C’était en 1992, j’étais parti en vacances avec des amis étudiants à Vaison-la-Romaine. Dans le garage de la maison familiale de notre hôte, nous avons trouvé des cartons remplis de collections complètes de Charlie Hebdo et Hara-Kiri. Ce qui nous a frappé en les feuilletant et lisant, c’est ce mélange de grande liberté de ton et d’audace. Ils osaient tout dès lors que cela les faisait marrer. L’histoire du journal Hara-Kiri a déjà été racontée par ceux qui l’ont faite. Daniel Fuchs était l’un d’entre eux. Quarante ans après il continue de dire : « Putain ! Hara-Kiri ça c’était un journal ! » et de raconter mille souvenirs qui rappellent ce que c’était que d’œuvrer dans les coulisses. C’est cette parole que Joub et Nicoby ont décidé de recueillir et de transposer dans une bande dessinée accompagnée d’une postface de Stéphane Mazurier historien qui a soutenu une thèse intitulée L’Hebdo Hara-Kiri/Charlie Hebdo un journal des années 1970 (1969-1982).
Le dessin est plaisant et sied bien au témoignage de Daniel Fuchs, tout à la fois comptable, modèle pour les blagues photographiques, chargé des tournées de vente directe à travers la France des campings et festivals BD. Son témoignage est beaucoup centré sur la personnalité de Bernier alias Choron. Cavanna, Bobby Lapointe, Cabu, Reiser, Coluche et les autres n’y sont que des figurants en arrière-plan.
Le livre fonctionne par anecdotes, organisées selon un ordre chronologique. Il nous montre bien combien Choron, à la fois débrouillard et roublard, se démenait pour maintenir le journal et sa maison d’édition à flot ; à travers le témoignage d’un témoin direct, les auteurs restituent bien l’atmosphère de grande liberté qui y régnaient et que nous décrit l’historien dans sa postface. Mais le côté subversif et provocateur par rapport à une société corseté moralement est à peine évoqué puisque tout est vu à travers les yeux de Daniel Fuchs qui n’était finalement pas confronté aux réactions de la société française.
Pour finir le dessin des auteurs m’a emballé et aide bien à entrer dans le témoignage. Je l’ai lu d’une traite. Pour ceux qui, comme moi, connaissent un peu l’histoire de Hara Kiri, Choron etc., ce livre n’apprendra pas grand chose mais reste un bel objet, plaisant à lire. Plus qu’une époque, il est une histoire subjective de ce journal qui, comme le souligne Mazurier en postface, a tout de même vécu 25 années toujours au bord de la faillite, par la volonté de Choron.


