« Population & Avenir, revue indépendante alliant rigueur et pédagogie, vous présente une analyse originale des enjeux actuels. Vous y trouverez une source d’informations, de réflexions et d’argumentaires amplement illustrés par des cartes, des graphiques, des tableaux, des schémas… »

ÉDITORIAL par Gérard-François DUMONT
POPULATION MONDIALE : LE CHIFFRE DE 8 MILLIARDS FACE À 4 VÉRITÉS ET À UNE PLUIE D’INCERTITUDES

L’annonce selon laquelle la population dans le monde serait de 8 milliards est à relativiser.

Ce chiffre a d’abord été établi sur des calculs fondés notamment sur des recensements très anciens ou imparfaits. Quant à l’état civil, donc à l’enregistrement des décès et des naissances, il est défaillant pour environ le quart de la population dans le monde.  De plus, ce chiffre ne doit pas masquer la réalité d’un monde dont la croissance de la population décélère nettement et dont les évolutions démographiques sont fortement fragmentées entre une Afrique dont la transition démographique n’est pas terminée, des pays comme la Chine ou la France qui connaissent une légère croissance démographique et d’autres qui voient leur population baisser sous l’effet d’une fécondité durablement affaiblie.

En conséquence, le chiffre de 8 milliards n’est qu’un ordre de grandeur (on peut tabler sur une fourchette de 800 millions d’habitants en plus ou en moins). Selon les hypothèses retenues, l’évolution du nombre d’habitants sur Terre peut également, au cours du XXIème siècle, varier de plusieurs milliards.

 

DOSSIER par Laurent RIEUTORT

LES TERRITOIRES RURAUX FACE À 4 TRANSITIONS

L’ensemble des ruralités françaises n’échappe pas au défi des transitions, que celles-ci soient écologiques, technologiques, organisationnelles, de régénération économique ou sociétales. Ces transitions se traduisent par des transformations de long terme et des trajectoires complexes. Or les territoires ruraux français offrent de multiples opportunités et peuvent accélérer la transition vers la soutenabilité. Ils ont une place stratégique vis-à-vis, par exemple, des défis de l’alimentation, de l’énergie, des services environnementaux, de la souveraineté économique, de l’habitabilité ou de l’accueil de nouvelles populations.

Dans le contexte de transitions, nous connaissons un nouveau paradigme. Celui-ci combine 3 dimensions : la volonté d’associer les ressources endogènes comme levier de développement, la recherche de coopération, d’interdépendances et passer d’une politique de compensation à une politique de transformation s’appuyant sur les capacitations locales.

Véritables hotspots de la biodiversité, notamment dans certaines zones (montagnes, plaines humides et littoraux…), les territoires ruraux constituent des sentinelles du changement climatique (épisodes de sécheresse, feux de forêt, fortes tensions sur l’eau…). Cet environnement, et les aménités qu’il offre, est clairement associé à une forme de transition résidentielle et d’attractivité des territoires ruraux.

Parallèlement, les campagnes constituent des plateformes productives fondamentales, qu’il s’agisse de ressources agricoles, alimentaires ou forestières, qui sont au cœur d’une nouvelle bioéconomie et s’inscrivent dans des chaînes de valeur mondiales ou dans des circuits de proximité et de qualité. S’ajoute un développement industriel notable, pour partie inscrit dans un processus de relocalisation.

Dans l’approche dite métabolique qui tente d’observer l’ensemble des flux d’énergie et de matières mis en jeu par le fonctionnement d’une société inscrite sur un territoire, les liens entre villes et campagnes sont renforcés. Le modèle de la biorégion urbaine s’appuie sur un système multipolaire, réticulaire, non hiérarchisé, avec des relations entre villes et territoires ruraux fondées sur la réciprocité.

Dans le même temps, les territoires ruraux sont des lieux de créativité et d’innovations sociales dans de multiples domaines parmi lesquels les solidarités et services aux personnes, les nouvelles façons de produire, de consommer ou d’habiter plus respectueuses de l’environnement.

4 types de territoires ruraux en transition se distinguent alors : les territoires ruraux des transitions environnementales et présentielles, les territoires ruraux des transitions/régénérations économiques, les territoires ruraux des transitions agri-urbaines et les territoires ruraux des innovations sociales et de l’accueil.

 

DOCUMENT PÉDAGOGIQUE (libre de droits)

La métamorphose des territoires ruraux de France métropolitaine : de la répulsion à l’attraction, une recomposition de la géographie de la population ?

EXERCICE PÉDAGOGIQUE par Eric GACHET

DES TERRITOIRES RURAUX EN RENOUVEAU ?

Cette proposition s’insère dans le thème 3 du programme de géographie de 3ème qui s’intitule « Pourquoi et comment aménager le territoire ». Il s’agit de montrer à quel point les initiatives locales sont prépondérantes dans la valorisation géographique et la redynamisation des territoires ruraux.

Dans la 1ère étape, les élèves exploitent un corpus documentaire pour comprendre les différents usages de l’espace rural. Puis, dans une deuxième étape, ils doivent rédiger un développement construit après avoir complétés un tableau.

 

ANALYSE par Gwénaël DORÉ
TERRITOIRES LITTORAUX ET TRANSITION ÉCOLOGIQUE – QUELS DISPOSITIFS EN VUE D’UN DÉVELOPPEMENT DURABLE ?

Plusieurs dispositifs ont été déployés à compter des années 1970 dans le cadre de la transition écologique des territoires littoraux.

En 1986, la loi du 3 janvier « relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral », dite loi littoral, vise la protection des bords de mer. Etant rappelé la vaste étendue du littoral français qui dispose de 7000 km de côtes dont 1500 outre-mer, pas moins de 1212 communes sont concernées par la loi littoral. Elle associe les principes, parfois contradictoires, de son intitulé : « protection » et « mise en valeur ». Différents dispositifs de la loi littoral participent à la protection du patrimoine et des paysages : non constructibilité dans la bande littorale des 100 mètres, instauration de la bande des 3 mètres destinée à assurer le passage des piétons et la protection stricte des espaces et des milieux naturels les plus caractéristiques du patrimoine. Plus récemment, en 2018, la loi « évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » (dite loi Élan) du 23 novembre a légèrement modifié le cadre juridique de l’urbanisation dans les communes littorales.

En 1975, le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres est créé avec pour mission de mener, après avis des conseils municipaux intéressés, une politique foncière de sauvegarde de l’espace littoral, de respect des sites naturels et de l’équilibre écologique. Il achète des terrains fragiles ou menacés afin de les protéger et les remettre en gestion, sans obligation systématique d’ouverture au public. Plus de 40 ans après sa création, le Conservatoire, qui acquiert en moyenne chaque année 20 à 30 km², assure la protection de 2000 km² sur plus de 750 sites, représentant environ 1600 km de rivages maritimes, soit 15% du linéaire côtier de la France.

Troisième dispositif, les schémas de mise en valeur de la mer (SMVM) ont été introduits par la loi de décentralisation du 7 janvier 1983. Ils déterminent la vocation générale des différentes zones et notamment les zones affectées au développement industriel et portuaire, aux cultures marines et aux activités de loisirs. Les SMVM définissent ainsi les conditions de compatibilité des usages sur une portion terre-mer. Ils doivent organiser la vocation des espaces concernés, arbitrer les conflits d’usages et proposer des mesures pour y remédier. Toutefois, ce nouveau dispositif n’a pas rencontré de succès. L’interface terre-mer pertinente pour l’élaboration d’un SMVM ne coïncide pas nécessairement avec le périmètre d’un SCoT, créant de possibles conflits entre les collectivités et l’Etat.

 

LE POINT SUR … par Franck CHIGNIER-RIBOULON
L’ESPAGNE DEVENUE UN GRAND PAYS D’IMMIGRATION : HISTOIRE ET GÉOGRAPHIE DE SA PRÉSENCE ÉTRANGÈRE

L’Espagne est un vieux pays d’émigration, pour des raison politiques et économiques. De la fin du XIXème siècle aux années 1920, les départs se faisaient principalement vers l’Amérique Latine, et également vers l’Algérie et la France. Ce furent 4 millions de personnes qui s’expatrièrent. A partir des années 1950, l’émigration reprit et se fit jusqu’aux années 1970, en grande partie en direction de la France, de l’Allemagne et de la Suisse.

Les décennies suivantes sont caractérisées par un retournement, une réalité nouvelle d’immigration. Le nombre d’étrangers, moins de 200000 en 1981, passe à 5,4 millions 40 ans plus tard, en 2021, suivant plusieurs étapes :

  • à compter des années 1960, l’ouverture au tourisme par le régime franquiste, pour développer l’économie, a attiré des millions d’estivants. Une partie de ces touristes est progressivement restée, ou revenue au moment de la retraite. Le reste de la population étrangère, essentiellement constituée de Sud-américains (18%), a fuit les dictatures et/ou la mauvaise gouvernance des pays d’origine ;
  • l’entrée de l’Espagne dans la CEE en 1986, puis la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne, à partir de 1993, et le développement économique favorisent un mouvement d’immigration. Les besoins en main d’œuvre s’accroissent et une politique d’accueil généreuse des gouvernements espagnols y fait face. L’Espagne compte 360000 étrangers en 1991 et 749000 en 1999, soit plus qu’un doublement en moins de 10 ans. Surtout la géographie de leurs origines change ; dès 1992, les Anglais sont moins nombreux que les Africains, dont avant tout les Marocains ;
  • dans les années 1998-2008, la forte croissance de l’immigration est portée par les mêmes secteurs économiques avec un boom immobilier. En 2001, le nombre d’étrangers dépasse largement le million, avec près de 1,4 million de personnes, soit le double de 1998. Puis l’accélération des arrivées se traduit rapidement dans le total des effectifs : 3 millions d’étrangers en 2004 et les 5 millions sont dépassés en 2008. De fait, depuis les années 2000, l’Espagne a un des taux d’immigration parmi les plus élevés au monde, supérieur à ceux des Etats-Unis ou de la France ;
  • après la crise financière internationale de 2008, la population étrangère croit toujours, jusqu’en 2011, pour atteindre un maximum de 5,75 millions de personnes, et 12,2% de la population totale. Ensuite, les flux migratoires s’inversent ; le solde s’avère négatif de 2010 à 2015. La politique d’accueil cesse, et est remplacée par des mesures de striction des entrées. En 2018, les flux d’arrivée reprennent. En 2020-2021, la pandémie de la Covid-19 affecte la reprise de l’immigration. Depuis la baisse d’intensité de la pandémie, l’immigration est repartie. En effet, l’Espagne n’arrive pas à pourvoir certains emplois, ceux de qualification basse, dans un contexte d’affaiblissement de la population active de nationalité espagnole en conséquence de sa faible fécondité.

Au début des années 1990, les étrangers étaient concentrés dans quelques espaces. Un tiers vivait dans les agglomérations de Barcelone et Madrid. Pour l’essentiel, les autres étaient installés sur les côtes méditerranéennes, y compris les Baléares, ou aux Canaries. La carte de 2021 montre un renforcement du poids des régions déjà concernées 30 ans auparavant.

Les différentes nationalités ont connu des évolutions contrastées. Les 2 plus importantes nationalités (Marocains et Roumains) représentent presque le tiers de l’ensemble des étrangers enregistrés. Les cas de la Roumanie et de la Bulgarie, qui relèvent du régime de libre circulation, sont bien différents des Marocains. Leur retard et leurs difficultés économiques ont fourni une émigration permanente depuis leur adhésion à l’Union européenne. Quant aux Européens de l’Ouest, leur nombre baisse, hormis pour les Italiens. Le nombre de Sud-américains a, lui, très fortement augmenté.

Certes, les vagues d’immigration ne sont pas toujours bien perçues, mais, démographiquement, elles représentent un apport pour un pays fort vieillissant.