« Population & Avenir, revue indépendante alliant rigueur et pédagogie, vous présente une analyse originale des enjeux actuels. Vous y trouverez une source d’informations, de réflexions et d’argumentaires amplement illustrés par des cartes, des graphiques, des tableaux, des schémas… »

Éditorial par Gérard-François Dumont
FRANCE : Les 5 victoires d’une recentralisation à bas bruit ?

En 1982, la France entreprend de se décentraliser en donnant des libertés d’actions et des compétences aux collectivités territoriales. En 2023, elle ajoute dans sa Constitution une nouvelle phrase : « Son organisation est décentralisée ». Mais à l’inverse du texte constitutionnel, la France ne connaît-elle pas une recentralisation à bas bruit ?

5 éléments permettent de répondre à cette question : la forte réduction des recettes propres des collectivités territoriales et de leur autonomie fiscale, l’illisibilité des collectivités territoriales sur leurs budgets futurs, des compétences relevant plutôt d’une « décentralisation centralisée », la « prise en otage » des initiatives des collectivités territoriales et tout pour Paris, des miettes pour les autres territoires.

 

Dossier par Jean-François Léger

Les littoraux en France : un dynamisme démographique porté par les séniors – mais pour combien de temps ?

Les littoraux français offrent un parfait contre-pied au pessimisme démographique français. La population y connaît encore une vitalité qui a peu d’égale en France. Mais elle ne s’est pas faite sans contrepartie, avec notamment une urbanisation importante du littoral. La volonté de l’État de limiter de manière drastique « l’artificialisation » des sols et les contraintes environnementales inhérentes aux changements climatiques ne vont-elles pas changer la donne ?

Les communes littorales couvrent une superficie de 22 095 km², soit 4% du territoire de la France métropolitaine. Pourtant elles concentrent près de 10% de la population. Avec 289 habitants par km², ces communes sont donc beaucoup plus densément peuplées que le reste de la France métropolitaine (113 habitants par km²). Logiquement, on y dénombre également 213 logements par km², soit 3,5 fois plus que dans le reste de la France métropolitaine (60 logements par km²). Mais une grande partie de ces logements n’accueille pas de population permanente. Aussi les communes du littoral sont très urbanisées. Les 3/4 des habitants du littoral français résident dans une unité urbaine de plus de 20 000 habitants, alors que c’est le cas de 59% de la population résidant ailleurs en France métropolitaine.

Dans cet environnement résidentiel singulier réside à l’année une population elle aussi bien différente de celle que l’on peut rencontrer ailleurs en France métropolitaine. Les retraités sont en particulier très nombreux. La proportion plus élevée de retraités dans les communes du littoral se concrétise  par une nette surreprésentation des personnes âgées. Au recensement de 1968, on ne constatait pourtant pas de surreprésentation des retraités et donc des personnes âgées. En 50 ans, la population du littoral de France métropolitaine a donc davantage vieilli que l’ensemble de la population de l’Hexagone.

Ces caractéristiques et évolutions générales de la population des communes littorales de l’Hexagone masquent toutefois des différences parfois considérables d’une région à l’autre : tous les littoraux ne se ressemblent pas. Le littoral de la Corse est le plus dynamique sur le plan démographique. Aussi, dans les Pays de la Loire, la Nouvelle-Aquitaine et l’Occitanie, le taux de croissance de la population a été nettement supérieur à + 0,6% par an dans les communes littorales. Cette croissance démographique est assurée par un important excédent migratoire. Le littoral de la région Bretagne présente un bilan comparable mais sa croissance démographique est nettement en retrait. Les communes des littoraux de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur sont les seules à s’appuyer à la fois sur un excédent naturel et un excédent migratoire. Mais l’un et l’autre restent faibles.

Enfin, les communes littorales de Normandie et des Hauts-de-France sont en net recul démographique, perdant des habitants entre 2014 et 2020. Mais c’est une perspective que pourraient aussi connaître prochainement les autres littoraux, même les plus dynamiques. En effet, la croissance démographique des littoraux dont la population augmente est exclusivement assurée par le mouvement migratoire. Or, certains facteurs pourraient sérieusement minorer ce dernier. Le recul de l’âge de départ à la retraite va nécessairement différer des projets de mobilité résidentielle à la fin de la période professionnelle. Aussi, particulièrement exposée aux effets du changement climatique, les littoraux pourraient se révéler moins attractifs. Un quart du littoral est ainsi déjà en érosion côtière. Dans le sud, l’augmentation des températures risque aussi de se traduire par un renversement de l’héliotropisme qui, de positif, pourrait devenir négatif. Par ailleurs, le coût de l’immobilier pourrait également freiner et empêcher les velléités de déménagement vers des territoires où le prix des logements est élevé. Le cycle d’un demi-siècle au cours duquel l’urbanisme et la démographie des communes du littoral français ont été considérablement bouleversés est probablement en train de se terminer.

 

Document pédagogique (libre de droits)

Les littoraux en France : une géographie singulière

 

Exercice pédagogique par Alexandre DUCHESNE

L’Empire ottoman, de l’essor au déclin

Cette proposition s’insère dans le thème 2 du programme de Première de spécialité HGGSP  intitulé « Analyser les dynamiques des puissances internationales ». « L’Empire Ottoman, de l’essor au déclin » est un des jalons à étudier.

En introduction, les élèves étudient un tableau récapitulant l’évolution de la population de l’Empire Ottoman entre 1350 et 1922. Ces chiffres sont à la fois révélateurs de la puissance puis du déclin de l’Empire Ottoman. Ensuite, plusieurs documents permettent d’appréhender la principale période d’apogée de l’Empire Ottoman sous Soliman le Magnifique. Enfin, les élèves caractérisent son déclin dans le contexte de l’émergence des nationalismes au XIXème siècle.

 

Analyse par Konstantinos N.Zafeiris
Entre Grèce et Turquie, enjeux géopolitiques et déséquilibres démographiques

Dans cette région en ébullition, il importe de considérer les régimes démographiques des régions frontalières de la Grèce et de la Turquie.

Si l’on considère seulement la « loi du nombre », la Grèce dans son ensemble et ses régions orientales se trouvent très désavantagées par rapport à la Turquie et ses régions occidentales. En 2018, la Grèce comptait environ 11 millions d’habitants et la Turquie 81 millions, soit 8 fois plus que la Grèce. Aussi, les taux de natalité sont plus faibles en Grèce et dans ses 4 régions orientales qu’en Turquie. Ces différences importantes s’expliquent principalement par les niveaux de fécondité et l’âge moyen à la maternité. Considérant les taux de mortalité, ils sont en général plus faibles en Turquie qu’en Grèce en raison des différences dans la composition par âge des population. En Grèce, l’âge médian des hommes est supérieur de 12 ans à celui de la Turquie et celui des femmes de 14,4 ans.

Au final, la Grèce dans son ensemble enregistre un excédent des décès sur les naissances, donc un taux d’accroissement naturel négatif alors que la Turquie bénéficie d’une croissance démographique naturelle. La Grèce s’avère donc dans une position défavorable même si la croissance démographique de ses 4 régions orientales diffère du dépeuplement que connaît le reste du territoire grec.

 

Le point sur… par Gérard-François Dumont
Natalité et fécondité en France : des baisses prévisibles ? une géographie uniforme ?

Comparons les chiffres quasi-définitifs aux projections prévues dans différentes publications des années 2018-2021 : 678 000 naissances en 2023, soit 38 000 de moins que la projection moyenne réalisée 2 ans auparavant, une fécondité de 1,68 enfant par femme en 2023, un chiffre inférieur de 7% à la projection. Pourtant ces baisses étaient bien prévisibles. Par exemple, pour les couples qui souhaitait un enfant ou un enfant supplémentaire, la situation, déjà aggravée par les forts rabotages de la politique familial du milieu des années 2010, est devenue encore plus difficile avec l’accentuation d’une politique malthusienne du logement, qui, en conséquence de différentes décisions, concerne aussi les collectivités territoriales.

Le solde naturel, donc la différence entre les naissances et les décès, se trouve fort affaibli et, depuis 2017, à ses niveaux les plus faibles depuis la Seconde Guerre Mondiale. Jusqu’à cette date, la croissance démographique de la population de la France métropolitaine a toujours été la conséquence d’un solde naturel supérieur au solde migratoire. Un effet de ciseaux se produit, le solde migratoire devient plus élevé que le solde naturel et le demeure depuis avec un écart qui s’est, en moyenne, accentué au fil des années.

Mais cette baisse des naissances n’est pas observée partout en France. Seuls deux départements de France métropolitaine voient leur nombre de naissances augmenter : la Lozère et la Creuse. 15 autres départements connaissent une faible baisse des naissances, souvent dans des départements à dominante rural. Ils ont dû bénéficier d’arrivées de ménages via des migrations internes dont certaines peuvent s’expliquer par un contexte de développement du télétravail et la recherche d’une qualité de vie différente de celles des métropoles, pour eux-mêmes et leurs enfants. A long terme, on pourrait donc assister à une recomposition du peuplement de la France.