L’auteur aborde autant l’étude des origines sociales, que la carrière militaire et la situation de Cambronne après l’Empire. Tout au long du parcours de celui-ci, Stéphane Calvet fait l’effort de présenter le profil et la composition des unités dans lesquelles celui-ci a servi. On peut ainsi apprécier la valeur de sa progression et confronter les témoignages avec la réalité des pertes des unités ou le profil sociologique des officiers.
Un combattant hors pair.
La carrière militaire de Cambronne commence dès 1789 avec sa participation aux Jeunes gardes de Nantes, puis son service dans les bataillons de volontaires. C’est avec eux qu’il connaît, en 1792, en tant que simple grenadier, le baptême du feu. Son unité combat à Jemmapes. Avant que le citoyen Cambronne décide, comme d’autres volontaires, de rentrer sur Nantes.
Il s’engage alors dans la légion nantaise avec laquelle il participe à la lutte contre les insurrections royalistes de 1793 à 1795. Il s’illustre lors de ces combats ce qui lui permet de gravir les échelons et est promu capitaine en 1795, il a alors moins de 25 ans. C’est avec ce grade qu’il rejoint ensuite la 46° demi-brigade. Le parcours de Cambronne et de son unité durant les années suivantes le voit se mettre en valeur dans la défense d’Ostende et participer aux campagnes d’Allemagne et de Suisse. Il se fait remarquer lors de la prise de Zurich par Masséna, puis à Hohelinden. Son courage lui vaut de recevoir la légion d’honneur dés 1804, puis d’être nommé chef de bataillon au 88° de ligne en 1805.
Présent à Austerlitz, il voit son cheval tué sous lui et reçoit plusieurs blessures sans gravité. A Iéna il se fait à nouveau remarquer pour son courage. Mais à Pultusk, son bataillon souffre et manque de compromettre la victoire selon Lannes. Les quartiers d’hiver de 1806-1807 sont rudes pour l’unité de Cambronne dans la Pologne enneigée et pauvre où ils sont surtout cantonnés à des travaux et des escarmouches.
Ainsi il ne participe pas aux batailles d’Eylau et de Friedland qui terminent le conflit avec la Russie. Son régiment est envoyé en Espagne en 1808 et participe à la prise de Saragosse et c’est en Espagne qu’il apprend sa nomination en tant que chef de bataillon dans le 1er régiment des tirailleurs-chasseurs de la Jeune Garde ce qui lui vaut aussi promotion au grade de lieutenant-colonel.
Il participe ainsi à la campagne de 1809 en Autriche,. Il retourne ensuite en Espagne, son unité de Jeune Garde va y rester jusqu’en 1813. Nommé colonel-major du 3° régiment de Voltigeurs, il combat surtout la guérilla. Ces trois années de guerre si particulières voient Cambronne et son unité s’user.
Les défaites de Napoléon en Russie provoquent le rappel de Cambronne. A Dresde il impressionne à nouveau et se voit nommé colonel-major dans la Vieille garde. Son courage et ses qualités de meneur d’hommes ressortent à nouveau à Hanau où cette fois-ci, un boulet le blesse. Mais cela ne l’empêche pas d’être nommé général de brigade. Il combat, et est blessé à nouveau en 1814.
Mais c’est en accompagnant Napoléon à l’île d’Elbe que Cambronne entre dans le mythe napoléonien. Il commande le bataillon de la Vieille Garde qui suit l’empereur en exil. Et à ce titre, il va aussi se retrouver en charge de l’avant-garde impériale alors de la marche vers Paris de mars 1815. Et c’est bien sûr à Waterloo qu’il entre dans la légende. Mais qu’en est-il vraiment ? Stéphane Calvet évoque des pistes, à partir notamment des statistiques de pertes du bataillon de Cambronne.
Un homme de caractère et de réseaux.
Le parcours de Cambronne démontre un caractère peu facile. Dès ses débuts dans la légion nantaise, il se trouve au cœur de polémiques sur son comportement querelleur, voire indiscipliné. Il semble que le jeune homme ait eu du mal à accepter certaines règles de la vie militaire ce qui a freiné son avancement entre 1795 et 1805. Même dans la garde il demeure sévère et violent et est parfois rappelé à l’ordre. Au point qu’à l’île d’Elbe Drouot attirera l’attention de Napoléon sur les méthodes de Cambronne. Peut-être cela explique-t-il qu’il n’entre que comme baron d ‘Empire dans la nouvelle noblesse en 1810. Il brille plus par son courage et ses qualités de meneur d’hommes que par son art du commandement comme en témoigne le fait qu’il ne commanda jamais plus d’un régiment.
Comme beaucoup des officiers de la période, la carrière de Cambronne est aussi le fruit de son intégration dans des réseaux. Le choix des bataillons de volontaires qu’il intègre est un signe des réseaux nantais de sa famille. Des connaissances de l’ouest qu’il sollicite en sa faveur lors de son procès en 1815 . Tandis que son parcours sous l’Empire montre la place que tient le général Curial qui fut son chef de corps au 88° de ligne. C’est ensuite la brigade de Curial qu’il rejoint au moment de son intégration dans la Garde impériale. C’est vers Curial que Cambronne se tourne à nouveau en 1815 pour pouvoir rentrer en France.
Dés juillet 1815, Cambronne, de sa prison anglaise, prête allégeance au Roi. Cela ne lui évite cependant pas un procès à son retour .Comme Drouot avec qui il est emprisonné, il s’en sort relativement bien en étant reconnu non-coupable. Mais il connaît ensuite les tracas habituels qu’on fait subir aux anciens officiers de la Grande Armée. Il va ainsi se battre pour obtenir de se faire rétablir ses droits : arriérés de solde, retraite, grade dans la Légion d’honneur. Il finit par être nommé vicomte en 1822 et mène la vie d’un notable de province, se mariant enfin.
La postérité de Cambronne fait l’objet de la dernière partie de l’ouvrage, sa place dans la légende de Waterloo mais surtout l’occasion d’aborder la question des mots réellement prononcés ce jour là…
En conclusion
Une biographie qui évite de sombrer dans l’hagiographie ou le simple récit. En croisant les sources personnelles comme les archives militaires, en replaçant l’homme dans le contexte de son époque, Stéphane Calvet arrive à reconstituer la carrière d’un officier comme il y en eu tant d’autres sous l’Empire : un combattant désireux de servir mais aussi soucieux de sa carrière et de son avancement.
Compte-rendu de François Trébosc, professeur d’histoire géographie au lycée Jean Vigo, Millau