L’ouvrage est donc parfaitement adapté à nos pratiques d’enseignant, en histoire géographie et en ECJS, du collège au Lycée, voire au-delà. Il est composé d’interventions de nombreux auteurs, dont on peut regretter qu’aucun ne soit présenté, même succinctement. Paru à l’occasion de la récente élection présidentielle, l’Atlas électoral n’est pas réductible à une publication de circonstance. Il dresse en réalité un état des lieux très large et complet de la chose politique en France, à travers la forme première de l’expression populaire : le vote.Il est composé de cinq grandes parties.La première, « l’élection présidentielle et l’électorat », part d’un rappel des règles précises qui organisent le grand rendez-vous (candidatures, campagne officielle, financement), puis analyse le corps électoral appelé aux urnes (nombre, composition mais aussi incontestable attachement à l’ « élection reine »). L’analyse des « présidentielles en chiffres », depuis l’instauration du suffrage universel en 1965, montre comment la poussée des votes protestataires, blancs et nuls, comme celle de l’abstention, a pour effet de réduire régulièrement la base électorale des présidents élus, jusqu’à 2002. Le vote 2007, intervenu depuis, semble indiquer une rupture, au moins sur ce point. La participation, son effritement continu jusqu’2002, est évaluée comme symptôme d’une crise de confiance entre gouvernés et élus. Le renversement de tendance de la présidentielle 2007, immédiatement remis en cause au scrutin législatif de juin qui suit, ne permet pas de conclure sur un point d’arrêt définitif de la dynamique abstentionniste. Mais il semble certain qu’à l’avenir l’attention devra être portée sur l’hypothèse d’une crise de la représentation politique des français.
Le second chapitre analyse l’expression des votants : « les électorats politiques ». Il engage la réflexion sur une analyse du clivage entre la gauche et la droite, de son érosion et des recompositions issues en particulier de l’arrivée à la majorité de nouvelles générations peu politisées, ou de certaines formes de convergence, sur les questions de société en particulier. L’hypothèse évoquée est celle d’un chevauchement de deux styles de vie politique différents. Et de deux types d’électeurs différents donc : un électorat plus âgé, idéologique, et bipolarisé, face à un autre électorat plus jeune, plus « a-politique », plus sensible à la personnalité affichée du candidat. En dehors des inévitables débats que peut ouvrir un découpage aussi rudimentaire, ou l’éternelle affirmation de l’inexistence des clivages fondamentaux entre gauche et droite, l’Atlas, au jeu difficile du pronostic avant scrutin, ne réussit pas à être indiscutable… Il annonce en effet que pour 2007, le scrutin « se jouera » sur les deux thèmes de la sécurité et sur celui de la protection sociale. Or, ce qui fut vrai en 2002 ne le fut pas en 2007, et le positionnement du candidat finalement élu sur des thèmes comme le travail, ou sur des références directement empruntées à la gauche en a surpris plus d’un.
La suite passe en revue les grands courants, en s’appuyant sur des cartes (échelle départementale), des courbes, et…des photos. Le fait d’avoir l’Atlas en mains après les élections est un exercice intéressant de validation :
– le vote d’extrême gauche, jugé vote d’influence fragile parce que peu stabilisé (2007 a montré comment la division, jusqu’au suicide politique y était une marque de fabrique)
– le vote écologiste « vote d’enjeu, peu homogène et faiblement enraciné », à l’électorat volage et aux dissensions internes multiples, avec de très fortes variantes régionales
– le déclin inexorable du vote communiste, entre « ghetto protestataire » et compromission avec la social-démocratie (ici, 2007 semble un pas de plus)
– la candidate socialiste est présentée comme confrontée à un « grand défi », entre la perte de « substance populaire » du PS et l’impossible grand écart entre « bobos » et exclus
– à droite, la question jugée centrale semble avoir reçu une réponse : comment l’électorat de droite suivra-t-il la recomposition partisane, et le rapport de forces très déséquilibré entre une UMP hégémonique et une UDF rétrécie ? ou encore quel bouleversement des rapports de forces électorales attendre de l’UDF allégée (« géographiquement, sociologiquement, l’électorat de Bayrou est bien de droite »)?
– enfin, pour « la droite de la droite », le succès de Le Pen en 2002, après 20 ans de poussée continue, amène Pascal Perrineau à estimer que cette « troisième famille » est désormais durablement installée dans le paysage politique. Le scrutin a infirmé l’hypothèse, et les Législatives qui ont suivi paraissent indiquer un déclin prononcé du Front national, et une captation de son électorat (et de ses idées ?) par la droite « décomplexée ».
Le troisième chapitre (« les électorats sociologiques ») approfondit l’analyse, en cherchant les liens entre l’expression politique et divers milieux démographiques et sociaux. Les questions posées traitent successivement :
– du vote des jeunes, entre protestation, indifférence et perte de spécificité.
– du vote des femmes, et de son évolution (« apprentissage » dans les années soixante, « décollage » jusqu’au vote de 1986, et « autonomie » du vote féminin depuis, avec en particulier un rejet plus marqué que les hommes de la candidature Le Pen en 2002).
– de l’existence et des caractéristiques éventuelles d’un « vote de l’immigration ».
– de l’éclatement du vote populaire, tellement au centre de l’élection de 2002.
– du comportement électoral des classes moyennes, « catégorie courtisée » et de ses fluctuations entre gauche et droite.
– du vote des électeurs ruraux, « électorat bigarré, déclassé, fragilisé, fruit d’espaces bouleversés », et relativement éclaté entre les différentes familles de droite.
– le poids de l’électorat des fonctionnaires, à la mesure du rôle de l’appareil d’Etat en France.
En fin, dans un quatrième chapitre (« l’élection présidentielle comme question »), l’ouvrage s’ouvre à une série de réflexions générales qui mettent en perspective le regard porté sur les élections présidentielles en France :
– les mécaniques de production des images des candidats, des techniques de marketing politique, de communication politique, de l’utilisation des medias, si centrales dans cette élection directe au suffrage universel.
– l’importance des enjeux économiques, et leur influence sur le vote.
– la « volatilité électorale », et l’instabilité croissante du vote, non seulement d’une élection à l’autre, mais du premier au second tour.
– les médias les plus influents dans la constitution des opinions, avec bien sûr le poids central de la télévision.
– et bien sûr la question si controversée des sondages, et de leur influence.
L’Atlas politique est complété de tableaux très complets, donnant les résultats détaillés des présidentielles de 1965 à nos jours, d’une série d’adresses de sites Internet, puis de deux pages de références bibliographiques.
Il s’agit donc au total d’un ouvrage extrêmement utile, pour les élèves comme pour les professeurs, qui, au-delà de l’élection déjà accomplie de 2007, ouvre les pistes de réflexion majeures sur le thème, et présente les caractéristiques d’un usuel très commode.
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