Jean-Pierre Duhard, gynécologue et anthropologue, n’est pas novice dans l’utilisation des témoignages. Il a déjà travaillé par deux fois sur ces sources, d’abord en utilisant les témoignages de ses parents (C’est long une vie pour se souvenir de tout. Roger et Germaine, 1900-1952, Paris : L’Harmattan, 2013) et ensuite ceux d’un médecin-lieutenant qui a vécu la drôle de guerre et la Bataille de France et d’un ancien goumier de Lyautey en 1922 au Maroc, captif dans un stalag durant la Seconde Guerre mondiale (C’était un semblant de guerre (1939-1945), Paris : L’Harmattan, 2014) Il a pour projet, dans ce livre en deux tomes, de raconter la vie des Français pendant la Seconde Guerre mondiale.
 M. Duhard, s’est attaché, à travers ces deux ouvrages, à rendre « un devoir de mémoire (…) à ceux dont l’histoire serait à jamais perdue, les pièces laissées, photos et autres, tombant dans les oubliettes du Temps. (tome 1, p. 7). Ses sources sont essentiellement constituées par la correspondance entre des prisonniers de guerre et leur famille, mais aussi des photos, trouvés dans les ventes aux enchères, les brocantes et sur internet (tome 2, p. 33).
Il a également effectué des recherches dans différentes archives (celles du Mémorial de Caen par exemple). L’auteur a également tenté de contacter les anciens prisonniers eux-mêmes – environ 300 – et leur famille.
Le travail réalisé est considérable.
Le tome 1 concerne les Français (au travers des lettres échangées avec « leur » prisonnier de guerre ») durant toute la durée de la guerre. Sont ainsi évoqués la drôle de guerre, la Bataille de France, l’exode, la vie quotidienne, le pétainisme, les violences, la Résistance, les débarquements, l’épuration, l’organisation Todt, le STO, les prisonniers transformés en civils… bref tout ce que l’on trouve dans le courrier des prisonniers. Le tome 2 concerne la vie des prisonniers : leur capture, les colis, l’importance de Noël, de la religion, des loisirs, les évasions, les décès, les femmes des prisonniers, leur retour…. Des précisions sur l’état sanitaire et la longévité des prisonniers – n’oublions pas que l’auteur est médecin – sont apportées dans le dernier chapitre. La même organisation régit tous les chapitres : Jean-Pierre Duhard apporte des précisions sur chaque thème et reproduit longuement les lettres des prisonniers et de leur famille. Il ajoute en annexe au tome 1 ce qu’il titre « ressources humaines » et qui sont en fait des fiches de présentation de tous les prisonniers de guerre, en indiquant à chaque fois les sources de sa documentation. L’annexe du tome 2 dresse la liste détaillée des camps de prisonniers de guerre, avec référence aux sites et blogs dédiés sur internet. Certains thèmes souvent délaissés sont ici richement traités, comme celui des prisonniers transformés ou bien celui des prisonniers rapatriés avant la fin de la guerre.
Quelques regrets cependant apparaissent à la lecture de ces deux ouvrages.
Certains thèmes n’apparaissent pas (par exemple la collaboration, même si celle des prisonniers membres des cercles Pétain est évoquée) mais l’on ne saurait en blâmer l’auteur, dépendant de ses sources. Une différence de caractères entre les documents cités (qui sont indiqués par des apostrophes) et les explications de Jean-Pierre Duhard, rendrait la lecture plus fluide et plus agréable. Mais surtout l’absence de bibliographie est gênante. Certes des archives, des blogs, des sites et des auteurs et leurs livres sont cités en bas de page. Ainsi Yves Durand, Sarah Fishman plus spécifiquement pour les prisonniers de guerre, Fabrice de Almeida et Fabrice Virgili sur la Seconde Guerre mondiale ont été utilisés. Mais ces quelques livres ne rendent pas compte de la richesse et du renouvellement de l’historiographie concernant cette période et les prisonniers de guerre.
L’intérêt de ces deux tomes résulte essentiellement dans les documents cités, qui constituent une source d’autant plus exploitable pour l’étude de la Seconde Guerre mondiale avec nos élèves que M. Duhard fournit les explications nécessaires et précises pour bien les comprendre et les mettre en perspective. Souvent, des lots de documents très cohérents permettent de suivre sur plusieurs années la vie, les inquiétudes, les espoirs d’une famille séparée par la captivité .