Un thème important des programmes scolaires
On sait que, quelles que soient les évolutions des programmes, la question de la colonisation et de la décolonisation reste présente à de nombreux niveaux d’enseignement. Les programmes se sont même enrichis de nouvelles thématiques, auparavant peu traitées comme celle de l’esclavage. Les auteurs commencent donc par un rapide tour des programmes. Il peut s’agir parfois de questions vives et c’est donc en étant bien formé que le professeur sera d’autant plus à l’aise dans son cours. L’ouvrage est structuré en cinq parties avec à chaque fois des mises au point et des propositions pédagogiques organisées en dossiers.
La Cliothèque propose sur Clio-lycée des pistes d’utilisation de cet ouvrage
Utiliser « Enseigner les colonisations et les décolonisations »
La colonisation dans la longue durée
Cette première partie structurée en trois chapitres a clairement pour objectif d’aider l’enseignant à mettre à jour ses connaissances sur les repères fondamentaux à connaitre en replaçant la question du XVI au XXème siècle. Chaque partie est clairement chapitrée pour aller à l’essentiel. Plusieurs cartes en couleurs permettent de suivre les évolutions spatiales majeures. A la veille de la guerre de 14 en tout cas « les grandes lignes des empires coloniaux de l’époque contemporaine sont fixées ».
Les multiples ressorts de la domination coloniale
A partir de cette deuxième partie, le livre propose, et c’est indéniablement un de ses points positifs, une approche qui permet d’allier les connaissances « traditionnelles » et les apports de la recherche historique récente. Comme le disent les auteurs dans l’introduction, « l’expérience coloniale ne peut se résumer en un affrontement entre dominants et dominés ». Il ne s’agit pas uniquement d’une question de violence physique, mais aussi de soumission économique. La violence initiale est rappelée à travers des exemples connus, mais aussi d’autres peut-être moins comme la destruction des Taïnos des Grandes Antilles au XV ème siècle. Parmi les points mis en évidence par les chercheurs, il y a l’importance de la police et de la justice avec les apports de thèses sur les polices coloniales. Dans le Congo belge des années 1930, on estime que près de 10 % de la population masculine se trouve incarcérée ! Parmi les autres sujets renouvelés se trouve l’étude du droit.
Un chapitre est consacré aux aspects économiques et revient notamment sur l’économie de plantation. Dès ce moment-là, les auteurs insistent aussi pour évoquer le fait que la colonisation pouvait avoir lieu et se perpétuer en s ‘appuyant sur certaines catégories sociales.
La colonisation au quotidien
Cette troisième partie creuse et élargit en quelque sorte le sillon en aidant à repenser la question à la lumière des travaux récents. Il s’agit de « tenter de percevoir l’expérience de la situation coloniale…dans sa diversité » et en ne se contentant pas de la vision des colonisateurs. Les auteurs précisent, par exemple, le rôle des villes qui constituèrent à la fois des « lieux de distinction, de mise en scène …mais aussi de contacts, de circulations et d’échanges entre colonisateurs et colonisés ». L’exemple de l’école est abordé en insistant sur son rôle ambigu. Moins connu, ce que les auteurs appellent les transferts au quotidien comme tout ce qui touche à la consommation, aux vêtements et loisirs. Parmi les documents sidérants, signalons celui du dossier 7 qui évoque le français tirailleur à travers le livre « le français tel que le parlent nos tirailleurs sénégalais ». Il s’agit d’une superposition entre une phrase énoncée en français et celle qui est à dire pour être compris par un tirailleur.
Mobilités et circulations inter/intra impériales
Le thème des circulations a renouvelé plusieurs questions comme les liens entre l’Europe et les futurs Etats-Unis au XVIIIème siècle. Il aide aussi à repenser la relation entre une métropole et sa colonie. Un chapitre s’intéresse aux migrants de toutes sortes et en tous sens. On peut signaler le passage consacré aux soldats et officiers avec la circulation continue de ces derniers tout au long de leur carrière. Il faut néanmoins bien distinguer entre les niveaux de soldat. Il faut aussi se souvenir que « l’espace colonial est un véritable laboratoire de la guerre moderne ». Les auteurs refont le point sur la question de la mortalité des troupes coloniales engagées dans les conflits mondiaux. Le thème se prolonge par l’impact des mondes coloniaux sur les métropoles. Parmi les éclairages nouveaux, il faut dire que « l’intérêt pour les ressources de la nature sous les tropiques a conduit à la constitution de jardins botaniques » très célèbres comme Kew Gardens.
Résistances, nationalismes et décolonisations
Ce dernier chapitre invite lui aussi à pratiquer la nuance et à éviter tout schématisme. Pour cela quelques points de vigilance, comme ne pas se focaliser uniquement sur les élites nationalistes, ne pas se limiter à l’apparente soudaineté des indépendances et se méfier donc de toute lecture téléologique de l’histoire. Un des aspects les plus intéressants est celui des résistances au quotidien. « Le jeu de regards ou d’évitement, le ton, la langue utilisée sont autant de façons de consentir à une relation de domination ou de la contester en sous-main. On peut aussi évoquer les informateurs locaux qui ne distillent que certaines informations choisies aux enquêteurs européens… ». Les auteurs retracent ensuite les processus indiens et algériens et un dernier chapitre est consacré aux « héritages et questions post-coloniaux ».
Les dossiers pédagogiques
Au nombre de quatorze, ils sont construits de la façon suivante. Tout d’abord des documents puis une rubrique s’intéresse aux « enjeux scientifiques et didactiques » et enfin on trouve quelques pistes pédagogiques. Tout en étant brèves, celles ci donnent des pistes concrètes et différenciées selon le niveau de classe dans lesquels les documents pourraient être utilisés. On pourra déplorer le fait que ces documents ne soient pas proposés en une version numérique comme le fait maintenant La Documentation photographique : une idée à creuser pour les prochaines publications. Parmi les thèmes des dossiers, citons « Vivre en ville en situation coloniale », « Le Français tirailleur » ou « L’indépendance de l’Inde ». On le voit, les thèmes proposés vont des grands attendus à des angles plus variés et plus particuliers.
Voici donc un ouvrage de référence pour le professeur qui allie mise au point scientifique de grande qualité et mise à disposition de documents et de dossiers sur des angles attendus et originaux à la fois. Il a donc toute sa place dans une bibliothèque personnelle ou pour le laboratoire d’histoire d’une équipe. Il est prolongé par un article sur Cliolycée.
Le livre existe en format pdf au prix de 8 euros.
Pour voir un extrait, c’est ici.
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes