C’est l’histoire d’un empire mal connu, l’empire mongol, fantasmé que Iaroslav Lebendynsky se propose de raconter dans ses grandes lignes. Les reproductions photographiques du musée national d’histoire de Mongolie ou de la collection privée de P. Erdenetchoulouun offrent à voir la culture matérielle de l’empire de Gengis Khan.
Iaroslav Lebendynsky est historien franco-ukrainien spécialiste des peuples de la steppe et du Caucase, chargé de cours à l’Institut national des langues et civilisations orientales de Paris. Il a déjà publié de nombreux ouvrages dont aux éditions Errance : Les Nomades : Les peuples nomades de la steppe des origines aux invasions mongoles, 2003 ; Les Indo-Européens : Faits, débats, solutions, 2006 ; La Horde d’Or : Conquête mongole et « Joug Tatar » en Europe (1236-1502), 2013 ou chez L’Harmattan : Sur les traces des Alains et Sarmates en Gaule : Du Caucase à la Gaule, 2011.
L’auteur veut montrer comment un peuple nomade périphérique a pu dominer la steppe et au-delà inquiéter la Chine et le monde musulman dans un contexte favorable d’affaiblissement des États voisins mais aussi grâce à une tactique et des armées efficaces.
Après un rappel des sources disponibles l’ouvrage est divisé en deux grandes parties, d’abord une approche chronologique des conquêtes de Gengis Khan et de ses successeurs (de la fin du XIIe siècle à la fin du règne de Koubilaï Khan1, puis une analyse thématique de la « machine de guerre » mongole.
Les conquêtes de Gengis Khan et de ses successeurs
Il convient d’abord de dresser un tableau des Mongols avant Gengis Khan, les différentes tribus et la famille de Temüdjin / Gengis Khan. Si on ignore la date de son élection au khanat, sans doute vers 1180/1990 le lecteur suit la lente et difficile ascension pour soumettre les différentes tribus, imposer son autorité et profiter de l’hostilité entre Chinois et Tatars, une période de combats et de raids quasi permanents jusqu’à la proclamation impériale de 1206.
Assuré du pouvoir Gengis Khan se lance alors dans des guerres de conquêtes (cartes en cahier central I et II) vers l’est et la Chine, contre les Xixia, les Jin ; vers l’ouest en Iran (pillage de Qom) et Asie centrale jusqu’aux confins européens (Géorgie, Ukraine). Il meurt en 1227 durant le siège de Yinchuan.
Ses premiers successeurs poursuivent son œuvre (carte III). L’auteur les présente et poursuit le récit de leurs conquêtes notamment les raids sur la Volga et vers la Hongrie (1237-1242), au Proche-Orient mais aussi face à la Chine (liquidation des Jin mais résistances au Sud des Song).
Un chapitre est consacré au dernier khan, Koubilaï Khan, vainqueur des Song mais mis en échec au Japon et en Indonésie (1274-1293). Sa mort en 1294 marque le repli du khanat marqué par les faiblesses d’un trop vaste empire, mal contrôlé par de fragiles protectorats et par les rivalités parmi les chefs.
La machine de guerre
La seconde partie consacrée à la « machine de guerre » montre comment Gengis Khan après avoir restauré le pouvoir de sa famille se transforme petit à petit en conquérant. Si sur ce point il s’écarte de la thèse d’Owen Lattimore2 d’une idéologie de la conquête il accepte l’idée d’un souverain universel protégé par le « Ciel éternel » présenté par Jean-Paul Roux3.
Ce qui fait le succès de Gengis Khan et de ses successeurs semble être que, face à des puissances fragilisées à l’Est comme à l’Ouest, ils disposent d’une armée organisée, une cavalerie mobile, des hommes entraînés depuis l’enfance, frugaux et disciplinés derrière des chefs, un système de communication et une utilisation de la guerre psychologique. Sur ces aspects l’auteur s’appuie sur les écrits de Jean de Plan Carpin4.
La description de l’équipement du guerrier mongol est utilement illustrée par les documents iconographiques du cahier central.
Un ouvrage qui propose une première approche de l’empire mongol. La bibliographie renvoie outre les ouvrages universitaires à quelques romans et un BD publiée chez Glénat5.
Les documents iconographiques, réunis dans un cahier central, sont de qualité et complètent utilement ce court ouvrages (125p.).
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1Sur ce thème voir l’ouvrage de Timothy Brook, paru en 2019 chez Payot ; Le léopard de Kubilai Khan : Une histoire mondiale de la Chine (XIIIe-XXIe siècle)
2Historien américain spécialiste de la Chine et des espaces mongols
3Historien, chercheur au CNRS, il a publié une Histoire de l’Empire mongol chez Fayard en 1993 et plus récemment Gengis Khan et l’Empire mongol, éd. Gallimard, coll. «Découvertes Gallimard / Histoire » (o 422), 2002.
4Moine franciscain envoyé comme ambassadeur auprès des Mongols en 1246. Il a laissé de son voyage une relation destinée à Innocent V, Historia Mongolorum
5Gengis Khan par Denis-Pierre Filippi, Manuel Garcia et comme conseillère historique Marie Favereau, collection Ils ont fait l’Histoire, 2014