Au moment où les professeurs reçoivent les manuels de géographie de première, avec cette question sur la France qui reste dans le programme, la parution de cet ouvrage dans une collection de tous les titres ont été présentée sur La Cliothèque apparaît comme tout à fait bienvenue. Les qualités de la collection ont déjà été soulignées, notamment la clarté dans l’organisation des chapitres, l’originalité des cartes et des croquis, et la clarté de la mise en page.
Cet ouvrage s’adresse principalement aux candidats au CAPES et à l’agrégation, mais il peut concerner les décideurs politiques ou plutôt leurs conseillers, en permettant de disposer d’une vision synthétique et précise sur les grands enjeux de l’aménagement du territoire. Cet ouvrage est sans doute l’un des premiers à véritablement avoir intégré les conséquences territoriales des lois de décentralisation qui ont commencé à être mises en oeuvre il y a près de 30 ans.
Le premier chapitre traitant des dynamiques du territoire français entre héritage nouvelle fracture est incontestablement une très bonne synthèse des évolutions en cours. De façon paradoxale, si l’on peut considérer que les grands déséquilibres territoriaux traditionnels se sont atténués, si le clivage selon la ligne Le Havre Marseille est devenu moins perceptible, il n’en reste pas moins que certaines fractures au sein du territoire se sont accentuées.
Modification des perceptions
L’influence croissante des grandes villes de province semble avoir remis en cause l’hégémonie parisienne qui résiste toutefois. En 30 ans et équilibrages du territoire national s’est opéré. Les façades atlantiques et méditerranéennes ont connu un développement rapide mais il n’est pas pour autant homogène. Entre les métropoles régionales qui se sont affirmées, certaines villes moyennes qui commencent ou qui poursuivent une croissance spectaculaire, il peut exister des zones d’ombre, des villes qui, pour diverses raisons, ne parviennent pas à décoller. Certaines positions sont pourtant privilégiées, mais elles ne suffisent pas à favoriser le développement. C’est le cas de Perpignan dont la position frontalière ne semble pas suffisamment mise en valeur, c’est le cas de Béziers qui ne parvient pas à résoudre le double problème de l’attractivité de Montpellier et du développement rapide de la ville de Narbonne.
Les lois de décentralisation ont pourtant donné une large autonomie aux exécutifs départementaux et régionaux, mais celles-ci ont pu générer des effets pervers en favorisant des féodalités locales, aux intérêts contradictoires.
L’effet frontalier semble joué de façon beaucoup plus positive au nord et à l’est, grâce à la reconversion des vieux espaces industriels. Le processus d’urbanisation se poursuit toujours, il s’organise à partir des axes routiers et contribue à l’essor des mobilités. Toutefois, le moteur du développement dans de nombreuses régions reste l’économie résidentielle, qui s’appuie tout de même sur des transferts, comme les aides sociales et les pensions. Les transferts publics ont des conséquences de plus en plus visibles sur les disparités territoriales.
Small is beautiful
La géographie des espaces productifs est profondément renouvelés. Les territoires productifs gagnants seront ceux qui se sont adaptés aux contraintes de la mondialisation, mais il n’en reste pas moins extrêmement vulnérable aux évolutions de la conjoncture. Plus que les grandes entreprises, ce sont les temps ce réseau de petites et moyennes industries innovantes dans les districts industriels ou dans le parc technologique, qui pourraient favoriser un processus de réindustrialisation.
Cette évolution génère un décalage croissant entre les métropoles le reste du pays. Le projet de réforme territoriale votée par le parlement en décembre 2010 s’inscrit d’ailleurs dans cette logique avec le prise en compte du phénomène de métropolisation. Mais les auteurs font remarquer avec juste raison, que dans cette métropolisation c’est une ville à trois vitesses qui se dessine.
Le deuxième chapitre traite de l’insertion de la France en Europe et dans le monde, en rappelant la place de la France dans la compétitivité mondiale. Les faiblesses en matière de recherche-développement et d’enseignements supérieurs sont soulignées et l’on présente comme solution pour pallier ce handicap l’opération campus et la création des 12 pôles d’excellence universitaire. L’examen de la carte montre d’ailleurs une forme de diagonale du vide qui partirait de l’axe rhodanien jusqu’au Finistère.
Pour ce qui relève du développement durable, et de l’aménagement du territoire dont les acteurs et les enjeux ont été renouvelés, autant de thèmes traités dans le chapitre trois et quatre, les auteurs soulignent la prise en compte dans le projet de l’échelon local. Cette modestie peut se révéler positive à certains égards mais elle peut dissimuler un certain manque d’ambition, et surtout favoriser la fragmentation des projets, et une envolée des coûts de fonctionnement par l’absence d’économies d’échelle. En matière de développement durable, le principe du Grenelle de l’environnement sont évoqués, aussi bien dans le domaine agricole qu’en matière d’urbanisation. Dans le domaine des transports urbains, il semble évident qu’un effort de redensification des périphéries des métropoles s’impose. Mais cela suppose la mise en place de systèmes de transport en commun qui limitent l’immigration pendulaire entre les villages dortoirs et la ville.
Synthèse très classique des réflexions sur le territoire, cet ouvrage est enrichi par de très nombreux encadrés qui peuvent servir de référence à la réflexion, à la prise de décision ou plus prosaïquement à la construction d’un cours. Les derniers chapitres consacré aux littoraux maritimes et à la montagne française apparaissent comme particulièrement originaux. En matière de diversité des littoraux il y aurait tout de même quelques remarques sur le traitement à notre sens trop schématique des côtes Aquitaine et languedocienne. Pour la montagne, on appréciera l’intérêt de certains croquis, notamment sur les évolutions des stations, et sur les politiques de protection de l’environnement.
L’ouvrage s’achève par une présentation de l’outre-mer français qui ne comprend pas, ce qui peut paraître surprenant, d’analyse des mouvements sociaux de grande ampleur qui s’y sont déroulés, pendant l’hiver 2009.
On appréciera dans cet ouvrage le très précieux index des sigles et abréviations, tant les organismes en charge de l’aménagement du territoire ont pu générer d’acronymes exotiques, qui obligent très souvent à s’y référer.
Bruno Modica