« Aux confins du continent asiatique, l’Asie du Sud-Est est un ensemble régional dont l’unité pose question. Elle compte aujourd’hui 646 millions d’habitants, très inégalement répartis entre les onze pays qui la composent : la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge, le Laos, le Vietnam, la Malaisie, Singapour, l’Indonésie, le sultanat de Brunei, [les Philippines] et le Timor-Leste. À l’heure de la mondialisation, cet ‘’angle de l’Asie’’ – selon la formule du géographe Élisée Reclus (1883) et, plus tard, le sociologue Paul Mus (1977) – s’affirme plus que jamais comme une région d’interface et connaît des recompositions territoriales sans précédent, en lien avec son dynamisme économique et la mobilité de sa population. »

Marie Gibert-Flutre, L’Asie du Sud-Est, CNRS éditions, Documentation Photographique n°8134, Février 2020, p. 2.

 

La parution de ce numéro de la Documentation Photographique sous la conduite de Marie Gibert-Flutre[1], géographe spécialiste du Vietnam, de l’Asie orientale et de l’Asie du Sud-Est était très attendu. Bien que la pandémie de la Covid-19 ait bouleversé les calendriers des concours de l’enseignement de la session 2019-2020, ce numéro propose un panorama très varié sur cette question de géographie régionale et ravira donc les aspirant.e.s aux passionnants métiers de l’enseignement. Les enseignant.e.s déjà en poste y trouveront également une mise au point scientifique importante et des pistes nombreuses pour réaliser des études de cas originales, en collège comme en lycée.

 

    La première partie fait « le point sur » cette aire géographique au regard des travaux scientifiques les plus récents. L’auteure insiste ici très largement sur les mutations et les recompositions de ces territoires qui sont aujourd’hui devenus un carrefour dynamique et privilégié de la mondialisation contemporaine, après n’avoir été perçus que comme un « angle de l’Asie », un « creux » entre l’Inde et la Chine. Après avoir questionné l’unité régionale de l’Asie du Sud-Est, Marie Gibert-Flutre insiste sur la pluralité et la diversité des territoires qui composent cet espace. Les dynamiques de l’émergence sont ensuite explorées : extraversion économique, mutations démographiques, défis environnementaux, poids de l’État, la question des frontières et de l’autoritarisme, celle des « corridors de développement », des mobilités et des migrations intrarégionales et enfin la place de l’illicite et des trafics dans l’économie de ces pays. Le dynamisme de cet espace entraîne des recompositions territoriales régionales importantes à toutes les échelles et des enjeux forts, notamment la question du contrôle des mers, source de tensions et de conflits. Cette partie se conclue sur des aspects prospectifs sur les nombreux défis qui attendent les territoires de cette région.

    La deuxième partie « Thèmes et documents » permet de développer et d’illustrer les aspects théoriques dans la première partie. Elle se divise en cinq chapitres : Enjeux urbains et métropolitains, Défis environnementaux, Culture et politique, Coopération et conflictualité régionale, Circulation(s) et mobilités qui sont autant de thématiques pouvant donner lieu à des sujets écrits ou oraux de concours. Le premier chapitre explore un phénomène ancien mais qui s’est accéléré depuis le XXe siècle, l’urbanisation qui accentue (et est accentuée par) l’industrialisation et la littoralisation des territoires de l’Asie du Sud-Est (p. 18-19). Ce phénomène est multiscalaire (p. 20-21) et génère des inégalités foncières croissantes (p. 24-25). L’exemple de Singapour (p. 22-23) est à ce titre significatif pour illustrer ces phénomènes et pourrait donner lieu à une étude de cas en 4e ou en 1ère générale. Le deuxième chapitre fait un état des lieux des nombreux défis environnementaux qui pèsent sur ces territoires : inondations et risques (p. 30-31p. 36-37), déforestation (p. 32-33), les questions hydrauliques autour du bassin du Mékong (p. 34-35). La partie « culture et politique » fait le point sur d’autres thématiques majeures et on ne peut plus d’actualité, comme la santé et la « transition épidémiologique » (p. 40-41) mais aussi le tourisme (p. 44-45). Le chapitre « coopération et conflictualité régionale » questionne les régimes politiques (p. 46-47), la thématique des minorités ethniques (p. 48-49), la religion avec l’essor de l’évangélisme protestant (p. 50-51), l’Association des Nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) créée en 1967 (p. 52-53), les enjeux maritimes et des conflits sur et autour de ces espaces (p. 54-55). Ce chapitre se termine sur le projet du Grand Mékong (RGM), région qui illustre la politique régionale des « corridors de développement », qui s’est développée à partir des années 1990 sous l’impulsion de la Banque asiatique de développement (p. 56-57). Ce numéro se conclue sur les « circulation(s) et mobilités » (p. 58-62), précoces dans cette région, qu’elles soient humaines ou économiques, légales ou illégales.

    En définitive, ce numéro de la Documentation Photographique tombe à pic pour faire le point sur ses connaissances scientifiques pour la question au programme des concours de l’enseignement de cette année mais aussi pour la session 2021. Il sera essentiel pour les candidat.e.s de l’acquérir et/ou de le consulter avant de se lancer dans des manuels et articles plus précis pour approfondir certaines thématiques. Il trouvera bien entendu sa place dans tous les CDI, à leur réouverture !

Présentation de l’éditeur


©Rémi Burlot, pour Les Clionautes

[1] Marie Gibert-Flutre est maîtresse de conférences en Géographie à l’université́ Paris Diderot et chercheuse au CESSMA (Centre d’Études en Sciences Sociales sur les Mondes Américains, Africains et Asiatiques). Elle a été́ post-doctorante du Asia Research Institute de l’Université́ Nationale de Singapour et dirige actuellement le volet vietnamien du programme de recherche international SEANNET (Southeast Asia Neighborhoods Network). Elle a soutenu sa thèse consacrée à l’étude des mutations contemporaines du réseau de ruelles (hẻm) de Hồ Chí Minh Ville et sous la direction de Thierry Sanjuan à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, en 2014. Ce travail de recherche a donné lieu à la parution récente d’un ouvrage : Marie Gibert-Flutre, Les Envers de la métropolisation. Les ruelles de Hồ Chí Minh Ville, Viêt Nam, CNRS Éditions, Paris, 2019.