La collection « Idées reçues » publie un ouvrage sur l’art roman. Il peut servir au lycée notamment quand on évoque brièvement la présentation de l’Occident chrétien dans le chapitre sur la Méditerranée au XII ème siècle. C’est généralement une notion que les élèves connaissent et cela permet de nuancer le propos. On sait bien que c’est en montrant une science historique en mouvement que l’on peut intéresser les élèves. Aussi, même sur ce sujet apparemment rebattu, on peut apporter du nouveau.

Au niveau formel, quelques photos, hélas en noir et blanc, accompagnent le livre ainsi qu’une petite bibliographie commentée très bien faite et très utile.

Rappelons que le principe de la collection est de partir d’une citation, d’une idée reçue et de l’étudier en quelques pages. Le but est de trier le vrai, le faux et l’approximatif.

Vingt idées sont ainsi examinées, réparties en quatre chapitres : l’art roman, la beauté des formes, les œuvres et les hommes, l’art roman aujourd’hui. Examinons quelques articles issus de chacun des quatre chapitres.

Cerner l’art roman

L’auteur part du fait désormais bien connu que le terme d’art roman est une création du XIX eme siècle. Il s’attaque par exemple à l’idée que « l‘art roman ce ne sont que des églises ». En fait cette idée découle du fait qu’on s’est intéressé au départ aux églises, très riches au niveau iconographique. De plus, les autres constructions étaient plus difficiles à appréhender. Ainsi dans un ensemble cistercien le four à tuiles a longtemps été pris pour une lanterne des morts. En même temps c’est cette erreur qui a fait qu’il a été conservé !
« Le XII ème siècle c’est la grande époque de l’art roman » dit-on et entend-on souvent. Nicolas Reveyron montre qu’à n’importe quelle date les influences artistiques s’entrecroisent. Le XIII ème siècle associe au style rayonnant qui est le présent de l’art gothique, la renaissance paléochrétienne à Rome et le roman tardif germanique. Ainsi, il démontre qu’il est plus juste intellectuellement d’utiliser l’idée de polychronie.
L’art roman n’est pas non plus uniquement français : il existe d’autres formes d’art comme en Scandinavie. Celui-ci a connu une forme très particulière dans les stavkirker, ou églises en bois debout, qui montrent la diversité des influences reçues.
Enfin on réduit souvent l’art roman à la voûte : or la voûte n’est pas une invention romane car on la trouvait déjà dans l’Espagne mozarabe.

La beauté des formes

« L’art roman n’a rien inventé « : en fait, depuis l’époque moderne, notre division des arts repose sur la technique. Or, plutôt que de parler de sculptures, de peintures, Nicolas Reveyron dit qu’ il serait plus intéressant de parler d’images car le message est plus important que les techniques de production. Il montre aussi que l’architecture est vivifiée par des jeux rythmiques puisés aussi bien dans la littérature que dans la musique : les architectes font alterner dans une nef des colonnes circulaires et des piles carrées sur un rythme binaire qui n’est pas sans rappeler l’alternance des syllabes longues et brèves dans la poésie latine.
Enfin « cet art reflèterait l’angoisse d’une époque » : là aussi on s’est peut-être trompé d’interprétation car les décors animaliers pleins de violence sont plutôt une manière pour l’artiste d’affirmer sa virtuosité que la traduction d’une réalité

Des œuvres et des hommes

« Au Moyen-Age, il n’y a pas d’artistes » dit-on souvent, en l’opposant à la période de la Renaissance : on trouve néanmoins des signatures sur des ciboires du XII eme siècle.
Parmi les autres idées ancrées, il y a celle d’un Moyen-Age où on ne savait pas représenter la réalité : en fait les représentations romanes sont aux antipodes du réalisme. Ainsi le plus important est d’avoir un personnage qui symbolise un type plutôt que de représenter quelque chose de précis.

L’art roman aujourd’hui

Dans cette dernière partie, un article retient particulièrement l’attention : « la recherche n’a rien à dire de nouveau sur l’art roman ». Pensons au livre récent de Jérôme Baschet sur l’iconographie médiévale. Ce dernier montre qu’il s’agit de voir autrement. Pour ceux qui souhaiteraient approfondir la question, on pourra se plonger dans ce livre qui mêle théories et études de cas qui servent à démontrer la validité de la démarche.

On peut donc lire et s’appuyer sur cet ouvrage très pratique qui recèle de nombreuses réflexions intéressantes, distillées tout au long des articles, et en moins de 150 pages.
Cette collection remplit décidément bien son rôle de mise à disposition d’informations pertinentes et récentes, et ceci dans une mise en page agréable à lire. Elle est en même temps une invitation à aller plus loin et donne donc envie de revenir sur des points qu’on croyait figés.

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