Gérard-François DUMONT, professeur à l’université de Paris-Sorbonne, préside la revue des populations et des territoires Population & Avenir et est l’auteur de nombreux ouvrages.  Cette deuxième édition est mise à jour pour prendre en compte l’évolution administrative récente des territoires français : réforme des régions, nouvelle carte intercommunale, budgets des collectivités territoriales… et pour encore mieux appréhender les conséquences de la mondialisation, de la décentralisation et du développement durable. Cet ouvrage se divise en deux parties bien distinctes mais évidemment interconnectées. Dans une première partie, une méthodologie de diagnostic territorial est proposée et la notion de gouvernance est explicitée. Dans une deuxième partie, celles-ci sont mises en pratique avec l’analyse de petites villes industrielles françaises.

Conduire un diagnostic territorial monographique appelle le respect de principes généraux. G-F DUMONT propose un « carré magique » du diagnostic territorial. Il faut d’abord choisir une échelle géographique appropriée (terme essentiel pour un territoire). Il doit être perçu comme homogène géographiquement ou économiquement et, dans la mesure du possible, être conforme aux périmètres administratifs afin de faciliter le traitement des données quantitatives. Le choix est donc large : section de communes, quartier prioritaire, EPCI voire départements et régions ou aire urbaine, zone d’emploi, ZEAT… On peut ainsi distinguer 59 catégories de territoires. Une fois l’échelle choisie, il est possible d’entrer proprement dit dans l’analyse du territoire en déclinant ses différentes composantes. L’analyse du territoire in situ (1) s’appuie sur des sources bibliographiques et des enquêtes géographiques de terrain. Il s’agit de déterminer la situation géographique (positionnement par rapport aux autres territoires et analyse de la desserte), les caractéristiques foncières (plus ou moins contraignantes), les caractéristiques du tissu économique, la dimension touristique du territoire et l’étendue de sa zone d’influence. Cette analyse est ensuite complétée par des entretiens formels (données qualitatives) avec des responsables locaux (2). Vient ensuite l’analyse de la gouvernance territoriale (3), souvent sous-exploitée. Il s’agit de déterminer les différents types de gouvernance intercommunale, si les relations sont harmonieuses ou conflictuelles entre les élus, entre les élus et les acteurs économiques et sociaux, avec les puissances publiques supérieures. Face au désengagement de l’État et la multiplication des acteurs locaux, la capacité à travailler en équipe est en effet devenue déterminante dans le devenir des territoires. Elle conditionne la capacité de prospective territoriale et l’établissement de réels projets de territoire. Enfin, une analyse comparative (4) des indicateurs démographiques, de l’emploi, des revenus, de logement et de leurs évolutions est impérative .

Schéma général de la méthode de diagnostic territorial
Schéma général de la méthode de diagnostic territorial

La méthode de diagnostic territorial proposée est applicable  à tous types de territoires et à toutes les échelles. G.-F. DUMONT propose de souligner sa pertinence en utilisant l’exemple des villes industrielles. Il s’agit de villes se trouvant dans une situation particulière par l’importance du secteur industriel. Pour s’assurer qu’elles ne profitent pas d’avantages spécifiques et pour que la comparaison soit pertinente, les villes industrielles bénéficiant d’un secteur non marchand dû à leur statut de préfecture ou de sous-préfecture ont été écartées. On peut alors les définir comme  » des villes petites non préfectorales à dominante productive » : Vitré, Eu, Creutzwald, Tarare, Pont-à-Mousson, Annonay, Bolbec, Mazamet, Pont-Sainte-Maxence et Flers. Elles sont de natures comparables et affectées de multiples handicaps. Les conclusions du diagnostic territorial semblent donc a priori évidentes et devraient mettre en avant le caractère inéluctable de leur déclin. Pourtant, les diagnostics sont très diversifiés selon les indicateurs de situation. Par exemple, ces villes ont une population plus ou moins jeune, connaissent des taux d’emploi dissemblables et des écarts considérables dans la proportion des propriétaires. 3 villes apparaissent alors disposer de la situation relative la plus favorable : Vitré, Pont-à-Mousson et Annonay. 4 villes présentent la synthèse de situation la plus défavorable : Flers, Bolbec, Mazamet et Creutzwald. Les dynamiques (l’analyse cinétique) sont également très disparates. Tarare et Pont-Sainte-Maxime, à proximité de l’Ile-de-France et de la métropole lyonnaise, connaissent des évolutions positives à l’opposé d’Eu ou Flers de plus en plus mal desservies. Le croisement de ce double diagnostic quantitatif met en évidence le dynamisme relatif de Vitré, Pont-Sainte-Maxence et Pont-à-Mousson et les difficultés de Bolbec, Creutzwald, Eu, Flers et Mazamet. Les données purement quantitatives sont pourtant insuffisantes pour établir un diagnostic fin des territoires. Elles doivent être complétées par l’élaboration de grilles comparatives sur les connexions autoroutières, l’originalité des sites, la notoriété, la qualité du tissu industriel… Au final, seule la ville de Vitré semble posséder une synthèse totalement favorable. Mazamet et Tarare combinent, par contre des caractéristiques défavorables. Il apparait que la gouvernance territoriale, entendue comme « la mise en réseau des différents acteurs institutionnels, politiques, économiques et sociaux dans la perspective d’améliorer l’attractivité du territoire », est essentielle. Une « bonne gouvernance » permet parfois de dépasser les handicaps pour les transformer en atouts, d’où la nécessité de ne pas s’en tenir uniquement aux critères quantitatifs, importants mais insuffisants, qui doivent être compléter par des critères qualitatifs afin d’établir un diagnostic territorial le plus précis possible.

Cet ouvrage est d’abord destiné aux étudiants en géographie, en urbanisme et aménagement. Il peut également être utile pour l’enseignement de la France en classes de 3e et de 1ère, notamment dans les chapitres traitant des systèmes productifs industriels. Il peut éventuellement être intéressant pour préparer des travaux locaux de diagnostics territoriaux avec les élèves en se basant sur une méthode claire, précise et adaptable. Cela pourrait être l’occasion de voire la Géographie comme une discipline de terrain à finalité citoyenne.