Travaillant au sein d’un groupe intersites de l’UMR Espace (Aix-Marseille, Avignon, Nice), les huit auteurs de ces contributions nous invitent à découvrir les tenants et les aboutissants d’une « espèce d’espace » à part entière, l’interface.
Nombre de dualismes sont mobilisés pour tenter de la définir : elle crée la rupture et l’échange, elle facilite ou elle bloque le contact, crée des régulations entre des causes et des effets…Les interfaces sont également datées, possèdent un certain héritage (cas des frontières) mais également un cycle de vie.
Jean-Paul Ferrier engage le débat sur le vaste domaine de l’interface nature-culture, un de ses dix géoconcepts, qu’il préfère à celle de nature-société puisque la société appartient tant à la nature qu’à la culture. Appelant Heidegger pour rendre central l’un de ses thèmes de prédilection « l’habitation durable des territoires », Ferrier ouvre sur une construction ternaire de l’interface structurée autour d’un ordre, d’une hiérarchie et d’une organisation.
En second exemple sur le thème de la nature, Corinne Lampin-Maillet montre à l’aide de l’interface habitat-forêt que la coupure traditionnelle urbain-rural n’a pas sa raison d’être vu l’imbrication des deux mondes. Fournir une réponse aux incendies est ici l’enjeu essentiel, d’autant qu’on rappelle que 95 % des départ de feux sont d’origine anthropique.
De manière générale, les chercheurs s’entendent sur une méthodologie basée sur quatre fonctions de l’interface : attracteur, sélecteur, adaptateur, commutateur.
Paul Allard tente de valider ces constructions sur l’étude historique du Rhône. Attracteur de flux, sélecteur de courants commerciaux, adaptateur par la mise en place d’un service de mariniers, commutateur comme lien entre les régions traversées. On comprend mieux les héritages du passé et les blocages administratifs actuels comme freins à l’aménagement.
Sans détailler ces quatre fonctions sur les communications suivantes, on peut également saisir qu’un terrain d’étude peut prendre différentes formes d’interfaces : terre-mer, intérieur-littoral, Antipolis-Nice ou Provence-Ligurie comme en témoigne le cas de Cagnes sur Mer analysé par Isabelle Mor.
Les réseaux de transports trouvent également appui sur ces modèles. Pour Laurent Chapelon, l’intermodalité permet de gérer la pollution atmosphérique et la congestion routière pour apporter développement économique et désenclavement (cas de la gare ferroviaire de Nîmes). Pour Giovanni Fusco, l’interface permet aussi de saisir les atouts et faiblesses des nœuds urbains d’un littoral par rapport aux centralités périphériques émergentes d’un réseau autoroutier (cas du fonctionnement métropolitain intégré des deux rivieras).
L’interface trouve enfin des terrains d’étude à échelle mondiale. Sylvie Cristofle montre que le tourisme de réunions et de congrès international (TRCI) a ses interfaces inter et intra-réseaux mais, là encore, réseaux-territoires et que les palais des congrès internationaux sont eux de véritables interfaces pivots davantage situés dans des métropoles secondaires. Pour clore l’ouvrage, Sandra Pérez expose à l’aide de l’exemple France-Italie, trois domaines d’application de l’interface sanitaire : celui de la coopération transfrontalière, celui du tourisme sanitaire et enfin celui des crises.
Une bonne invitation à la réflexion conceptuelle sur un outil en progression pour une nouvelle « géographie active portant sur des questions sensibles des territoires » (Ferrier). Une lecture assez difficile cependant et beaucoup d’autoréférences, remarque logique au vu de l’aspect novateur de l’ouvrage.