Compte-rendu par Philippe Retailleau (La Réunion)

L’inscription aux concours de l’enseignement d’une question portant sur une notion ou une aire géographiques donne souvent l’occasion à de téméraires auteurs de rédiger des synthèses qu’on espère toujours exemplaires. Les auteures de ce nouvel opus des éditions Bréal, toutes géographes et pour la plupart spécialistes de l’aire nord-américaine, nous offrent ici, sous un volume ramassé, une première approche bien pensée.

L’ouvrage est divisé en trois parties d’inégale ampleur (Comprendre, Rechercher, S’entraîner) qui témoignent d’une ambition tout à la fois scientifique et pédagogique.

La première partie s’attache à cerner l’aire géographique retenue. Un premier chapitre interroge d’abord la pertinence de l’inscription des Etats-Unis, du Canada et du Mexique aux concours de l’enseignement, pour considérer in fine qu’elle invite les candidats à « réfléchir aux évolutions géoéconomiques et géopolitiques d’une région du monde à forts clivages et diversité internes, qui représente un pôle mondial de plus en plus malmené et une frontière Nord-Sud de plus en plus remise en cause. » (p. 12) Dans un deuxième chapitre (« Amérique du Nord ou Alena? »), les auteures étudient la complexité interne de cet espace fragmenté en trois Etats très différents et marqué notamment par « une discontinuité structurelle majeure à l’échelle mondiale » (p. 21), la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Le chapitre insiste bien évidemment sur le flou croissant de la limite d’un point de vue culturel, l’ « américanisation » et la « mexicanisation » croisées entraînant « des phénomènes de métamorphoses, des transformations graduelles mais profondes des espaces et des sociétés. » (p. 27) Les chapitres 3 et 4, très courts, sont l’occasion de s’interroger sur la place de l’Amérique du Nord dans les programmes scolaires et de donner une première orientation bibliographique.

La deuxième partie, la plus étoffée, creuse quelques-uns des axes de compréhension dégagés dans la première. C’est là que l’information et la réflexion géographiques se font plus précises voire plus pointues. Le premier chapitre, intitulé « Du territoire aux territoires nord-américains », propose un panorama classique mais bien informé des données naturelles, de la mise en valeur différenciée des territoires, sur le plan agricole notamment, de la structuration des territoires par les transports, dans l’optique d’une maîtrise de l’immensité, enfin du rapport à l’environnement. Le chapitre 2 s’intéresse à « des populations contrastées et fortement urbanisées » : les Etats-Unis se taillent ici la part du lion, fort logiquement. Le chapitre constitue une excellente mise au point sur les dynamiques démographiques, notamment migratoires, et fait utilement le point sur les contrastes des histoires urbaines des composantes étatiques de l’espace nord-américain. Enfin, les auteures remarquent justement que « tout en maintenant quelques identités culturelles originales, le développement des villes canadiennes, mexicaines et états-uniennes suit une orientation commune : étalement, tendance à la ségrégation, au communautarisme, à l’enclosure, dislocation du modèle mono-centré, contraction de l’espace public. » (p. 133) Du troisième chapitre, de facture relativement classique, consacré à la frontière, retenons que « plus la militarisation et la sécurisation de [celle-ci] augmentent, plus les barrières économiques tombent, et plus la coopération régionale s’approfondit entre les Etats fédérés frontaliers. » (p. 150) Le dernier chapitre s’intéresse à l’Amérique du Nord en tant que « pôle mondial de puissance ». Il contient une excellente mise au point sur la crise économique majeure surgie en 2007-2008 et s’attache par ailleurs à relativiser « le déclin supposé de l’Amérique du Nord et principalement des Etats-Unis » (p. 183). Ce chapitre fournit au total l’essentiel des données à maîtriser et des axes de réflexion à mener pour les collègues qui seraient amenés par exemple à appréhender, en 4ème, la question des « Etats-Unis : un territoire dans la mondialisation ».

La dernière partie fournit quelques conseils méthodologiques, qui ne sont que des rappels, concernant la dissertation et la leçon en géographie, avec à chaque fois un sujet traité (« Les façades maritimes d’Amérique du Nord » pour la dissertation, « La question de l’eau en Amérique du Nord » pour la leçon) et des pistes pour l’élaboration du croquis de synthèse.

L’on ajoutera que le livre est agrémenté de nombreux tableaux statistiques à jour et de cartes de synthèse très bien faites, claires et lisibles. La bibliographie qui accompagne chaque chapitre est pour l’essentiel composée de références en français, mais les titres fournis permettent ensuite d’accéder à une littérature plus vaste, plus diverse et plus pointue, dont le lecteur aura pu avoir un aperçu dans le développement au détour de quelques notations d’ordre historiographique ou épistémologique.

Puisque c’est d’abord à lui que l’ouvrage est destiné, l’étudiant qui prépare le Capes et l’Agrégation, dispose donc d’une base fort utile qui l’aidera à se saisir des principales données et problématiques de la question et lui donnera les clés d’une exploration approfondie de la question.

Philippe Retailleau © Les Clionautes