Chronique de Roncevaux, Tome 1, La légende de Roland. Avant même de commencer la lecture de ce premier tome ouvrant ce diptyque consacré à la Chanson de Roland, il m’apparaît nécessaire de commencer par l’essentiel : cette bande dessinée est tout simplement superbe. Il ne fait aucun doute, après avoir découvert la carte initiale et feuilleté les premières pages, que je ne pouvais faire autrement que de m’emparer de cette œuvre. Quelque soit le fond historique, la qualité des sources utilisées, et elles sont réelles, Juan Luis Landa nous propose tout d’abord un magnifique objet. Le dessin est réaliste, tout en permettant l’expression d’une pâte singulière. Les couleurs sont magistrales et certaines planches proposent des cadrages somptueux. Un pur bonheur pour les amateurs de B.D.

Plongeons-nous donc à la suite de Charlemagne et de ses guerriers dans cette œuvre pleine de fureur en devenir.

Synopsis

Un orgueil aveuglant – Un drame retentissant

778. Charlemagne, conquérant des royaumes germaniques, souhaite désormais s’établir comme véritable « Défenseur de la foi du Christ ». Face à l’Empire Islamique, il veut mettre en place une nouvelle ligne de front au sud des Pyrénées. Les troupes du plus puissant monarque que l’armée des Francs n’ait jamais connu se dirigent alors vers Saragosse dans le but de soumettre la grande ville du nord hispanique. Mais, trahi par les Sarrasins une fois sur place, la furie de Charlemagne le pousse à commettre l’erreur de sa vie.Chroniques de Roncevaux narre l’épopée de Charlemagne et de Roland en Hispanie. L’histoire d’une conquête aveugle et désastreuse qui connaît son point d’orgue au cœur de la dramatique bataille de Roncevaux. Celle qui fit de Roland une légende et inspira la plus importante chanson de geste de tous les temps : la Chanson de Roland.

Chroniques de Roncevaux, Tome 1 : et vint Charlemagne …

Juan Luis Landa nous embarque donc au VIIIe siècle, dans une chrétienté occidentale à la tête de laquelle Charlemagne, le futur empereur à la barbe fleurie, écrase, les unes après les autres, populations et cultures non chrétiennes, au plus profond des forêts germaniques. Le portrait dressé par l’auteur du Roi des Francs et des Lombards, Patricien romain et Protecteur de la Chrétienté, est extrêmement bien construit. Le personnage, froid, impitoyable, impose ses vues avec détermination, sous le regard d’une cour dévouée, mais aussi craintive. Dans ce tableau se dresse le personnage de Roland. Ce dernier est dépeint comme un guerrier, qui ne vit que par la guerre, pour la gloire et la renommée, assez fidèle en cela à la tradition.

 

La chronique d’une épopée en devenir …

La force du récit est d’installer petit à petit la longue marche vers le Sud, vers les terres musulmanes et la ville de Saragosse, dans un contexte global, mais sans jamais proposer réellement un cours magistral écrasant. Les détails historiques sont savamment distillés, au détour d’un dialogue, au détour, et c’est là une véritable force, d’une voix. C’est ainsi que le narrateur qui rédigea cette chronique, Angelo de Syracuse, accompagne le récit, un petit peu à la façon du chroniqueur des aventures de Conan le Barbare de Howard, et ce n’est pas pour me déplaire. Cette approche permet de nourrir la curiosité pour les faits, sans pour autant prendre le pas sur la construction des différents personnages, ce qui est très habile.

 

… servie par une maîtrise graphique de haut vol

Cette bande dessinée est d’abord celle d’une ambiance portée par la colorisation. À la torpeur d’Al Andalus, porté par une palette faite de jaunes et d’ocres, répond l’atmosphère brumeuse, froide et sordide des forêts saxonnes. Tout est ambiance, et l’on prend un réel plaisir à parcourir ces pages, sans même le texte, en se concentrant simplement sur les détails graphiques. Une B.D. réussie est à mes yeux une B.D. sur laquelle on revient, plusieurs fois. À n’en point douter celle-ci appartient cette catégorie, où l’on lit, où l’on flâne pour simplement profiter du travail graphique, où l’on s’attarde sur les détails qui nous avaient échappé lors d’une précédente lecture.

 

Voir Saragosse …

L’histoire de cette marche à travers les Pyrénées, après avoir été appelé par le seigneur Sulayman Ben Yaqzan Ibn Al-Arabi, pour rejoindre Saragosse et tenter d’installer la chrétienté au plus proche de la puissance de l’Émirat de Cordoue, repose sur un fond bien documenté. D’ailleurs de nombreux détails, il s’agisse des blasons, des plans Saragosse, des armes, les armures vont dans le sens d’un travail rigoureux et fort bien documenté. C’est assurément une excellente base pour travailler avec des élèves sur cet épisode, pourquoi pas avec le collègue de l’être, pour introduire La chanson de Roland dans le texte.

Mais, pour en revenir à la B.D., il y a dans cette représentation tous les atouts des grandes productions cinématographiques et télévisuelles. Comment ne pas penser par exemple, en voyant cet assaut initial contre la ville de Saragosse, cette prise d’un pont, à cet épisode de la série Vikings ? Il y a dans cette séquence, l’ombre de Rollo dans cet assaut téméraire de Roland.

Viking, saison 3, épisode 7

… et y revenir avec délectation en attendant la suite

La force des Chroniques de Roncevaux – Tome 1 est donc d’installer une ambiance parfaite, des personnages forts, servis par un récit extrêmement bien cette structuré et des planches de toute beauté. L’amateur d’histoire saura évidemment que nous enfonçons petit à petit vers le destin funeste de Roland, à Roncevaux. Chrétiens et Musulmans s’affrontent, mais le danger pourrait bien venir d’ailleurs, de ces Vascons humiliés. Mais, en attendant, ne boudons pas notre plaisir et n’hésitons pas à replonger dans ces pages lumineuses. Si le prix à payer pour un second album cette qualité est de devoir attendre un peu, je m’y plierai volontiers.