La publication annuelle du gros volume de la revue Dix-huitième siècle est toujours attendue avec impatience. Le millésime 2009 ne décevra ni les spécialistes ni les curieux. Sur les quelque 820 pages que contient ce numéro, près de 120 sont constituées de « notes de lectures » (p. 695-812), permettant au lecteur de se retrouver dans les dernières parutions relatives au XVIIIe siècle (études critiques, revues et fascicules, éditions de textes, histoire, histoire des sciences, littératures, art et musicologie). On ne le dira jamais assez : la vitalité d’une revue se lit aussi – et peut-être même d’abord ! – à la vitalité de sa rubrique de comptes rendus critiques.

Plus de 300 pages de la revue (p. 343-694) sont occupées par des articles regroupés autour de thèmes divers. On peut signaler notamment les communications de Renan Larue et de Marie-Laure Delmas sur la question de l’« histoire du corps ». Le premier s’intéresse au Traité des dispenses du carême (1709) du médecin Philippe Hecquet (1661-1737). Il voit dans cet ouvrage « une patiente démonstration de la supériorité du maigre sur le gras » (p. 416) et dans son auteur « l’apôtre solitaire et boudé du végétarisme » (p. 429). La seconde envisage « le regard des Lumières sur les eunuques » (p. 431 et suivantes). Trois articles traitent de Diderot et de L’Encyclopédie. Signalons spécialement celui de Luigi Delia, « Crime et châtiment dans L’Encyclopédie : les enjeux de l’interprétation de Montesquieu par de Jaucourt » (p. 469-486).

Cinq autres rubriques composent ces varia : « ouvertures européennes », « rhétorique », « morale », « autour de Sade », « correspondance de l’étranger ». On se réjouira à la lecture de brillantes et érudites démonstrations, notamment celles que présentent Catherine Volpilhac-Auger (« De vous à toi : tutoiement et vouvoiement dans les traductions au XVIIIe siècle », p. 553-566) et Bénédicte Obitz (« Le plaideur et l’épistolier : statut et fonction des lettres dans les Mémoires judiciaires de Beaumarchais », p. 557-583).

La première partie de la revue (p. 5-338) est consacrée à un dossier dont l’actualité ne manquera pas de frapper les lecteurs. L’objet se résume au titre de l’avant-propos signé par Yves Citton et Laurent Loty : « penser ensemble [sic] les rapports entre individus et communautés à l’époque des Lumières ». Prenant la forme originale d’un petit dictionnaire (« divorce », « fraternité », « isolement », « public », etc.), ce dossier est traversé par les questionnements actuels sur le communautarisme et l’individualisme (p. 7). «Le XVIIIe siècle est-il « une période où l’on se détache des communautés traditionnelles ?», s’interrogent les auteurs (p. 8). Si les enjeux posés dans l’introduction sont larges et adossés à une bibliographie précise, on peut regretter que les coordonnateurs n’aient pas cru bon de rédiger de conclusion, ce qui aurait donné une plus grande cohérence au dossier.
Ce faisant, on naviguera avec plaisir du Serment du jeu de paume de David, dont l’inachèvement paraît « emblématique » (Laurent Loty, p. 27 et suivantes), au point de vue des « conteuses utopistes » (Marie-France Bosquet, p. 319 et suivantes). Il serait trop long de présenter le détail de ces contributions. On se contentera d’en signaler quelques-unes, parmi les plus stimulantes : celle de Charles T. Wolfe, « Essaim. Organisation ou organisme ? L’individuation organique selon le vitalisme montpelliérain [en référence à l’école médicale de Montpellier] », p. 99-119 ; celle de Jean-François Perrin, « Métempsycose [doctrine de la transmigration des âmes]. Soi-même comme une multitude : le cas du récit à métempsycose au XVIIIe siècle », p. 169-186 ; ou encore, celle de Martial Poirson, « Public. Multitude en rumeur : des suffrages du public aux assises du spectateur », p. 223-247.
Pour le reste, on ne peut que renvoyer le lecteur aux riches textes qui composent ce numéro : http://sfeds.ish-lyon.cnrs.fr/publi….

Luc Daireaux