Après nous avoir proposé les excellents Frontline Combat (2 volumes) et Two-Fisted Tales (1 volume) de Harvey Kurtzman, les éditions Akileos nous offre une nouvelle exploration de la bande dessinée de guerre américaine. À dire vrai ce n’est pas un simple ensemble d’histoire de guerre au format BD. Écrit par Archie Goodwin et illustré par de nombreux artistes tels Al Williamson, Gene Colan ou encore l’immense Frank Frazetta, lequel s’est fait connaître du grand public grâce à ses illustrations de Conan le Barbare à la fin des années 1960, Blazing Combat s’est inscrit dans la droite ligne des œuvres de Harvey Kurtzman. En quatre numéros cette revue est parvenue à s’imposer non seulement comme un classique, mais surtout comme une immense ressource pour mesurer les représentations de la guerre aux États-Unis, alors que s’installait la guerre du Vietnam. En effet le magazine fut publié entre 1965 et 1966 par James Warren, éditeur indépendant, au moment où l’effort de guerre américain grandissait.

 

Présentation sur le site de Akileos

Écrit par Archie Goodwin et illustré par des figures telles que Frank Frazetta, Wally Wood, John Severin, Alex Toth, Al Williamson, Russ Heath, Reed Crandall ou Gene Colan, Blazing Combat était à l’origine publié par un éditeur indépendant, James Warren, en 1965 et 1966. Les histoires de Goodwin sont le reflet de la réalité vécue par les hommes et des coûts de la guerre, plutôt qu’une nouvelle exploitation des clichés du genre. Il s’agit sans doute là des meilleurs récits de guerre en BD jamais publiés.

 

Blazing Combat, Une référence indispensable

Cette intégrale permet de porter un large regard chronologique sur différentes guerres : guerre contre les Indiens, référence à la bataille des Thermopyles, guerre de 1898 contre l’Espagne (sujet très rarement abordé) ou improbable récit de survie dans un monde post apocalyptique ravagé par la guerre sont autant de one-shots qui viennent, telles des pauses, s’intercaler dans les autres conflits plus représentatifs des mémoires américaines. La guerre d’Indépendance et celle de Sécession ont droit à deux histoires. Guerre de Corée et Première Guerre mondiale sont abordé au travers de trois récits, tandis que la Seconde Guerre mondiale se taille la principale part du gâteau avec pas moins de onze récits.

Les récits tournent souvent autour de duels entre soldats et il n’est donc pas étonnant de voir six récits d’aviation, particulièrement propices à ce genre de combats et pour lesquels les dessins de Wallace Wood font merveille. Mais, chose assez incroyable et faisant de ce recueil une mine de diamant brut, la guerre du Vietnam est traitée à travers quatre histoires, assez bouleversantes.

La force des récits de Archie Goodwin, comme ceux de Harvey Kurtzman, est de proposer une plongée dans les entrailles de la fureur d’Arès. La guerre n’est pas glorieuse et belle dans Blazing Combat. Le propos est limpide quant aux horreurs de la guerre. Les civils sont des victimes exposées aux combats, par exemple dans l’histoire « paysage », dessinée par Joe Orlando, qui voit un simple paysan vietnamien traverser les horreurs des combats entre GI’s et Vietcongs. « Forces spéciales », toujours dessiné par Orlando est un choc, dès lors qu’on le met en perspective avec le film de propagande « Les Bérets Verts » (The Green Berets) réalisé par Ray Kellogg et John Wayne et sorti en 1968. La bande-dessinée permet ici de porter un véritable regard critique sur la guerre, ce qui d’ailleurs sera fatal pour le magazine, jugé trop anti militariste. C’est d’ailleurs par une histoire sur la guerre du Vietnam, « Vietcong », que début ce voyage.

D’un point de vue artistique, cette édition d’Akileos est tout simplement irréprochable, comme d’habitude. Couverture cartonnée, papier de qualité sont autant d’atouts pour profiter pleinement des planches magistrales, entre autre, de Angelo Torres. Grande est la chance de pouvoir admirer en fin d’ouvrage les couvertures incroyables de Frank Frazetta, peintures d’une intensité totale, sans demi-mesure quant au propos illustré : la guerre est une horreur absolue poussant les êtres humains dans leurs pires retranchements.

 

Plus qu’une BD, une source primaire

Immense plus value, en fin d’album, Michael Catron nous offre une interview de Archie Goodwin. Un moment d’une rare intensité, une plongée au cœur de la création de ces BDs, au cœur d’une réflexion profonde sur le sens à donner au travail de dessinateur et de scénariste. L’American Legion, association de vétérans de l’armée américaine, fondée en 1919, s’est battue pour mettre fin à Blazing Combat. Akileos et Michael Catron nous offrent ici l’occasion de redécouvrir ces excellentes histoires qui nourriront, à n’en point douter, une réflexion féconde sur la guerre et ses représentations.

Pour ma part, comme je le fais déjà avec les œuvres de Harvey Kurtzman, je vais utiliser Blazing Combat avec mes élèves en spécialité HGGSP.

 

Les superbes peintures de Frank Frazetta