L’auteure, Bénédicte Rivière, travaille sur l’histoire des expressions quand elle découvre la vie de celui qui donne naissance à Je suis Chocolat. Elle va fouiller, découvrir, lire, confronter, faire un quasi travail d’archiviste et d’historien pour écrire deux livres : Je suis chocolat, aux éditions des Petites moustaches et Monsieur Chocolat, avec les illustrations de Bruno Pilorget, aux éditions Rue du monde.
Plongeons d’abord dans le quotidien des esclaves noirs à Cuba à la fin du XIXe siècle, la famille de Rafael trime, souffre et son père rêve chaque jour de sortir de cet enfer et de permettre à son fils d’être libre. Ils réussissent à s’enfuir devenant des « marrons » recherchés. Rafael est laissé par ses parents à une vieille cubaine qui va s’en occuper. Rafael parcourt les rues de la Havane, s’imprègne du rythme, des joies, des musiques, des danses mais garde en lui la peur d’être pris.
Un matin, il est vendu à un marin portugais qui veut en faire le domestique de sa mère à Bilbao. Dès le premier pied posé sur la terre espagnole, il prend la fuite : il veut être libre comme son père et surtout pas devenir à nouveau un domestique.
Il va vivre dans la rue, avec un chien perdu : porteur de bagages, cireur de chaussures, mineur, chanteur, danseur …. Mais tous les soirs, avec ses compagnons de pauvreté, il chante, il danse ! Cette danse qu’il a apprise à Cuba. Un clown anglais célèbre, Tony Grice, le repère ; subjugué, il l’embauche comme assistant. Rafael suit Tony dans les grands cirques d’Europe, il apporte les cerceaux, les instruments de musique, range le matériel et il rêve … Il rêve de devenir lui aussi un clown.
A Paris, le directeur du Nouveau cirque, Agoust, lui propose de rejoindre la troupe. Il devient « le premier clown noir sur une piste parisienne ». Il prend un nom de scène « Chocolat » et le succès est tout de suite au RDV.
Il rencontre alors le célèbre clown Foottit, ils se parlent, s’apprécient et lance un duo extraordinaire de clown qui enflamme les pistes de cirque. On ne cesse de les réclamer, de les acclamer, ils deviennent vedettes même de cartes postales et figurines, font la une des journaux, inspirent des peintres et sont même filmés par les frères Lumière pour le cinéma naissant.
Ces deux là ne se sépareront que quand la mode éclipsera les cirques et les clowns en faveur du cinéma, des rings de boxe, des music hall. Chocolat tombe dans la misère ; Suzanne, sa fille adoptive, meurt brutalement. Mais Rafael a besoin de rire pour effacer ces chagrins. Il reprend son costume et sillonne les hôpitaux d’enfants pour faire renaître des sourires chez les enfants malades. Il en oublie quelques instants la misère.
En novembre 1917, il signe un contrat avec le cirque Rancy à Bordeaux. Il est épuisé. A la dernière représentation, il salut la foule, ses compagnons et s’en va mourir seul dans sa chambre d’hôtel.
Un livre bouleversant, plein de rêves et de joies du cirque, mais qui n’éclipse pas la réalité de l’esclavage, les moqueries incessantes dont Rafael est victime dans sa vie quotidienne en France, ni sa souffrance durant l’expo universelle de 1889 à Paris où les Africains sont considérés comme des sauvages.
Un livre à utiliser pour travailler sur le racisme, sur les discriminations mais aussi sur la volonté d’atteindre la liberté.
L’histoire est complétée par des documents et des explications très pédagogiques sur Chocolat, les clowns, la «Belle époque», le triomphe du rire sur la bêtise.
A découvrir et partager sans plus tarder.