« Analyser comment des apiculteurs, des éleveurs bovins, des céréaliers, des apiculteurs, des bergers et des fromagers, des hommes et des femmes, se frayent un chemin pour faire leur place ou faire face à des impasses techniques et économiques » (p.8), cet ouvrage étudie les processus de changement dans un contexte de crise climatique et identitaire du monde agricole.

Conflictualités. Déplacements, souffrance et négociations

La première partie traite des conflits d’usage de l’espace et des débats à propos de l’élevage.

Apiculteurs et agriculteurs, des relations entre interdépendance et arrangements locaux

Partant des inquiétudes face au déclin des pollinisateurs et de la mobilisation des apiculteurs, les auteurs mettent en lumière les conflits potentiels entre agriculteurs et apiculteurs. En zone l’élevage, là où les traitements des cultures sont moindres, la coexistence est plus facile, mais suppose des négociations pour le partage des espaces. Où les apiculteurs sont-ils autorisés à poser leurs ruches ? L’article repose sur de nombreuses citations d’apiculteurs.

Materner les veaux

Face à l’activisme anti-élevage, antispéciste, souvent très médiatique, des éleveurs, souvent en réseaux, initient des pratiques dans la gestion du troupeau, notamment en production sous le label Bio. Ces pratiques portent sur la gestion de la relation mère-veau (veau sous la mère, vache-nourrice de plusieurs veaux). Les auteurs décrivent ces pratiques innovantes, dans leur diversité, elles contribuent au bien-être animal.

L’élevage extensif face à la prédation

À partir d’entretien avec des éleveurs et des bergers dans les Alpes, et accessoirement en Aveyron et en Haute-Vienne, les auteurs mettent en évidence la détresse psychologique crée par la prédation du loup. Elle est mal évaluée et va au-delà de l’indemnisation des attaques et des mesures de protection des troupeaux.
En effet, même sans attaque, la présence du loup est omniprésente dans l’esprit des éleveurs et des bergers et contribue à une vulnérabilité certaine en matière de santé : anticipation, mise en place des mesures de protection, accroissement du travail y compris nocturne.
Les tâches professionnelles sont alourdies et l’anxiété latente pèse sur la vie familiale et sociale. Cette usure physique et psychologique est renforcée par la nécessité de coller à l’image de « durs au mal » de la profession. Le sens même de l’activité peut être remis en question : poids des tâches administratives en cas d’attaque, abandon de certains espaces trop exposés.

Expérimentations professionnelles et sociales. Des collectifs hétérogènes pour innover

Vendre en commun

Les auteurs analysent les démarches et les choix d’éleveurs bovins dans la mise en place de circuits courts, au sein d’un GIEEGroupement d’intérêt économique et environnemental dans le Morvan. Comment gérer les conflits potentiels dans un groupe entre rêves et réalités économiques ? Quelle aide attendre d’organismes externes pour faire face aux acteurs importants de la filière ?

Des initiatives collectives pour une meilleure valorisation du lait

Cet article repose sur deux études de cas en Bretagne : l’association « Mon Lait Petit Breton » et une unité de transformation à Belle-Île-en Mer.

Dans le premier cas, il s’agit de définir un cahier des charge pour produire, en agriculture conventionnelle, un lait de consommation pour sortir de la situation de vente à un transformateur (beurre et lait en poudre) très présent dans la région.

Le projet îlien vise à la création d’une unité de transformation, un projet à long terme soutenu par le CPIECentre permanent d’initiatives pour l’environnement, l’INRAE et la Chambre régionale d’agriculture. Ce projet territorial suppose de nouvelles compétences pour les agriculteurs et l’embauche d’un fromager.

Ces deux initiatives apportent plus d’autonomie aux éleveurs et un contact avec les consommateurs.

Lorsque l’expérimentation échoue : comprendre pourquoi les agriculteurs ne pouvaient pas s’engager

Nous sommes dans l’Yonne, 1 000 ha, une dizaine de céréaliers. L’expérimentation porte sur de nouvelles pratiques en matière de culture de colza, une culture emblématique de l’agriculture conventionnelle, mise en difficulté par un ravageur. L’autrice analyse les raisons de l’échec : expérimentation dans l’urgence, trop théorique, sans résultats rapides et découragement des agriculteurs.

Transition écologique et solidarité internationale

Un entretien avec Robin Villemaine du CCFD-Terre Solidaire nous transporte au Pérou. Il permet de découvrir les Plans de gestion territoriale co-construits par les communautés, les autorités locales et l’ONG. Ces plans visent à expérimenter un maraîchage sous serre en agroécologie tout en développant la démocratie participative.

Transmission ? Savoirs, places et métiers

Enseigner à produire autrement

Depuis 2014, enseigner à produire autrement est le défi de la formation des futurs agriculteurs. Peu accompagnés, les enseignants misent sur le développement de l’autonomie chez leurs élèves et apprentis. Les autrices montrent le flou dans la définition de l’agroécologie et de l’agriculture durable. Elles prennent appui sur un exemple de situation d’enseignement.

Céder et reprendre une ferme à l’heure des transitions

L’étude de cas porte sur quatre fermes. Elle pose la question du statut de l’exploitation, individuelle ou GAEC, du reprenant, enfant du cédant ou NIMANon issu du milieu agricole, en propriété, en fermage. Est aussi présenté un cas d’intervention de l’association Terre de liens qui rachète du foncier pour installer de nouveaux agriculteurs.

Apiculteurs, des autochtones de l’incertain

Souvent non issus du milieu agricole, les nouveaux apiculteurs sont souvent en projet de reconversion, facteur d’incertitude. L’étude montre l’importance de la transmission, au-delà des savoirs, du métier par un apiculteur expérimenté pour assurer le succès de l’installation.

Conclusion

Dans un monde incertain, dans le contexte du changement climatique, les auteurs retiennent trois idées :

  • l’usage concurrentiel des espaces est facteur de conflits. L’isolement des agriculteurs est un frein à l’installation et au renouvellement des techniques
  • le renforcement de la normalisation bureaucratique risque de menacer les initiatives du terrain
  • la territorialisation des questions écologiques devient un élément de la réflexion sur le devenir de l’agriculture ?