Une réédition pour les 100 ans de Citroën

Publié en collaboration avec la Société de Géographie, la plus ancienne au monde fondée en 1821, les éditions Glénat publie ce beau livre consacré à la Croisière jaune (1931-1932) pour commémorer les 100 ans de Citroën.

Il est écrit par Ariane Audouin-Dubreuil, la fille de Louis Audouin-Dubreuil, commandant de l’expédition et chef des missions Citroën Centre-Afrique (1924-1925) et Centre-Asie (1931-1932). Louis Audouin-Dubreuil deviendra le premier président de la Société des Explorateurs, quelques années après l’expédition. Déjà chez Glénat, Ariane Audouin-Dubreuil avait publié la Croisière noire en 2014 et des documents inédits de la Croisière jaune dans un coffret en 2013. Elle s’attache à diffuser les archives constituées par son père lors de ses nombreuses expéditions pour le plus grand plaisir des amateurs d’explorations et d’automobiles.

Les cartes sont réalisées par Claire Levasseur, qui intervient régulièrement dans la réalisation des atlas Autrement.

La préface de Jean Bastié souligne le travail de reconstitution, de transmission et de vulgarisation d’Ariane Audouin-Dubreuil. Ancien président de la Société de Géographie, il rappelle que la Société décerna la Grande Médaille d’Or à l’ensemble des membre de l’expédition lors d’une cérémonie dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne en novembre 1932.

Cette expédition regroupe 40 voyageurs, anciens militaires, mécaniciens, savant, partant de Beyrouth en direction de Pékin. Le chien Paris sera la mascotte de l’expédition. Carnets de route, lettres,télégrammes, mémoires, les resources mobilisées sont nombreuses et surtout, fidèlement reproduites en grand format dans les annexes à la fin de l’ouvrage.

Le tracé retenu suit l’itinéraire de l’un des faisceaux de la Route de la Soie. Après la Croisière noire en 1924-1925 qui traverse l’ensemble du continent africain du Nord au Sud, André Citroën est le mécène de cette expédition asiatique. A des fins publicitaires mais aussi pour montrer les capacités industrielles du pays, André Citroën avait une autre idée avant de soutenir ce qui allait devenir la Croisière Jaune. Son projet initial, baptisé la Croisière Blanche, avait pour but d’atteindre le pôle Sud : il sera abandonné en raison du coût des brise-glaces nécessaires pour atteindre l’Antarctique.

Parmi les membres, le reporter-photographe Maynard Owen Williams est délégué par la National Geographic Society et plusieurs journaux états-uniens. Alors conseiller honoraire au service géologique de Chine, le révérend Teilhard de Chardin est le géologue de la mission.

Une année est nécessaire pour obtenir toutes les autorisations nécessaires au bon déroulement de cette expédition. Les obtenir de la part de l’Iran de Reza Chah, du Prince de Galles pour les Indes anglaises, de la Chine des seigneurs de guerre et de l’URSS pour le passage du Turkestan russe n’est pas une mince affaire. Après avoir obtenu une autorisation de l’URSS, le revirement des autorités soviétiques contraint l’expédition à passer plus au Sud que l’itinéraire prévu.

Les membres se scindent en deux groupes : le groupe Pamir, mené par Georges-Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil et chargé de relier Beyrouth à Kashgar. Le groupe Chine (ou « Point », du nom du commandant Victor Point) part de Pékin, traverse la Chine et est chargé de retrouver le premier groupe à Kashgar. Il doit alors traverser le territoire chinois, en proie à de violents combats.

Le 11 mars 1931, le groupe Pamir arrive à Beyrouth sur le Mariette-Pacha. Contrairement au souhait de Louis Audouin-Dubreuil, Georges-Marie Haardt privilégie des véhicules à chenille plutôt que des véhicules avec des roues. En route, ils bivouaqueront notamment dans les ruines de Palmyre. Après l’Irak britannique, c’est l’Iran qui se dresse devant le Groupe Pamir. Ils sont escortés par le colonel Esphandiary-Nouvy, passé par St-Cyr et parlant le français. Des relevés demandés par l’historien René Grousset sont effectués sur le site achéménide de Bisoutoun et le site sassanide de Tac-i-Bostan. L’expédition s’étonne de la destruction des vieux palais à Téhéran : la ville se transforme et a tendance à faire table rase du passé au profit d’immeubles et de mosquées modernes. Le Sud de l’Afghanistan est atteint le 19 mai 1931. Escortée par l’armée, l’expédition rencontre des difficultés dans ce pays en proie à des troubles. En effet, dans le Nord du pays, a lieu une révolte ouzbèke autour de Mazar-i-Charif. Les deux groupes se retrouvent dans l’Ouest de la Chine. Le second groupe a rencontré de très importantes difficultés, à la fois diplomatique (refus de passer de la part des gouverneurs locaux) et militaires (combats autour de la ville d’Hami). Les deux groupes atteignent Pékin, puis se dirige en bateau à Haiphong pour entreprendre un trajet du Nord au Sud du Vietnam actuel, en longeant les côtes, afin de mettre en avant l’Indochine française. Haardt décède à Hong Kong d’une pneumonie sur le chemin Pékin-Haiphong.

Pour se financer, la Société de Géographie vendait des cartes destinées à suivre la progression de l’expédition (page 136-137). Le lecteur pouvait y insérer de petits fanions afin de représenter l’itinéraire depuis Beyrouth jusqu’à Pékin. En bas de cette carte, figure le profil topographique du trajet depuis la plaine libanaise (une trentaine de mètres au dessus du niveau marin) à Pékin en passant par le col de Kallik dans le Xinjiang actuel, situé à 4586 mètres.

Les documents, notamment les photographies pourront être utiles aux historiens travaillant sur les années 1930 à propos du protectorat français sur le Liban et la Syrie, mais aussi sur le Moyen-Orient, l’Asie, l’histoire des sciences ou des transports.

Ce beau livre recèle de nombreuses photographies, colorisées ou en noir et blanc, et en grand format. Une légende précise le lieu de la prise de vue de chaque photo. Un véritable appel à l’exploration.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes