Après s’être infiltré à l’Assemblée nationale, Kokopello entreprend cette fois de décrypter les rouages de l’Union européenne. Il propose ici un récit embarqué puisqu’il s’est rendu dans les institutions européennes, et parfois au plus proche de la décision, ce qui l’a amené également à parcourir le continent. Cette démarche avait pour but de mieux comprendre ce que le sous-titre de l’ouvrage qualifie de « grand bazar ».

Genèse du livre

Ce projet lui est venu à l’occasion de son précédent ouvrage où il suivait la campagne présidentielle française. Cela a correspondu aussi au moment où la Russie envahissait l’Ukraine. Kokopello avoue bien humblement que son rapport à l’Europe est plutôt distant. Le livre est organisé en trois parties, chacune consacrée à une institution de l’Union européenne, et en plusieurs chapitres à l’intérieur à chaque fois.

Le Conseil européen

Lorsqu’il débarque dans le quartier européen, Kokopello est aidé pour se repérer, ce qui est le prétexte, au passage, pour glisser des informations sur le Conseil européen. Il mesure, en écoutant le discours sur l’état de l’Union européenne prononcé par Ursula Von Der Leyen, combien les discours européens sont peu ou pas relayés en France. La rencontre avec une porte-parole du Parlement est l’occasion de définir le rôle des trois institutions principales de l’Union européenne.

La Bulle

Matthias est correspondant à Paris d’un journal allemand. C’est le plus français des Allemands de la capitale. Il conseille à Kokopello d’aller dans les capitales pour comprendre l’Europe. Ce dernier visite alors le Bundestag, rencontre une secrétaire d’état allemande qui revient sur l’histoire entre la France et l’Allemagne et insiste sur la nécessité de la paix.

Pool

Kokopello discute avec l’ambassadeur de France en Suède. Ce dernier dresse un portrait du pays où il exerce en expliquant que la Suède fait partie des pays européens « frugaux ». Par petites touches, le lecteur comprend ainsi plusieurs des débats qui agitent l’Union. Un peu plus loin, une mise au point est faite pour ne pas mélanger Conseil de l’Union européenne et conseil européen.

Politico

Politico Europe couvre depuis 2014 toute l’actualité de l’Union européenne. Cependant, on ne peut que constater que 95 % de ses clients appartiennent à la bulle bruxelloise. Le chapitre en profite pour expliquer les règles de vote au Conseil européen avec l’unanimité et la majorité qualifiée.

Voyage en Albanie

Le pays n’est pas dans l’Union européenne mais il est un exemple de ces états qui souhaitent adhérer. L’Albanie est pauvre et encore très marquée par les inégalités et la corruption. Aujourd’hui, la capitale Tirana s’est transformée en immense chantier. Le pays est candidat à l’adhésion depuis 2003. Il devra, comme tous ceux engagés dans la même démarche, respecter trois critères : des institutions stables, une économie de marché viable et être capable d’intégrer l’acquis communautaire.

Le brownie

Le chapitre évoque les multiples rencontres qui ont lieu entre les chefs d’état, sans oublier le rôle des conseillers et des multiples réunions préparatoires. Kokopello dresse un rapide portrait de quelques-unes des têtes qui entourent Emmanuel Macron pour les questions européennes. On apprend aussi le rôle essentiel d’un Coreper, ou comité des représentants permanents, un organe qui sert à préparer les travaux de toutes les réunions du Conseil européen. Kokopello est alors un peu effrayé par tous les sigles qui désignent autant d’organes dont il a du mal à mesurer le rôle.

Du côté de la Commission

La deuxième grande partie de la bande dessinée est consacrée à la Commission. Cela permet de préciser le rôle des commissaires. Si ces derniers s’occupent de la partie politique de l’action de la Commission, les Directions Générales élaborent et mettent en œuvre la législation. Kokopello poursuit ses rencontres avec, par exemple, un député du parti conservateur polonais. Ce dernier lui fait bien comprendre sa méfiance envers la France et combien son pays reste marqué par le souvenir de la domination russe.

L’œil de Bruxelles

La Commission européenne dispose d’une représentation dans chaque état membre. Le but est d’informer les citoyens sur les réalisations de l’Union. Très souvent, des hommes politiques attribuent à Bruxelles ce qui est négatif mais oublient de la créditer lorsque c’est positif. Kokopello partage quelques moments avec le commissaire Frans Timmermans, commissaire chargé de l’environnement. Il est pour beaucoup une cible lorsqu’il arrive dans un pays, comme lors de ce voyage qu’il suit en Pologne.

Le commissaire Breton

Pour compléter son enquête, Kokopello suit également Thierry Breton, commissaire français au large portefeuille. Il dresse un portrait plutôt truculent du personnage, qui veut discuter d’égal à égal avec les patrons de la tech aux États-Unis. Son message est clair : vous êtes les bienvenus en Europe si vous respectez nos règles.

Le Parlement européen

Le troisième pilier institutionnel, c’est le parlement. Il compte actuellement 705 députés mais ce chiffre sera porté à 720 aux prochaines élections pour tenir compte de la croissance démographique de l’Union. Le chapitre explique la nécessaire politique du compromis qui préside dans cette institution. Il pose aussi la question des lieux multiples et détaille le triangle institutionnel européen sous forme d’un schéma illustré. Kokopello accompagne Pascal Canfin et relève aussi le rôle essentiel des interprètes. Lors d’un déplacement à Athènes, c’est l’occasion à la fois de rappeler que le pays est l’inventeur de la démocratie mais qu’il a aussi menti pour pouvoir adhérer à l’euro.

Qatargate

La bande dessinée ne fait pas l’impasse sur le scandale récent du Qatargate. A travers cet exemple, c’est toute la question du poids des lobbystes qui est posée. En discutant avec l’eurodéputée Manon Aubry, celle-ci lui évoque le manque de transparence qui existe lors des séances de négociation.

Camp Kos

L’auteur accompagne aussi deux eurodéputées en mission parlementaire. Kos est un important point de passage pour l’immigration en Europe. Ce chapitre explique le protocole de Dublin, ses modalités et ses ambigüités. La question des hotspots est abordée lors de la visite de l’une d’entre elles.

Budget

En fin d’ouvrage, Kokopello se penche sur la question du budget européen. Il y a 30 000 fonctionnaires, soit l’équivalent des effectifs de la ville de Paris. Chaque pays contribue pour 1 % de son PIB au budget de l’Union européenne. La France verse 17 % du total. Il embarque enfin pour un voyage d’abord à la frontière ukraino-polonaise puis en Ukraine même à la fin de l’année 2023. Il conclut ainsi : «  Je ne saurais dire si c’est parce que je viens simplement de quitter un pays en guerre ou si c’est parce que j’ai retrouvé du réseau pour parler à mes proches, mais nous nous trouvons dans l’Est de la Pologne, dans l’Union européenne, et pour la première fois, je me sens comme à la maison. »

De façon très claire, Kokopello dresse donc un état de l’Union européenne. En rencontrant des acteurs de cette construction politique, il rend celle-ci plus incarnée, plus vivante. Il n’en souligne pas moins les difficultés mais invite, au final, à peser le pour et le contre d’une telle réalisation dans un monde instable.

Un reportage d’Arte en 2 minutes 30.