Les Clés de l’info » se présentent comme une collection de « poche » qui donne aux jeunes les clés pour décrypter les grands sujets d’actualité, développer leur sens critique et donner du sens à l’information. Les livres sont brefs (64 pages format 14 x 19) et comprennent trois parties :
« décrypter », « comprendre », « chercher ».

L’ambition et les auteurs

« Les Clés de l’info » se présentent comme une collection de « poche » qui donne aux jeunes les clés pour décrypter les grands sujets d’actualité, développer leur sens critique et donner du sens à l’information. Les livres sont brefs (64 pages format 14 x 19) et comprennent trois parties :
1 « décrypter »
Quatre faits d’actualité permettent d’appréhender le pétrole sous tous ses angles : socio-économique, économique, géopolitique, écologique.
2 « comprendre »
Un lexique de 50 mots de l’info explique les notions, les acteurs, les dates-clés.
3 « chercher »
Des documents sélectionnés par la Documentation française « pour aller plus loin ».

Cette présentation est légère, simple et semble adaptée à un public jeune.

Les auteurs, Elisabeth Combres et Florence Thinard, sont journalistes, écrivains et anciennes rédactrices en chef de Mikado et les Clés de l’actualité Junior. Elles sont auteurs des 1000 mots de l’info, qui a eu le prix de la presse des Jeunes.

Le livre

Donc, commençons par « décrypter »
En une quinzaine de pages sont évoqués l’impact des prix du pétrole sur « notre quotidien » et la vulnérabilité de la société. On y trouve de bonnes données de base, des exemples parlants et bien choisis et quelques informations. Certaines ne valent que comme occasion de faire réfléchir. Ainsi : « la priorité donnée à la voiture individuelle sur les transports en commun » (donnée par qui ? Chaque acteur faisant des choix rationnels, on est ramené aux données de ces choix ; donc une phrase qui n’a de sens que longuement décortiquée si l’on veut éviter d’imposer un slogan). De même, en moins pertinent, les auteurs déplorent « l’importation de produits plutôt que la production sur place » (là, les choix sont encore plus rationnels étant faits par des entreprises, y compris en équivalent pétrole, puisque le coût de l’énergie –et des taxes pesant sur les choix, comme dans l’exemple précédent- est bien reflété dans les prix de revient ; on aurait donc de mauvaises surprises si on suivait ce conseil). Il est également curieux de présenter comme un point négatif et comme entraînant une « de dépendance de la France » que le pétrole soit payé en dollars. Cela alors que nous avons une monnaie européenne, et qui est convertible ! De plus le dollar baisse. On remarque aussi que les énergies alternatives évoquées ne comprennent pas le nucléaire.
Le marché du pétrole fait l’objet de commentaires elliptiques, et je n’y reconnais pas ce dont j’ai l’expérience professionnelle. Ensuite, si les données de base sur les réserves et la production sont bien rappelées, les auteurs ne mentionnent pas le fait fondamental que leur limitation actuelle vient de l’incompétence des « sociétés nationales » des pays producteurs où se trouvent les ressources les plus accessibles, ressources qui sont de plus gâchées tant , dans le sol, par ces compagnies que sur terre par une consommation dopée par un prix dérisoire. Corrélativement, les seuls grands pétroliers mentionnés sont les sociétés privées et non ces sociétés nationales dont le poids est pourtant fondamental. Enfin, la notion même de « réserve » est sous entendue comme une donnée fixe alors qu’elle dépend du prix.
Le pétrole est logiquement, mais peut-être un peu exagérément, signalé comme source de guerre, notamment en Irak. Le repli de l’exploration vers des zones plus calmes d’Afrique est bien signalé, ainsi que les réactions nationalistes de la Russie et de l’Amérique du Sud. Le fait que cela ne fera qu’aggraver le problème tant des populations locales que de l’approvisionnement mondial n’est pas soulevé. Les marées noires sont décrites et ramenées à leur juste proportion par rapport aux autres pollutions d’origine pétrolières. La carte de synthèse est claire et parlante, au prix de simplifications inévitables vu le public visé.

La partie « Comprendre » est un dictionnaire des principaux termes employés, même très simples. Il est toutefois dommage qu’il faille attendre ce dictionnaire (ou passer par l’index) pour savoir ce qu’est un baril. La brève présentation de « Total », par ailleurs épinglé pour avoir un gisement en Birmanie, rappelle que cette compagnie fait d’énormes bénéfices, est l’armateur de l’Erika et le propriétaire de l’usine AZF qui a explosé en septembre 2001. C’est exact, mais rapide si l’enseignant n’explique pas la chaîne allant de l’armateur au capitaine ou de la participation au capital d’une filiale aux questions de sécurité, ce pourquoi il n’a ni le temps ni forcément les compétences. La multiplication de tels descriptions partielles au fil des pages s’ajoutant à l’accumulation de formules et d’allusions journalistiques stigmatisant les acteurs pétroliers privés donne un ton « dénonciateur » à l’ensemble de l’ouvrage.

Le livre se termine avec la partie « chercher » : chronologie, rapport de l’Institut Français du Pétrole sur l’avenir du pétrole, mesures de l’Union européenne pour limiter les risques de pollution marine, déclaration très « langue de bois » de Vladimir Poutine sur la sécurité énergétique lors du G8 à Saint Petersbourg en mars 2006. Dans ce dernier cas aussi, l’essentiel du travail incombe à l’enseignant qui doit d’abord lui-même « traduire » les allusions poutiniennes et donc expliquer le contexte politico-économique, voire historique du couple Europe-Russie.
S’y ajoutent deux points forts : l’adresse des sites Internet concernés et un bon index. Toutefois, y trouver « Voltaire » pour être renvoyé au nom d’un porte conteneur pollueur est sans doute un bon « truc » pédagogique, mais un peu surprenant.

Finalement, ce livre est un outil dont l’usage vaudra ce que vaut la connaissance de l’enseignant en matière pétrolière. S’il veut vraiment développer l’esprit critique de ses élèves, il devra d’abord rechercher pour lui-même des sources plus variées, puis s’en servir avec eux en consultant cet ouvrage d’un oeil … critique.

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