Textes et images : un mariage pas vraiment réussi
La collection juxtapose comme toujours des dessins et du texte, ainsi qu’un certain nombre d’encarts.
Le lien n’est pas toujours convaincant comme ce texte de la page 9 où le personnage qui parle de l’invasion de l’Irak en 2003 bafouille en confondant « nous allons piller, non sauver le peuple irakien ». Certes, on peut dire qu’il est délicat d’entrer dans des détails complexes mais ce propos définitif apporte peu.
Page 17, l’auteur évoque l’évolution sémantique qui fait qu’on parle aujourd’hui « d’opérations de maintien de l’ordre » plutôt que de guerre. La mise en perspective critique, si tel est bien le cas, est faite par un dessin en trois cases où un personnage dévoile un tableau où il est écrit guerre = caca boudin puis dans une deuxième case il dit « nous avons réfléchi pour trouver une solution à ce problème de popularité » (et donc pour ne pas prononcer le mot guerre), pour enfin dévoiler l’expression « opérations de maintien de l’ordre » en précisant qu’ainsi « les gens ne se rappelleront jamais » qu’il s’agit d’une guerre. Le militaire représenté sur le dessin transpire devant cette assertion, et nous aussi. A la lecture, ce dessin ne convainc pas vraiment non plus les enfants dans son aspect réducteur.
Le sujet de la guerre se prête finalement assez mal à ce rapport texte et dessin, hésitant entre la simple illustration ou la tentative d’humour comme lorsque l’on voit un terroriste exiger, alors qu’il a deux prisonniers bâillonnés, « des otages plus célèbres pour augmenter la rançon ».
Une construction chaotique
Traiter de la guerre comporte également le risque d’avoir des propos très généraux. Le livre n’évite ainsi pas toujours les redites : ainsi page 8, « les causes des guerres sont presque toujours les mêmes : …l’eau, la soif de pouvoir », ou encore page 10 « les motifs pour engager un conflit n’ont jamais manqué : accéder à un point d’eau, ..conquérir une nouvelle terre ».
On pourrait aussi imaginer une meilleure organisation des faits essentiels. Ainsi, lorsque les auteurs parlent la première fois de la première guerre mondiale, on ne trouve pas le chiffre de morts : il faut attendre la page 48 pour l’avoir. A la page 6, la bataille d’Alésia est annoncée comme une guerre « moderne », mais sans vraiment de réponse dans le texte qui suit pour comprendre l’utilisation de cet adjectif. A la page 23, Aqmi est évoqué sans définition. Le bilan de la guerre d’Algérie pourrait, lui aussi, être précisé pour savoir comment se répartissent les « centaines de milliers de victimes ». Page 27, le livre parle de 85 000 civils tués avec les deux bombes atomiques et page 21 de 70 000 personnes ? Page 38, le Rwanda fait plus d’un million de morts chez les Tutsis et deux pages avant 800 000 ! Il serait tout de même préférable, soit de s’en tenir au même chiffre, soit d’afficher une fourchette.
Le livre se conclut par un quizz, mais il est souvent tellement binaire que cela en devient peu intéressant. Page 65, un paragraphe s’intitule « défendre la paix » avec des propositions qui vont de « visiter un musée » à « éviter d’exclure un copain de ta classe ».
Des informations contestables ou lacunaires
A la page 9, il est écrit » la première guerre mondiale est le résultat d’une rivalité sur les territoires des colonies entre états européens » : cette affirmation est pour le moins surprenante, voire plus, en terme de causalités historiques. Et cela continue page 13 : « cette guerre de positions … sera très dure pour eux, à cause des risques d’éboulement, des rats et de la pluie » : ce n’est peut être pas la première chose sur lequel il est bon d’insister lorsqu’on évoque les conditions de vie des Poilus !
L’organisation à l’intérieur d’une page est parfois étrange car sur les conséquences des combats on commence par Guantanamo avant de revenir à la Croix Rouge ! Aux pages 38 et 39, sont évoqués les génocides pour lesquels un bilan chiffré est donné à chaque fois …sauf pour l’arménien : pourquoi ?
Des points intéressants, …. parfois
Pourtant, et il est juste de le reconnaître, quelques éclairages sont d’une toute autre facture. Il est effectivement parlant de dire qu’un million d’enfants français ont perdu leur père pendant la première guerre mondiale. Il est intéressant aussi de souligner l’importance des camps de réfugiés comme à la page 37. Dans le contexte actuel, il est important d’évoquer le rôle des reporters de guerre (page 43).
Les auteurs relèvent également que depuis les vingt dernières années, le nombre de guerres s’est réduit de 40 %. Aux pages 54-55, sept musées de la guerre et de la paix sont rapidement présentés.
Au total, voici un livre un peu étrange avec quelques passages clairement agaçants, une mise en images peu inspirée, et parfois quelques portes ouvertes intéressantes.
Cette collection « à petits pas », que l’on apprécie généralement, livre en tout cas ici un nouvel opus pas vraiment convaincant.
© Jean-Pierre Costille, avec l’aide de Clara, Clionautes.