En Haïti la scolarisation obligatoire, universelle et gratuite demeure un but avec seulement 76% des enfants scolarisés en primaire d’autant que la déperdition est considérable, les écarts entre régions, entre villes et campagne renforcent les inégalités éducatives et jouent un grand rôle dans la fragmentation sociale de la société.
Au-delà des chiffres concernant l’accès les auteurs s’intéressent à la diversité sociale, la langue d’enseignement, la capacité de l’école à construire une communauté ouverte à tous.La demande sociale envers l’école est forte comme en témoignent les migrations vers la ville. En quelques chiffres la réalité apparaît : 2,8 millions d’élèves, 12% inscrits dans les écoles publiques, faiblesse de l’enseignement secondaire et domination de l’enseignement non-public en forte augmentation dans la période 1965-2003. 67% des élèves entrent tardivement à l’école (soit au-delà de 7 ans) et de très grandes inégalités géographiques si 60% des communes ont une faible offre scolaire, le chiffre peut aller jusqu’à 92% dans la région centre. Des progrès sont à noter depuis l’arrivée au pouvoir du président Martelly. Les auteurs évoquent les différentes réformes, leur faible efficacité du fait de l’instabilité politique et des rapports de force dans la société haïtienne. Un bilan plutôt sombre: une école qui reproduit les inégalités sociales par l’enseignement en français même si un enseignement en créole est en principe inscrit dans la loi depuis la réforme Bernard 1979-1982, des enseignants peu formés, des méthodes en rupture avec la culture haïtienne : Une conception de la pédagogie qui pousse l’élève à se décrocher de sa peau culturelle et de sa pensée du monde, et à se revêtir de celles d’un autre. Ainsi l’élève voit son identité et ses valeurs marginalisées au profit d’une identité qui lui est souvent imposée. (p.46-47) des idées à réfléchir aussi en France.Pour les auteurs une refondation de l’école semble nécessaire pour devenir un espace accueillant et ouvert aux parents, à la communauté. Ils s’interrogent sur les conditions d’enseignement et d’apprentissage pour une plus grande qualité. Au-delà des aspects matériels (bâtiments, fournitures) dans un contexte difficile (ouragans fréquents, tremblement de terre) se pose la question du statut social des enseignants mal formés, peu valorisés, souvent tentés de changer de métier.
Si les enseignants sont peu formés 85% n’ont aucune formation professionnelle et 30% ont un niveau inférieur à la 9eme année de scolarisation mal suivis par de rares conseillers pédagogiques malgré les efforts récents ils sont de plus confrontés à la réalité des vacations multiples (2 cohortes d’élèves , une le matin, l’autre le soir).
Les auteurs proposent quelques pistes en matière de formation, pour améliorer le climat relationnel dans l’école, l’implication des parents et des communautés locales. Se pose également le problème du niveau des élèves et des examens.
Ils abordent aussi la question de la gouvernance. Les expériences vécues par les enseignants, l’influence sur leur pratique ont peu de place dans un système centralisé, bureaucratique et qui reconnaît mal le savoir-faire local. Ils insistent sur la nécessité de rompre l’isolement des enseignants et militent pour une mutualisation indispensable pour améliorer la qualité de l’école haïtienne au plus près des besoins des populations.