Cet ouvrage important montre comment les migrations internationales sont devenues un enjeu mondial, quelles sont les évolutions introduites dans l’exercice de la souveraineté par les migrations, comment la citoyenneté est-elle revisitée par celles-ci, et enfin quels peuvent être les contours d’une diplomatie des migrations. Cette série de communications sera donc très utile pour traiter les questions qui touchent aux mobilités dans le cadre de la mondialisation.

En effet, depuis les années 1980, la seconde grande vague de migrations de la période contemporaine a représenté 214 millions de migrants internationaux et 740 millions de migrants internes en 2009. Elle est beaucoup plus importante que la première vague se situant entre 1880 et 1930.

Les migrations font aujourd’hui partie de la texture sociale des relations internationales et elles suscitent une intense activité internationale (sommets, traités, accords, pactes), parce qu’elles sont source de conflits dans un monde de plus en plus interdépendant.

LES MIGRATIONS INTERNATIONALES, UN ENJEU MONDIAL

Les migrations apparaissent comme une révélateur de la mondialisation. Les défis mondiaux, politiques, économiques, démographiques, culturels, environnementaux, témoignent des inégalités d’un monde pourtant de plus en plus interdépendant et se retrouvent dans ces migrations. On parle aujourd’hui, et sans doute encore plus dans le futur de réfugiés, donc de migrants, climatiques. La mobilité a pu déstabiliser des états. Que l’on pense par exemple à la Jordanie et au Liban avec les Palestiniens. Le Droit au retour de ces mêmes palestiniens serait vécu comme fatal à l’État hébreu.

Les auteurs qualifient pourtant le nomadisme et la circulation migratoire de figures de l’hypermodernité. Et cela est vrai dans les pays les plus développés comme les autres.
Les phénomènes migratoires contribuent à modifier les identités. Dès lors que les migrations atteignent un seuil limite, l’intégration entre en crise, des termes comme le multiculturalisme, les discriminations positives ou le codéveloppement vieillissent, laissant la place au cosmopolitisme, au transnationalisme, aux politiques diasporiques des États de départ et à la gouvernance multilatérale.
Mais dans la mesure où les États ne s’accordent pas forcément, cela ne semble pas évident à mettre en œuvre.

La mondialisation et la régionalisation des migrations dans un monde interdépendant

Si les migrations se sont mondialisées en ce début du XXIe siècle, avec 214 millions de migrants internationaux en 2009, il n’en reste pas moins que les réponses restent encore largement nationales.
Le rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) de 2009 souligne que la mobilité est un facteur essentiel du développement humain. Toutefois, les migrations sont souvent sévèrement contrôlées, les sédentaires ont généralement plus de droits que ceux qui circulent et les deux tiers de la population de la planète n’ont pas le droit de circuler librement.

Le déséquilibre Nord Sud existe largement dans ce domaine. Les migrations sont inégalement réparties de par le monde, avec 62 millions de migrations Sud-Nord, 61 millions de migrations Sud-Sud, 53 millions de migrations Nord-Nord, 14 millions de migrations Nord-Sud, le reste étant constitué par des migrations Est-Ouest et, plus rarement, Ouest-Est.
En vingt ans, on a assisté à la mondialisation des flux migratoires, à leur régionalisation en systèmes migratoires complexes de départ et d’arrivée, à la globalisation des facteurs de départ et des enjeux qu’ils soulèvent, à la recomposition et à la transgression des frontières par des réseaux transnationaux diasporiques, entrepreneuriaux, familiaux, culturels et mafieux.

Les profils de migrants et de réfugiés se sont diversifiés, leur différenciation devenant plus floue, de même que les catégorisations entre pays de départ, d’accueil et de transit. Le migrant lui-même, au cours de sa vie, peut avoir successivement une multiplicité de statuts, une situation impensable à l’époque où le dissident soviétique, réfugié idéal-typique de la guerre froide, était loin d’être le profil type du travailleur manuel.

Les migrants modifient dans certains cas l’ordre politique interne des pays d’accueil. Les questions de sécurité et de diplomatie qu’ils soulèvent et la citoyenneté, faite de doubles-nationaux aux identités et aux allégeances multiples et parfois redoutées, est repensée et interrogée sur le vivre ensemble, la diversité et l’ethnicisation de la nation.
Cela pose le problème de la définition des identités, nationales notamment.

Les pays de départ, absents de la scène internationale dans le passé, commencent à mener une diplomatie des migrations. On retrouve cette situation dans des pays africains.

Les migrations internationales remettent en cause les deux piliers du système international que sont la souveraineté (l’État) et la citoyenneté (la nation). L’immigration interroge la souveraineté nationale par la remise en cause de la notion de frontière qui, à l’échelon européen, s’exerce à distance. Au niveau mondial, elle s’est démultipliée avec des modes de gestion les plus divers.

L’immigration questionne aussi la citoyenneté, d’abord parce qu’elle contribue avec le droit de vote des étrangers à l’échelon local ou dans leurs pays d’origine à dissocier la citoyenneté de la nationalité, ensuite parce qu’elle y introduit de nouvelles valeurs se situant au-delà du cadre national, dans le registre des droits de l’homme ou des pratiques qui correspondent à une réalité évolutive (allégeances multiples, mixité de la définition de la communauté politique, double nationalité) ; enfin parce qu’elle fait émerger de nouvelles catégories du politique, fondées sur l’ethnicité ou le religieux et propose de nouvelles formes de mobilisation centrées sur le droit d’avoir des droits, avec les sans-papiers.

Au final, cet ouvrage pose de très nombreuses questions qui sont autant de défis pour les sociétés contemporaines. Les migrations ne sont pas seulement un « problème » de pays d’accueil mais, par les mutations qu’elles entraînent dans les pays émetteurs et récepteurs, contribuent à modifier notre perception du monde.

Bruno Modica