Une lettre de Jeanne d’Arc, une lettre codée de Napoléon Ier, un brouillon de Jules Verne : voilà quelques documents exceptionnels que nous donne à voir ce livre. Cet ouvrage est en quelque sorte le deuxième volume d’une série, car les mêmes auteurs avaient publié en 2013 un ouvrage sur les « 100 manuscrits les plus précieux ». Le critère de choix cette fois a été de retenir des manuscrits qui ont une valeur historique. La sélection a été faite par Christel Pigeon, rédactrice en chef de « la lettre du musée des lettres et manuscrits  » et Gérard Lhéritier, président fondateur du musée. Pascal Matéo et Jean-Paul Mouret ont participé à la rédaction des notices. http://www.museedeslettres.fr/public/

A la découverte des trésors manuscrits

Cet ouvrage est une façon de magnifier le geste de l’écriture. Il y a une part d’émotion en regardant certains documents. La période couverte est large, car elle va de 1800 avant Jésus Christ jusqu’aux Beatles. La logique est donc chronologique mais chacun pourra picorer dans l’ouvrage au gré de ses envies. Il faut souligner la qualité et la beauté des reproductions.
Le livre est construit ainsi : à gauche, le repérage du document, un sous-titre puis le commentaire du document. Celui-ci apparaît en pleine page à droite. Quelques documents ont droit à un peu plus de pages comme le papyrus d’Ani. Dans la partie gauche, on trouve une description sur les circonstances de découverte avant d’expliquer le contenu du document. Les auteurs livrent de nombreuses anecdotes. Le livre propose une bibliographie à la fin sur chacun des documents et un lexique. Celle-ci pointe des liens internet. Ainsi les chroniques de Froissart sont visibles sur le site de la ville de Besançon, comme évoqué dans le livre, mais on peut aussi ajouter le site de Peter Ainsworth. http://www.hrionline.ac.uk/onlinefroissart/index.jsp. Cette numérisation est indispensable, car quelques-uns des documents ont déjà beaucoup souffert.

Des documents très célèbres

Parmi les plus célèbres, on trouve les serments de Strasbourg (page 53), document décisif puisqu’il évoque l’utilisation du français comme langue officielle. Hippocrate est présent, mais à partir de copies byzantines du douzième siècle. On trouve les Très Riches Heures du duc de Berry ou encore l’Edit de Nantes. On peut ajouter en référence supplémentaire le site http://www.henri-iv.culture.fr
Vous pourrez aussi découvrir un écrivain au travail avec l’exemple des Misérables. Ce qui est magnifique, c’est de voir les repentirs de l’auteur. A droite le texte issu du premier jet, et à gauche, les corrections et modifications. C’est un document à montrer aux élèves ! Il y a même parfois des éléments collés par dessus comme le dos d’un télégramme dès qu’une idée vint à Victor Hugo. Dans le même genre, on découvre les retouches de Jules Verne pour Vingt mille lieux sous les mers. Pour des périodes postérieures, un extrait du journal d’Anne Franck ou le discours de John Fitzgerald Kennedy pour son investiture en 1961.

Les manuscrits : une histoire globale

Un tel ouvrage permet également de découvrir des documents d’autres civilisations. Ainsi page 16, le Huangdi Nei Jing, une référence de la médecine chinoise. Page 20  » les surprenants écrits sur bambou » de Guodian, découverts assez récemment, c’est-à-dire en 1993, et qui remettent en question ce qu’on sait sur la pensée chinoise. Une entrée est consacrée aux manuscrits de Tombouctou, classés au patrimoine mondial de l’Humanité et qui se détériorent rapidement. Au gré de vos envies, vous verrez également le codex Borbonicus, un manuscrit de prophéties aztèques. Ce document, long de 14 mètres, rassemble plusieurs types d’informations dont un intrigant calendrier divinatoire.

Quelques coups de cœurs personnels

Parmi cette centaine de documents, quelques documents ont plus particulièrement attiré mon attention. « La divine comédie » avec une incroyable liberté graphique dans le document, un sens de la mise en page. Dans le même genre créatif, le manuscrit Ellesmere, le plus bel exemplaire des contes de Cantorbéry. Des manuscrits continuent de garder leurs secrets comme le manuscrit Voynich qui demeure un mystère. Il y a aussi un livre d’heures du 15ème siècle absolument magnifique, dont les pages ont été trempées dans « un bain de fer et de cuivre afin de revêtir une soyeuse couleur noire ».
Parmi tous les trésors qui sont donnés à contempler, on trouve de nombreux textes religieux. Mais il y a plus que le simple plaisir de la vision car en même temps, grâce aux manuscrits de la mer Morte, on voit bien que la Bible ne s’est pas écrite en un jour. On découvre aussi un étonnant document sur le Coran. Il s’avère essentiel car cela signifierait qu’il y a eu des changements dans le texte, ce qui est a priori inacceptable pour l’islam.
On découvre des documents comme celui sur les Templiers page 79, mais aussi un étrange diable dans le Codex Gigas.

Quelques exemples pour le lycée

Cet ouvrage peut aussi être utilisé au lycée. Dans le cadre des « nouveaux horizons géographiques et culturels des Européens », on pourra montrer aux élèves une lettre de Christophe Colomb. Parmi les classiques, souvent reproduits dans les manuels, le Codex de Vinci. Les scientifiques sont à l’honneur avec Galilée, Copernic, ou un formidable document d’Emilie du Châtelet avec ses ratures, manière de montrer une pensée en train de s’élaborer. Ce manuscrit, actuellement conservé au Musée des lettres et manuscrits de Paris, a été retrouvé 260 ans après le décès de la savante. Elle y évoque avec virtuosité les  » théories développées par Newton sur le mouvement des corps ». Dans le cadre du programme de seconde, on trouve aussi l’Habeas Corpus (page 137), et à la page suivante le Bill of rights, deux bases des droits civiques.

Voici donc un ouvrage à ranger dans la catégorie des beaux livres, mais qui est davantage que cela. Il permet de brasser de grands pans de l’histoire, dans une approche universelle. En donnant à voir des documents, qu’on connait parfois par leur contenu, mais dont on a oublié parfois la matérialité, l’ouvrage offre un plaisir au lecteur, agrémenté de multiples anecdotes.

© Jean-Pierre Costille, Clionautes