce à des maisons sur pilotis ou des maisons flottantes et vivent grâce à une agriculture de décrue.
Ce monde, naguère totalement organisé autour de son fleuve et de ses multiples affluents, est aujourd’hui partagé entre le réseau fluvial et le réseau routier. Selon les lieux, ces deux réseau s’ignorent, se court-circuitent ou se complètent, des situations qui induisent le déclin ou e développement des villes situées à leurs confluents et carrefours.
Malgré tout, malgré ces tensions et ces violences, on peut garder espoir en se rappelant le sens fort de l’expression « en partage ». L’Amazone est une des merveilles que le monde a « reçu en partage », et il nous incombe à tous – et bien sûr d’abord à ses habitants – d’en faire un bon usage. Il faudra pour cela trouver des modes de mises en valeur et de conservation qui concilient le bien être de tous ceux qui y vivent et l’attention vigilante de ceux que l’Amazonie fascine dans le monde entier, et en préserver de vases portions que pour les générations futures puissent, elles aussi en contempler la beauté.
Extrait tiré de « l’Amazone – un monde en partage » de Hervé Théry, CNRS Editions, 2024, page 209
Remarquablement écrite et aisément transposable en classe de cinquième ou de seconde, cette synthèse remplit parfaitement son rôle : fournir une documentation fiable et récente sur tous les aspects de sa géographie.
Pour aller plus loin :
- Présentation de l’éditeur -> Lien
Antoine BARONNET @ Clionautes