En 2008, les enseignants ont vu apparaître dans les programmes de Sixième un nouveau concept : L’ « habiter », remplaçant celui de Paysage. Il faut attendre 2014 pour que la Documentation photographique l’inscrive dans ses thématiques, dans le contexte scientifique du FIG. Jusque là, Les Clionautes (cités en bibliographie) avaient comblé cette carence en proposant des séquences en ligne : http://college.clionautes.org
La Documentation photographique a confié à Olivier Lazzarotti, le géographe du tourisme et de l’ « habiter » la responsabilité de ce numéro. Il revient dans « Le point sur » sur la genèse de ce concept. Si l’ « habiter » vise à « accéder, par la géographie, aux processus identitaires et sociaux de l’humanité habitante. » (p.3), il faut voir derrière ce concept englobant et particulièrement riche le tronc commun aux différentes branches de la géographie apparues depuis les années 1980. Inspiré de la philosophie pragmatique et de la sociologie, l’ « Habiter » dépasse le strict cadre de l’individu, en intégrant les groupes. « Habiter, c’est cohabiter » (p. 8) « comment être soi parmi les autres » (p. 15). Sont interrogées ainsi « les modalités des rapports au Monde, mobilités et immobilités combinées. » (p. 8). L’habitat, au sens strict, étudié par les géographes de l’école classique, n’est qu’un objet de l’ « habiter ». Désormais, les géographes s’accordent à reconnaître que peuvent être habiter des lieux occupés temporairement (dans le cadre de séjours de vacances) ou mobiles (habiter le Paris-Rouen). Mais, « habiter n’est pas seulement pratiquer. C’est aussi trouver les mots, les images, les sons tout autant que les représentations et les inconscients de toutes sortes, qui accompagnent les pratiques. » (p. 11). « Cartes d’identités », « signatures géographiques » (Lazzarotti, 2006) sont les témoins d’un habitat polytopique (Stock, 2006) réel comme imaginaire.
Cette entrée en matière très épistémologique peut sembler assez abrupte pour qui a inscrit cette lecture à son programme d’été. Toutefois, il n’est pas à douter qu’une relecture de cette première partie sera très fructueuse, à la lumière des thématiques exploitées dans la seconde partie de l’ouvrage. De nombreux documents ont retenu notre attention, tel le parcours illustré de cinq migrants entre Kaboul et Paris, la carte « Les Hallyday, des multirésidents » réalisés à partir du compte instagram de Laetitia Hallyday, la combinaison documentaire sur les « SDF, des habitants sans adresse ? », sur les lieux commerciaux tels que La Vallée Village à Marne-La-Vallée, pour n’en citer que quelques-uns. Les analyses des doubles-pages portant sur des lieux touristiques sont particulièrement riches. L’analyse qu’Olivier Lazzarotti fait de la place Jemaa El-Fna à Marrakech est délicieuse. Partant de la définition d’un lieu de Roger Brunet (« point de l’étendue »), il montre à quel point un lieu ne se réduit pas au local. « (…) Pour saisir sa richesse, son intensité et sa diversité, pour comprendre même ce qui s’y passe, il faut la considérer à la manière d’un espace géographique habité et l’interpréter à partir des horizons, des qualités et des pratiques des habitants qui s’y trouvent. (…) Non, décidément non, l’espace habité géographique n’est pas une surface. » (p. 32).
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes