Comment analyser la fragmentation de l’espace francilien ? Quelles contradictions en œuvre au sein de la métropole parisienne ? Comment l’habitant vit-il en métropole ? Voici quelques unes des questions posées par cette étude conduite sur un plan ternaire : centralités (aspects généraux de l’attraction francilienne), inégalités (disparités sociaux-économiques de l’espace considéré) et proximités (aménagements de l’espace urbain essentiellement). Pour cet ouvrage qui est un collectif les auteurs (les contributions de 18 géographes), il s’agit « de pivots des dynamiques et de la cohésion métropolitaine ».
Centralités
La première partie a pour objectif de caractériser les formes de polycentrismes urbains qui coexistent aujourd’hui dans la métropole francilienne. Même si la domination écrasante de Paris est un élément déterminant de l’analyse spatiale en Ile-de-France, les tendances contemporaines de multipolarités, de pôles d’emplois secondaires ne sont pas absentes. Au niveau de l’emploi le polycentrisme francilien est lisible. C’est en effet une aire métropolitaine avec un ou plusieurs centres secondaires autour d’un CBD fort (ici la Défense). Les centres secondaires concentrent des firmes de taille suffisamment importante pour influer sur la forme de la distribution spatiale de l’emploi. On dénombre pas moins de 129 communes-noyaux autour de Paris (éloignées à plus de 70 kilomètres pour certaines). Chacune d’entre elles va engendrer une forme de polarisation variée (modèle central, péricentral et périphérique isolé). Sur le plan touristique les initiatives parisiennes font école : Nuits Blanche, Paris-plage… L’activité tend à renforcer une « mixité sociale » car elle permet la requalification d’espaces périphériques. Ceux-ci sont alimentés par des flux de touristes venant du centre ville (souvent un point de départ). La concurrence des universités met en opposition de grandes universités du centre plutôt généralistes et spécialisées thématiquement à des universités en périphérie plus modestes mais aux offres plus spécifiques (diplômes professionnels).
Inégalités
En analysant les mobilités provoquées par l’emploi les auteurs soulignent une multipolarité croissante qui s’éloigne du monocentrisme (référence dépassée). La seconde partie vise à comprendre les différenciations socio-spatiales dans les villes en Ile-de-France. Les disparités territoriales engendrées par les inégalités des revenus des ménages montrent sans surprises une brutalité des ruptures territoriales (forte diversité sociale au sein d’un grand nombre de quartiers parisiens). Les structures de l’emploi concentrent des emplois hautement qualifiés et voient la part des ouvriers diminuer progressivement (ces emplois se sont concentrés sur les étrangers). Aujourd’hui Paris peut être considérée comme une ville globale. L ‘agglomération a en fait débuté le processus de globalisation depuis plus d’un siècle et non depuis les vingt dernières années seulement. Les structures d’emplois sont plus variées et plus complexes que dans le reste de la France. Les actifs des secteurs financiers et des grandes entreprises ont vu leurs effectifs grandement augmenter. Les auteurs proposent une analyse des lieux de la précarité plutôt que celle des ménages ou des personnes (626 communes de la région Ile-de-France). Les contextes de forte précarité sont le fait des couronnes centrales plutôt que les couronnes périphériques (en particulier dans les centres urbains). Les zones de forte densité provoquent quant à elle une diversité sociale (logements plus importants) et de précarité. Le constat est alarmant car le creusement des écarts est net et durcit les contrastes territoriaux (dans des contextes souvent fragiles au départ). La carte scolaire quant à elle n’est pas porteuse d’une ségrégation accrue. Cependant elle reste le reflet de la division sociale de l’espace résidentiel.
Proximités
Une analyse pour le moins originale des ensembles résidentiels privés et sécurisés est proposée. Modèle marketing « globalisé », la place de tels lotissements en ville interroge sur : la réalité de sa nouveauté, le renouvellement des expressions de la sociabilité de voisinage induit. Là encore le processus n’est pas tout à fait nouveau. Depuis plus d’un siècle la rue privée, les lotissements fermés existent. On observe plutôt un usage de l’espace privé proche (voierie, parcs, espaces de loisirs…) à des fins de spéculation immobilière. Les questions des causes de ces fermetures sont vastes : politiques municipales en vue de protéger le cadre de vie, non respect du nombre de logements sociaux… L’étude de la notion de quartier est riche de représentations mais reste difficile à définir spatialement. Il est cependant un territoire local diversement défini mais à l’existence forte. Les mobilités ne semblent pas intervenir dans sa définition mais davantage l’ancienneté de la résidence et la localisation. La modification ou même la reconstruction de la voierie (espace public) à Paris modifie les pratiques des usagers et des résidents. La difficulté est qu’il n’existe pas de projet d’ensemble à plus petite échelle et peut provoquer la réapparition des dissymétries héritées du XIXe siècle, accentuer les décalages des valeurs foncières et du processus de gentrification. Enfin l’observation des actes de délinquance sur le réseau de la RATP montre des dégradations de type graffitis plus important dans Paris intra-muros. L’importance du nombre de voyageurs est un des éléments d’explication.
Un manuel pour l’enseignant du secondaire
D’un point de vue formel on apprécie dans cet ouvrage les références bibliographiques à chaque fin de chapitre. Celles-ci proposent des ouvrages récents et des articles de revues scientifiques facilement accessibles. Certaines références aux thèses les plus remarquées sont aussi présentes. Des liens Internet sont signalés (téléchargements de rapports notamment). La cartographie et l’iconographie sont globalement monochromes mais de qualité. Les tableaux statistiques sont bien construits et d’un intérêt pédagogique certain dans les classes du secondaire : distances parcourues par des hommes et des femmes travaillant dans des communes attractives de la métropole francilienne, indicateurs de la précarité sociale, profils comparés des actifs franciliens…
Tout enseignant du secondaire trouvera la une actualisation de données et d’analyses pour les activités qu’il conduit avec ses élèves. De nombreux documents viendront aisément enrichir des études de cas au lycée mais aussi au collège (différents aires d’attraction, les espaces touristiques parisiens…). La collection dirigée par Rémy knafou (Mappemonde) a pour objectif d’offrir « une collection ouverte à tous les vents de la géographie d’aujourd’hui , un lieu d’accueil pour des ouvrages – de géographie comme de sciences connexes – qui nous parlent des territoires et des sociétés qui les produisent. » De nombreux titres sont disponibles (voir le site l’éditeur : http://www.editions-belin.com/csl/page.asp?path=iLSH-iLSHCol-iLSHColMap).
@Clionautes