Dans cet ouvrage, Christophe Dutrône choisit de se consacrer à la période de la fin du Reich à travers les archives de l’époque. Le livre est structuré en quatre parties, à savoir automne 1944, la veillée d’armes, puis l’attaque des marches germaniques, et enfin la rupture des digues et l’apocalypse. Rappelons à titre d’exemple qu‘à l’automne 1944, l’armée allemande vient de perdre 350 000 hommes au terme de la bataille de Normandie et se trouve réduite à 540 000 combattants sur le front ouest.

Des photographies, mais pas seulement

L’ouvrage n’offre cependant pas que des clichés, mais aussi des extraits de témoignages. Il donne une bibliographie sommaire pour ceux qui veulent en savoir davantage. Dans chaque partie, un texte précise les éléments de référence à connaître pour bien comprendre la situation. Il y a également des cartes de repérage. On trouve également quelques portraits comme celui de Goebbels ou Bormann. Chaque photographie est accompagnée d’un commentaire de quelques lignes. La réalisation de l’ensemble est soignée avec un fond noir sur lequel les documents se détachent bien. Le format de l’ouvrage permet une bonne lisibilité.

Images inédites, c’est-à-dire ?

On pourra relever cependant, et sans transformer l’ouvrage en profondeur, qu’on aurait aimé en savoir plus sur le sous-titre accrocheur du livre, à savoir images inédites. Inédites pourquoi ? Si on observe les clichés, on peut remonter la piste en trouvant souvent en référence Nara. Il s’agit de National Archives and Records Administration qui a évidemment un site internet. On pourra d’ailleurs signaler une partie dédiée aux professeurs qui est une véritable mine avec des photographies, mais aussi des vidéos. L’intérêt du site va au-delà de l’époque de la guerre. En tout cas, l’utilisation de cet adjectif inédit aurait mérité quelques explications.

Automne 1944 la veillée d’armes

En cette fin de guerre, l’Allemagne nazie est en difficulté, d’où la mise sur pied du Volkssturm, sorte de garde nationale avec de jeunes garçons et des hommes âgés. Un développement conséquent est consacré aux « armes miracles du III eme Reich ». L’auteur rappelle qu’Hitler n’ « a jamais cru à la bombe atomique dont il jugeait que le temps de conception serait trop long ». Il souligne aussi combien Hitler a interféré dans les décisions d’équipement. Il s’est notamment opposé à ce que Christophe Detrône qualifie de projet pionnier avec le fusil d’assaut le « Sturmgewehr » considéré par certains comme l’ancêtre de la Kalachnikov. La photographie de la page 22 peut être utilisée pour faire comprendre le problème des troupes et du matériel disponibles pour le Reich. Elle représente un combattant âgé muni d’un fusil d’un autre temps.
Un des paradoxes de l’ouvrage c’est qu’il est consacré aux archives photos et, en même temps, il livre de très nombreux extraits de journaux ou de témoignages, ce qui fait une articulation intéressante. C’est le cas par exemple à la page 39 avec le lieutenant Woollcombe qui décrit la vie quotidienne de son bataillon qui occupe en décembre 1944 la ville de Blerick située sur la rive hollandaise du Rhin face à la frontière allemande.

L’attaque des marches germaniques

Christophe Detrône évoque des épisodes parfois peu connus comme le massacre de Nemmersdorf à la page 47. Des civils de ce village de Prusse ont été massacrés par les troupes soviétiques. Dans cette partie également, il existe plusieurs témoignages intéressants comme à la page 66 à propos de décembre 1944. On apprendra peut-être l’utilisation du mot « Krauts », terme péjoratif employé par les Américains pour désigner les Allemands, un peu comme Boche en France. Ces extraits permettent aussi d’offrir une histoire un peu moins linéaire, car le lieutenant britannique Bellamy raconte la résistance des soldats allemands au début de l’année 1945.
La photographie de la page 50 51 permet de mesurer l’importance de la propagande au temps de l’Allemagne nazie. Le cliché de la page 61 témoigne à sa façon de la victoire contre le nazisme avec ces soldats qui font rouler l’emblème métallique du parti.

La rupture des digues

A Berlin, on assiste à une arrivée de 40 à 50 000 réfugiés par jour après de nouvelles défaites. L’auteur s’arrête sur l’épisode du pont de Remagen, popularisé par un film en 1969. A la page 121, on a un cliché de soldats anglais avançant dans la banlieue de Clèves. Signalons également les témoignages du caporal allemand Tillery, âgé de 19 ans. Il dit par exemple : «  Plus nous avançons, plus les tirs de mitrailleuses s’intensifient. Des balles explosives volent en tous sens. Ce n’est que plus tard que nous découvrons leurs horribles effets. »

L’Apocalypse

La fin de la guerre approche et la question des réfugiés devient encore plus criante avec 1 250 000 réfugiés venus des provinces de l’Est vers l’Allemagne. L’auteur consacre un focus à Hitler intitulé « un malade à la tête du 3 ème Reich ». A la page 174, on a une photographie avec deux Gi’s qui posent pour une photo souvenir devant les ruines d’Ulm. Relevons aussi des extraits du témoignage d’André Meunier qui décrit l’entrée en territoire allemand. 2 800 000 combattants de la Wehrmacht sont tombés aux maison de l’Armée rouge et connurent un sort très rude. Un million sont morts en captivité, certains sont libérés en 1949 et d’autres en 1956. Sur cette dernière partie, on trouve forcément quelques images très dures comme celle de la page 215 avec l’enlèvement des corps des déportés morts du typhus au moment de la libération du camp de Bergen Belsen.

C’est donc un ouvrage qui se consacre à une partie réduite, mais décisive, de la Seconde Guerre mondiale. Il se révèle assez paradoxal, car il y a des clichés inédits, mais finalement on prend presque plus d’intérêt à lire les extraits de témoignages insérés dans le livre. C’est plutôt un ouvrage à réserver aux passionnés de la période. Pour découvrir quelques images du livres, c’est ici.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes.