Des acteurs scientifiques : l’épopée des explorateurs-photographes

Ce beau livre doté d’une couverture cartonnée est le fruit d’une publication conjointe entre les éditions Glénat, la BNF et la Société de Géographie. Il est dirigé par Olivier Loiseaux, conservateur en chef au département des Cartes et Plans de la BNF, qui signe l’introduction et la conclusion. La préface est écrite par Jean-Robert Pitte, président de la Société de Géographie. Il insiste sur l’apport que peut apporter l’étude des photographies du tournant du XXe siècle : elles permettent une approche concrète de l’une des phases majeures de l’expansion des connaissances sur de nombreux territoires (Afrique centrale, Groenland, Asie du Sud, Amérique Latine, Australie) et aussi « d’abandonner un esprit de chapelle qui trop souvent aujourd’hui enferme [les géographes] dans une langue aussi obscure que les concepts qu’elle prétend exposer » (page 9).  L’ouvrage s’organise selon un fil rouge régional : les photographies s’intéressent d’abord à l’Afrique (grâce à 13 lieux), puis à l’Amérique (19 lieux), à l’Europe (13 lieux), à l’Asie (14 lieux) et à l’Océanie (3 lieux). Chaque région est introduite par un texte général sous la plume de Gilles Fumey, professeur et chercheur en géographie à la Sorbonne.

La photographie au service des explorateurs

L’introduction insiste sur les capacités des appareils photographiques au milieu du XIXe siècle. Le fondement de la photographie argentique est mis en oeuvre en 1842 par le Britannique William Henry Fox Talbot qui perfectionne les travaux du français Louis Daguerre présentés à l’Académie des Sciences, deux ans auparavant. Depuis 1849, date à laquelle le ministère de l’Instruction publique missionne Maxime du Camp en Égypte, jusqu’à la mission photographique d’Eugène Gallois en Mésopotamie (Mossoul, Palmyre) en 1913-1914, ce livre présente l’histoire des voyages et des explorations à travers les reportages photographiques. Fondé en 1921 à Paris, la Société de Géographie est la plus ancienne au monde. Constituée grâce à des dons, la bibliothèque de la Société compte désormais environ 145 000 photographies prises entre 1850 et 1950. Le fonds est conservé à la BNF depuis 1942.

Du désert libyen à la Nouvelle-Calédonie en passant par les canyons du Colorado et la construction du Transsibérien

Minutieusement construit, ce beau livre de photographies peut constituer un recueil de documents pour les enseignants. En 1882 au Niger, le lieutenant-colonel Gustave Borgnis-Desbordes photographie la population locale (composée de guerriers, chasseurs, griots) lors d’une mission préalable à l’étude de la construction d’une voie ferré entre le Sénégal et le fleuve Niger. Celle de Marcel Monnier quatre ans plus tard en Amazonie est le fruit d’une expédition reliant Trujillo au Pérou jusqu’à la côte atlantique du Brésil. La construction du canal de Panama est retranscrite grâce à l’officier de Marine Armand Reclus. Chaque double-page est construite autour d’un titre précis et accrocheur : « l’extraction du Guano aux Iles Chichas, « un complexe industriel au cœur de l’Oural », « aux marges de l’Empire russe d’Asie centrale », « tournée d’inspection en Indochine », « activité et aménagement du Canal de Suez » n’en sont que quelques exemples glanés au fil des pages.

Des possibilités de création de supports pédagogiques à travers l’histoire de la photographie

La double-page sur la puissance économique de la Grande-Bretagne s’appuie sur les productions du studio écossais Valentine & Sons de la ville de Dundee : la mise en œuvre d’une situation d’enseignement pour des élèves de collège, de lycée ou de classes préparatoires peut se faire à partir du quai flottant de Liverpool vers 1883 ou grâce au London Bridge pris en 1885. Parmi tous les exemples, retenons les photographies d’Eugène Gallois prises en 1913 à Ninive : elles peuvent être exploitées pour aborder l’Orient ancien en classe de Sixième ou pour souligner la présence européenne à la veille de la Première guerre mondiale en Terminale.

Remarquablement illustré en couverture par la photographie de William Henry Jackson prise dans les Rocheuses en 1872 lors d’une mission d’exploration dans l’Ouest des États-Unis, ce livre s’avère être une invitation à la découverte, à l’exploration et au voyage. Sa lecture peut se poursuivre grâce aux nombreuses numérisations d’ouvrages et d’illustrations du site Gallica.

Pour aller plus loin :

Antoine BARONNET @ Clionautes