A l’heure où l’Observatoire de la Vie étudiante publie les résultats de sa grande enquête triennale, la lecture de l’ouvrage Vincenzo Cicchelli permet de réfléchir à la complexe question de l’autonomie des jeunes. Vincenzo Cicchelli, maître de conférences en sociologie à Paris Descartes, étudie ici le sujet sous l’angle d’une comparaison européenne.

Il part, pour cela, de la définition adoptée par la Prise de position pour l’autonomie des jeunes (Conseil des Membres, avril 2004, Bruxelles) : « L’autonomie est la situation où les jeunes ont le soutien, les ressources et les débouchés nécessaires leur permettant de vivre de manière autonome, de faire leurs choix de vie et d’avoir accès à une participation sociale et politique totale dans tous les secteurs de la vie quotidienne, ainsi que de prendre des décisions de manière autonome. » Pour être autonome, il est donc nécessaire de réunir toutes les facettes de la définition et, force est de constater, que ce n’est pas simple ! La tendance actuelle en France va plutôt dans le sens contraire. L’acquisition de l’autonomie (l’empowerment ou capacitation) est de plus en plus longue et progressive : « Les jeunes (scolarisés ou non) n’ont jamais été aussi autonomes et dépendants en même temps : ils sont de plus en plus placés par les adultes dans une situation d’apesanteur sociale (…) » (p. 184)

L’entrée dans la vie adulte est de plus en plus tardive en raison du report de la sortie du système scolaire, à l’accès au premier emploi de plus en plus tardif, à un départ de la famille d’origine repoussé, une mise en couple et la constitution d’une nouvelle famille (naissance des enfants) ajournées. Cet allongement de la jeunesse fait qu’elle ne doit plus être considérée comme une transition entre l’enfance et l’âge adulte mais comme un temps à part entière de la vie. Les différences entre les pays européens sont très nettes (voir à ce propos l’ouvrage de Cécile Van de Velde). La France se situe dans une position intermédiaire entre les pays du Nord qui offrent des allocations aux jeunes, leur permettant de quitter le foyer familial le plus tôt possible et une Europe du Sud (voir la comparaison France – Italie menée par Vincenzo Cicchelli) où les jeunes restent tardivement chez leurs parents (plus particulièrement en Espagne ou au Portugal où les jeunes ne quittent leurs parents que pour s’installer en couple marié dans un appartement acheté avec l’aide de la famille). La France se singularise de ses voisins par une double dépendance des jeunes à leur famille et à l’Etat.

L’étude des rapports établis par des structures étatiques ou think thank européens sur la question de l’autonomie de la jeunesse fait apparaître des propositions récurrentes en faveur d’aides à destination de la jeunesse. Toutefois, la mise en place de ces mesures se heurte à leur coût. Aussi, il n’est pas étonnant que la précédente enquête de l’OVE (2010) mettait en évidence que les enfants de cadres supérieurs soient trois fois plus représentés dans la population étudiante que parmi les jeunes actifs de 18 à 24 ans. L’aide financière de la famille est centrale dans le budget des étudiants. Des rapports, a émergé l’idée de permettre à tout un chacun de se former tout au long de la vie. Cette mesure viserait à lutter contre le déterminisme scolaire qui entrave la progression professionnelle d’une personne au cours de sa vie active. N’est-il pas fou qu’on demande à une personne de quarante ans quel bac elle a passé, comme si le parcours professionnel ne s’en tenait qu’à la formation initiale ?

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes