Annoncé sur le site des Clionautes, le lancement de cette série d’ouvrages destinés à accompagner les voyageurs dans le pays ou la ville présentés correspond sans nul doute à un besoin. Les guides de voyage comportent évidemment des notices historiques et géographiques, mais elles n’occupent pas l’essentiel de l’ouvrage. Bien souvent ces notices sont de qualités inégales et n’échappent pas toujours à la tentation du rewriting d’encyclopédies.
Rien de tel avec ce premier ouvrage de la série qui est rédigé par Philippe Conrad, professeur d’histoire et directeur de séminaire au Collège Interarmées de Défense. Il est notamment l’auteur de Histoire de la Reconquista (Puf, coll. « Que sais-je ? », 1998) ; Ils étaient cinq dans les tranchées (avec L. Sevaux, éd. Heimdal, 1993) ; Le sang de la Marne (éd. Heimdal, 1992 – rééd. 1994) et L’or dans la jungle (éd. Philippe Lebaud, 1991) et Le poids des armes. Guerres et conflits de 1900 à 1945. Cet ouvrage a d’ailleurs été l’objet d’un compte rendu sur le site des Clionautes. http://www.clionautes.org/?p=705.
Philippe Conrad s’éloigne ici de son domaine de spécialité, l’étude des conflits, pour balayer avec un certain bonheur quelques millénaires d’histoire et de géographie de l’Égypte. En effet, ce guide commence logiquement par une présentation géographique avant d’aborder successivement les origines de la civilisation égyptienne, les éléments marquants de sa découverte par les archéologues, de Champollion à Lepsius avant d’aborder l’Égypte des Ptolémées, celle des Fatimides et des Mameluks avant de s’achever sur les présidences de Nasser, Sadate et Moubarak. À ce propos, la tentation de l’actuel chef de l’État égyptien de porter au pouvoir son propre fils, s’inscrit peut-être dans une reprise de la tradition dynastique que cette terre baignée par le Nil a connue pendant plus de trois millénaires.
Ce guide est donc, en près de 400 pages un véritable ouvrage de vulgarisation, heureusement rédigé par un non égyptologue, ce qui peut-être le rend plus accessible. Par ailleurs, on ne peut qu’apprécier le fait que l’essentiel de l’ouvrage ne soit pas consacré à l’Égypte antique, une façon de découvrir pour le lecteur, une culture qui ne se limite pas au passé, aussi prestigieux soit-il.
L’auteur fait également une place, dans des encadrés, à des récits de voyageurs qui ont été avant lui, séduites par les paysages, les monuments mais aussi, il faut l’espérer les femmes et les hommes de ce pays.
On trouvera donc des pages des journaux de voyages de l’orientaliste Eugène Fromentin ou de la comtesse de Gasparin, épouse d’un ministre de Louis Philippe. Ces textes présentés en encadré sont bien utiles car il ressuscitent la fascination de tous ceux qui ont été amenés à parcourir ces terres et à loger les rives du fleuve sacré.
Tous les aspects abordés
Mais le livre ne se limite pas à) une présentation historique qui aborde vraiment tous les sujets, y compris les plus délicats comme la prise de pouvoir de Nasser ou la naissance et le développement des frères musulmans. On retrouve aussi la fonction de guide de voyage avec des présentations de monuments, des schémas et des croquis, certaines photographies, bref, il est difficile, muni de cet ouvrage de passer à côté de l’essentiel.
Une large place est consacrée à Alexandrie, capitale de l’Orient hellénisé ainsi qu’au christianisme copte heureusement illustré par une visite de Pierre Loti au monastère Sainte Catherine.
On appréciera aussi le format de cet ouvrage broché, densément écrit mais commode à emporter. En voyage le poids ça compte aussi et au final, on ne voit pas comment, si l’on a la possibilité de partir pour une ou deux semaines en Égypte, et si l’on cherche un moyen commode de renforcer par des connaissances les sensations de voyage, s’en passer.
Mais les qualités de cette réalisation ne s’arrêtent pas là. Les schémas des temps, les vignettes des dieux du Panthéon égyptien, les plans de temples, de basiliques coptes ou de mosquée sont aussi des documents fort précieux en classe et très facilement utilisables par les professeurs d’histoire. On pense bien entendu à ceux qui font découvrir la discipline au collège à partir de la civilisation égyptienne en sixième, et on ne dira jamais assez leur responsabilité, mais aussi à ceux qui en seconde, avec la Méditerranée au XIIe, en première avec l’orientalisme et la colonisation, en terminale avec la décolonisation et le panarabisme, qui peuvent trouver, de façon très accessible dans cet ouvrage, les bases de leurs préparations. Ce livre peut également figurer dans un centre de documentation et présenter ainsi une source d’informations accessible et en même temps très complète.