La remontée d’Elzéard et autres récits, Les presses du midi, 2008,294 pages, 20 EurosCe livre est difficilement classable : fondé sur l’exploitation d’une documentation issue des archives publiques et de textes conservés dans les bibliothèques, notamment la Bibliothèque Méjanes d’Aix-en Provence, ce n’est pas à proprement parler un livre d’histoire construit comme tel, bien que l’auteur ait produit diverses études d’histoire médievale ou moderne sur les pays de Durance et du Verdon. Ce n’est pas non plus un roman, car il est composé de récits successifs dont chaque histoire racontée, inventée se rattache à une solide documentation, fournie en bibliographie, qui permet d’en justifier l’argument, comme pour le premier ouvrage que Joseph Piegay avait publié en 2007 à propos des temps médiévaux. L’historien scrupuleux sera gêné par le parti pris affiché dès la quatrième de couverture « le plus souvent l’auteur s’inspire dans les récits de ce livre de personnages et d’aventures réels. Il se contente de vivifier leur existence par des précisions parfois réelles, parfois rêvées ». Liberté supplémentaire de sa part, il mêle à ses récits les interventions du lutin Guilhem l’Ancien qui interroge, ponctue, et parfois met en relation des événements.
Que l’on admette facilement ou pas cette liberté que prend l’auteur, les récits se lisent avec plaisir, de celui qui donne son titre au livre, « la remontée d’Elzéard », relatant la quête de l’origine du Verdon vers 1450 par un jeune garçon curieux de la basse vallée de la Durance jusqu’à celui qui rappelle l’époque de pénurie entre 1940-1948, pénurie qui a frappé un pays de terres ingrates souvent plus durement qu’ailleurs. Cette période est vue à travers la vie d’une famille repliée de Marseille où laquelle la situation alimentaire était encore pire.
Chaque récit romancé, à travers le cas d’un ou de deux personnages permet de progresser, depuis le milieu du XVe siècle, pour le premier, des éléments de vie quotidienne des XVIe, XVIIe et XVIIIe pour les quatre suivants, dans lesquels il est souvent question des protestants et des catholiques dans une région partagée, mais aussi du changement du cours du Verdon en 1725 à Vinon-sur-Verdon et des conséquences sur la répartition des terres.
Les récits suivants concernent la période de la Révolution et les XIXe et XXe siècles, avec les opérations d’établissement du cadastre, la révolte contre le coup d’état de 1851, la guerre de 1914-1918 vue par le cas d’une « veuve blanche » et enfin les périodes de privations des années 40, déjà évoquées.
Le livre se termine par quelques brèves considérations sur le XXe siècle et sur l’avenir, et par un poème en provençal et en français. Il comporte également en son milieu un cahier d’illustrations, reproductions souvent d’art naïf qui souligne le propos et dont les légendes détaillées sont fournies après les éléments bibliographiques qui se rapportent à chaque récit.
Livre agréable à lire, lecture d’été attrayante, livre également déroutant par la construction, qui peut cependant être une commode première approche pour qui se penche sur le Haut-Var et les pays de Durance et de Verdon ou pour des adolescents curieux des modes de vie ancestraux mais qui fait regretter à l’amateur d’histoire que tout ce que sait Joseph Piegay n’ait pas été utilisé différemment.
Alain Ruggiero