Quelques semaines après les Jeux Olympiques mais aussi la destitution de Dilma Roussef, parait cet ouvrage sur le Brésil. Il est le fait d’Hervé Théry, un des grands spécialistes de la question, qui ajoute à son expertise le fait de vivre dans ce pays depuis une quinzaine d’années. Une bibliographie et de nombreuses cartes sont à l’appui du livre ainsi qu’une chronologie du Brésil contemporain, un glossaire et un index.

Quelle grille de lecture pour aborder le Brésil ?

Le sous-titre de l’ouvrage, « pays émergé » met l’accent sur cette clé de lecture du pays. Hervé Théryl propose donc dans ce livre un état des lieux de ce pays, organisé en deux grandes parties : l’état intérieur du Brésil et le Brésil et l’extérieur. De façon presque provocante l’auteur souligne dès l’introduction que par « bien des aspects le Brésil est aujourd’hui plus avancé que l’Europe ». On pourra être surpris d’une telle affirmation qu’il étaye néanmoins par deux exemples précis, mais c’est finalement une façon d’inviter le lecteur à regarder le pays tel qu’il est et de se méfier d’une grille de lecture uniquement centrée sur l’émergence.

Pourquoi le Brésil a-t-il émergé ? : histoire et diversité du pays

Cette partie de l’ouvrage est organisée en quatre chapitres. Le premier, historique, retrace à grands traits l’histoire du pays en insistant sur son immensité. Il détaille les grands cycles économiques qu’il a connus tout en relativisant cet enchainement trop souvent accepté comme tel. Il faut introduire des cycles secondaires et surtout envisager des périodicités qui se chevauchent. Hervé Théry dresse également le bilan des années Lula : le modèle de développement n’a pas changé mais il y a eu d’incontestables réussites comme la Bolsa familia. Mais les montants distribués « n’ont pas été suffisants pour modifier l’échelle des revenus ». Ensuite, on lira un très utile chapitre sur « les parties et le tout », car comment envisager comme un bloc un tel pays. Les contrastes de peuplement sont forts et une majorité de la population vit encore près des côtes. Pour prendre conscience des contrastes, il faut aussi insister sur le poids de Sao Paulo qui représente plus de 33 % du PIB du pays, soit plus que ceux de la Suède ou de l’Argentine. On trouvera un tableau très éclairant intitulé « Etats brésiliens et autres pays : quelques comparaisons ». Pour chacun des états brésiliens, il y a donc en regard un exemple de pays Ainsi, Sao Paulo c’est l’équivalent de la population argentine, la superficie de la Grande Bretagne et l’IDH de la Bulgarie. A travers le cas de l’élection présidentielle de 2014, l’auteur dessine bien l’existence de deux Brésil et la corrélation est frappante entre niveau de développement économique et vote politique. L’auteur évoque ensuite la question des inégalités, du métissage et le poids de la religion.

Emergent ?

Dans un troisième temps, il s’agit de cerner les bases de la croissance brésilienne, en quelque sorte l’explication de l’émergence. Hervé Théry révèle la recette et ses ingrédients : les Brésiliens eux-mêmes, l‘autosuffisance énergétique ou encore l‘abondance des terres disponibles. Pour prendre conscience de la taille du pays, l’auteur propose de convertir les distances en temps de transport. Dans le dernier chapitre de cette première partie, il s’intéresse « aux côtés obscurs de la force » comme il les nomme lui-même. Si certains des symptômes sont bien connus, comme la pauvreté persistante ou l’insécurité et la violence, on lira avec attention les pages consacrées à la persistance de l’esclavage dans certaines régions rurales.
Quelle place pour le Brésil dans le monde ?
Cette deuxième partie est peut-être moins connue. Dans un premier chapitre, Hervé Théry propose d’abord d’observer les flux du pays avec le reste du monde, les liens avec le monde lusophone ou encore sur d’autres aspects. Le Brésil occupe une place à part car « pour les produits à fort contenu technologique il a un solde positif avec des pays moins développés que lui en Amérique du Sud, en Afrique et au Moyen orient….Un autre fait frappant est l’augmentation des exportations vers l’Asie et l’Amérique latine, alors que la plupart de celles qui vont vers l’Union européenne et les Etats-Unis diminue ». Hervé Théry traite ensuite du softpower à la brésilienne : il le fait d’une façon originale à travers les chansons. Les discours brésiliens sur le monde c’est sans doute la partie la plus neuve ou la moins connue. Il passe ensuite en revue quelques multinationales brésiliennes avec au-delà de Vale et Petrobras, l’étonnante histoire de Havaianas.

Et les voisins ?

Hervé Théry aborde également la façon dont le Brésil se pense par rapport aux autres pays. Le Brésil avec les autres pays du continent, c’est un peu comme les Britanniques avec l’Europe. Le Brésil se définit aussi par rapport à l’Occident, aux Brics et à l’Afrique. Lula a fait dix voyages en Afrique mais pour aboutir à des résultats décevants. L’auteur évoque aussi une enquête sur « Comment l’Europe est vue par les Brésiliens ? «  : il est frappant de constater que les vingt mots les plus utilisés font référence à des critères économiques et à une perception positive de la part des Brésiliens. Parmi les documents utilisables, notons un tableau « le Brésil (et la France) parmi les Brics » avec de nombreux critères comme l’agriculture, les émissions de CO2 ou encore les homicides volontaires ou le taux de mortalité infantile.
En conclusion, cette nouvelle édition du livre d’Hervé Théry fournit des exemples et de informations nombreuses pour traiter le Brésil par exemple en terminale.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes