L’arrière grand-mère et le grand-oncle d ‘ Alain Lercher figurent parmi les 642 victimes d’Oradour. L’auteur évoque d’abord les pendaisons de Tulle et le massacre d’ Oradour. Il examine les hypothèses qui ont conduit au massacre, sans doute une action de représailles après l’enlèvement et l’exécution d’un officier allemand, mais le massacre doit être replacé dans le contexte plus vaste des massacres de civils, notamment ceux commis par les armées allemandes en Europe Orientale au cours de la seconde guerre mondiale. Il évoque ensuite les étapes du massacre, commis par des membres de la division SS “ Das Reich”: rassemblement des habitants du village et des hameaux voisins, enfermement des hommes dans les granges ,des femmes et des enfants dans l’église , massacre délibéré des populations enfermées dans les granges ou dans l’église qui fut volontairement incendiée, pillage. Les supérieurs hiérarchiques de l’officier qui avait ordonné le massacre semblent avoir envisagé de le juger ,mais les combats en Normandie et la mort de ces officiers firent que ce projet tourna court.
La seconde partie du livre est consacrée au retentissement du massacre dans l’ après-guerre Mémoire personnelle de l’auteur ,mais aussi mémoire politique et judiciaire. En effet en 1953 ,s’ouvrit à Bordeaux , devant un tribunal militaire le procès des auteurs du massacres. Parmi les accusés figuraient quatorze soldats alsaciens enrôlés dans l’armée allemande. Plusieurs d’entre eux furent condamnés à des peines de prison, mais amnistiés peu après.On l’a oublié, mais le procès et l’amnistie opposèrent les élus alsaciens qui cherchaient à disculper les accusés et les habitants du Limousin, indignés par la loi d’amnistie. Alain Lercher montre peu de compréhension pour les soldats enrôlés dans l’armée allemande. Le père d’Alain Lercher , Alsacien réfugié à Limoges pendant la guerre “avait remué les cadavres calcinés d’Oradour, et il pensait qu’il y avait peut -être quand même une limite à ce qu’on peut accepter de faire malgré soi “ (p 62).L’auteur souligne également que les responsables allemands du massacre de Tulle furent condamnés à des peines légères et que le commandant de la division “Das Reich”, Lammerding, ne fut pas inquiété. En 1982, un sous officier qui avait participé au massacre fut jugé et emprisonné en RDA.
La troisième partie du livre est consacrée à une réflexion sur la portée du massacre. Comme Jean-Marie Borzeix, l’évocation d’Oradour conduit l’auteur à méditer sur le rôle du souvenir, de l’oubli et du pardon. Contrairement aux idées reçues, l’auteur se montre favorable à l’oubli, mais non au pardon qui absout trop aisément les bourreaux passés ou présents. ” Il me semble bon, écrit il, que les bourreaux des peuples sachent qu’on ne leur pardonnera jamais . Cette décision (est) un avertissement à ceux qui voudraient les imiter”(p78). Enfin ,lors d’une visite à Oradour, l’auteur conclut qu’il ne faut pas détruire les ruines du village ,mais au contraire les conserver, car elles sont habitées par la présence des morts .“J’ai compris qu’on avait bien fait de conserver ces ruines ,comme on a bien fait de conserver Auschwitz… simplement parce que nos morts sont là…les fantômes ou les anges ou quel que soit le nom qu’on leur donne vivent avec nous, dans quelques lieux particuliers .Oradour en est un….Si l’on rasait ces murs, on ne ferait pas disparaître le souvenir, mais la présence”(p88-91).